Tunic (2022) veut clairement nous faire vivre l'expérience Zelda. Mais pas n'importe quelle expérience Zelda. Celle d'un gamin des années 90 qui aurait trouvé une copie de seconde main en langue étrangère de A Link to the Past dans la brocante du quartier. Un gamin qui n'a pas accès à internet, qui ne comprend pas la langue, à part peut être deux ou trois mots, et qui doit déchiffrer péniblement un (gros) livret du jeu qui tombe en lambeaux, en s'aidant des quelques notes griffonnées à la marge par le précédent propriétaire. Un travail tant d'intuition que de logique. Une chasse au trésor. Un jeu dans le jeu.
L'expérience délicieusement nostalgique et astucieusement méta que nous propose Tunic fonctionne admirablement bien. Sur moi, en tout cas, car j'ai été ce gamin, ma SNES d'occasion pourra en témoigner. Tunic a de plus l'intelligence de distiller les pages de son livret au compte-goutte, pour éviter la surcharge d'information, récompenser le joueur dans sa progression et gérer le rythme du jeu en contrôlant l'information. Ces moments "eureka" où l'on comprend enfin quelque chose qui a posteriori parait évident sont pléthores et très gratifiants.
En ce sens, Tunic est un knowledge-vania, genre récent où la connaissance des mécaniques du jeu guide la progression du joueur. Outer Wilds (2019) en est le fantastique porte étendard.
Mais Tunic n'est pas qu'un knowlegde-vania. Il est de plus un Zelda-like (A Link to the Past, 1991, en particulier, les similitudes sont trop nombres pour être comptées), mâtiné d'un soupçon de Dark Souls (on est en 2022 ma bonne dame), et un jeu d'énigmes (qui m'a beaucoup fait penser à Fez, 2012).
Et finalement, cette mayonnaise ne prend qu'à moitié, pour moi en tout cas. Le côté Zelda-like est plutôt exigeant, les énigmes mettent les méninges à rude épreuves et ces deux types de difficultés rentrent un peu en conflit. Si je me concentre exclusivement sur les combats, je passe à côté du coeur du jeu. Et quand je veux percer une énigme, je suis rapidement lassé de devoir trucider des mobs à la pelle pour aller d'un point A à un point B, puis un point C car B est une impasse, puis D, puis à nouveau B car en fait c'était là la solution.
Passé l'obtention de l'ensemble du livret, mon intérêt a rapidement décliné.
Bref, l'un dans l'autre, je n'ai pas fini Tunic, trop agile pour mon cerveau, trop cérébral pour mes doigts. Mais je suis reconnaissant à son créateur Andrew Shouldice pour m'avoir fait revivre un morceau de mon enfance que j'avais oublié.