Critique publiée sur ArtZone Chronicles.


Les premières aventures de Nathan Drake m'avaient laissé un goût étrange. Comme souvent en retard sur la production vidéoludique, j'ai terminé Drake's Fortune début 2016, alors que tout le monde était dans l'attente fébrile du quatrième opus, A Thief's End, espérant le retour à la qualité d'Among Thieves, référence proclamée du genre et qui a insufflé à la série ce niveau de hype. Ne possédant que la troisième machine de Sony et aimant de tout façon aborder une saga dans l'ordre des sorties, même quand – et c’est le cas des Uncharted – ils peuvent être joués indépendamment du numéro les accompagnant.


Among Thieves démarre d’ailleurs avec douceur, comme pour accueillir les nouveaux joueurs et leur apporter progressivement les quelques éléments de gameplay maîtrisés par les connaisseurs. Un prologue un peu mollasson mais suffisamment bien fait pour ne pas trop ennuyer ceux qui ont pratiqué Uncharted premier du nom. Rien de révolutionnaire du côté de ce que le jeu propose : on retrouve le mélange énigmes, tir à la troisième personne avec couvertures et plateformes, avec un zeste d’exploration et surtout plus d’équilibre que dans Drake’s Fortune. Uncharted 2 s’en fait d’ailleurs le juste prolongement, et ce à tous les niveaux : améliorer, parfaire, mais sans rien révolutionner.


Nathan Drake est toujours le dragueur vaguement nonchalant et paradoxal, entre tueries monumentales, aptitudes démesurées et désir de normalité dans ses réactions et relations, visant à favoriser l’identification de celui qui a la manette en main. Le scénario reprend l’ambiance film d’aventures et d'action de l’opus de 2007, avec son méchant caricatural (Lazarevic), ses sidekicks (plus variés que dans le premier)… On trouve aussi la blonde (Elena) et la brune (Chloé), entre lesquelles le petit cœur de Drake balance, et qui sont elles aussi très stéréotypées. Leur relation au héros en devient parfois gênante, le plus souvent à ses pieds, simples faire-valoir et objets de désir, avec des répliques un peu limites, et ce même en acceptant qu’elles soient écrites dans un esprit très second degré et pour coller à l’aspect général du jeu. Quelques scènes tentent de leur promettre l’émancipation en les plaçant supérieures à Drake, mais dans une optique bien-pensante uniquement, et non dans une identité claire de caractérisation des personnages. Autre note d’importance : il y a bien des nazis, mais dans une ambiance moins pulp et délirante que dans Drake’s Fortune. Among Thieves ne manque pas d’humour, mais celui-ci est plus présent dans les répliques ou les situations que dans l’esprit et l’écriture d’ensemble.


La force d’Uncharted 2, et c’est ce qui a été pointé à l’époque avec justesse, c’est son rythme. Celui du scénario, qui s’il n’est pas très original, a le mérite de nous laisser dans un même lieu juste le temps qu’il faut (s’y habituer sans se lasser), avec une belle proposition de départ sous forme de flash-back simple mais qui place le joueur dans une position de semi-omniscient en voulant savoir ce qui l’a mené dans ce train démembré. Le dépaysement est bien là, fidèle à l’ambition d’aventures à travers le monde à la recherche d'artefacts oubliés.


Le changement d’espace, s’il n’est que peu innovant en terme de modification de sensations, suffit pour relancer la machine et l’intérêt du joueur. Mais parallèlement à ce rythme de l’intrigue, c’est l’équilibre entre les différentes propositions de gameplay qui évite l’ennui trop présent dans Drake’s Fortune. Dans Among Thieves, tout est calculé pour éviter la lassitude. Finies les interminables fusillades et vagues d’ennemis : quand bien même elles s’éternisent, elles s’inscrivent dans le mouvement, sont assez dynamiques (couverture, sorties, rushs, sécurité, audace…) et surtout cohérentes avec l’enjeu scénaristique du moment. Idem pour les phases d’escalades, respirations permettant enfin d’admirer les visuels concoctés par Naughty Dog. Que l’on soit clair, je m’en fous un peu et ne passe que peu de temps à admirer les panoramas, exceptés quand ils s’imposent à moi et entrent dans une proposition globale, en faisant presque un élément de gameplay. Rien de tout cela ici, et même si cela a pu entrer en faveur du jeu à l’époque, je n’en aurais de toute façon pas eu plus quelque chose à faire que pour A Thief’s End aujourd’hui. Passons cette digression. Respirations, disais-je, entre deux cinématiques ou deux gunfights, qui sait trouver là aussi la juste durée pour ne pas ennuyer. Cette gestion rythmique se retrouve dans la fameuse et acclamée scène du train, certes bonne mais à laquelle je préfère de loin celle du village népalais, parfaite et autorisant une multiplicité des approches.


Le contrat passé avec le joueur est clair : on vous prend par la main, vous ne construirez pas la narration (ou presque), on s’en occupe par le scénario exclusivement. Peu de libertés (choix des armes, infiltration parfois ridicule), pas de monde ouvert, peu de gameplay émergent. Vous suivez le rail, et on vous en mettra plein la vue, quitte à ce que Nathan saute parfois de manière risible quand le joueur pense apercevoir un chemin de traverse, attraper une liane qui semblait pourtant accessible, et j’en passe, autant de moments frustrants pour qui veut prendre la main et faire sienne l’aventure de Drake. Etre déçu d'Uncharted pour ce qu'il propose serait comme regretter d'un Avengers qu'il ne soit pas une proposition existentialiste sur l'acteur-réalisateur.


Malgré des prouesses techniques évidentes et une parfaite gestion du rythme, Among Thieves mérite-t-il les louanges dont il a été l’objet il y a des années ? Pourquoi ne le range-t-on pas aux côtés d’un Assassin’s Creed jugé répétitif et peu innovant par les critiques et certains joueurs ? Les personnages et l’histoire sont caricaturaux, le gameplay parfaitement huilé et rythmé mais sans originalité. Il y a un vrai désir d’aller dans ce sens de la simplicité sans grande profondeur, une réelle cohérence qui pallie cette fainéantise apparente. Ce qui fait la différence avec la licence d'Ubisoft, c'est sans doute le soin apporté par des années de développement plutôt qu'une sortie annualisée, et une écriture un peu plus subtile, l'impression d'une volonté de création plus forte. Mais en faire une des œuvres majeures de cette génération ? Non, Among Thieves, c’est un peu, j’ai l’impression, comme les autres Uncharted : un bon jeu, aucun doute. Un grand jeu, absolument pas.

Flavinours
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le 10 juin 2016

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Flavien M

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