Un jeu Notidaugue ?

Certains jeux…on voit du premier coup d'œil qu'ils sont très loins du chef d'œuvre. Unearthed – Trail of Ibn Battuta est de ceux-là… Dès les premiers screens parus, il s'en est pris plein la tronche avec une violence un brin exagérée, certains de ses agresseurs lui reprochant sa trop grande similarité avec un certain Uncharted, que ce soit le gameplay, les personnages ou le titre-même du jeu, une preuve ÉVIDENTE de plagiat… oui oui, tout ça à partir de quelques images…

Alors premièrement, la similitude Uncharted/Unearthed n'est peut-être vraiment qu'une coincidence, le terme "unearthed" (déraciné en anglais) étant particulièrement approprié pour désigner Ibn Battuta, l'explorateur marocain ayant passé une bonne moitié de sa vie en pèlerinage à travers tout l'Orient…

Deuxièmement, Uncharted n'a pas le monopole du genre Action-Aventure. J'irai même plus loin en déclarant haut et fort que c'est loin d'être un exemple d'originalité : si j'allais pareillement dans la caricature, je pourrais y voir un Tomb Raider avec du chromosome Y et un système de couverture piqué à Gears of War… Mais revenons à Unearthed...

Un jeu provenant d'Arabie Saoudite, voilà qui est peu courant !! Semaphore nous propose comme toile de fond le (peu) célèbre (chez nous) périple d'Abu Abdallah Muhammad al-Lawati at-Tanji Ibn Battuta (Ibn Battuta pour faire BEAUCOUP plus simple) qui, de simple pèlerinage vers La Mecque, s'est transformé en véritable épopée à travers tout le monde moyen-oriental et même jusqu'en Chine, un peu comme Marco Polo, mais des années plus tôt…

Unearthed nous invite à suivre les aventures de Faris Jawad et de sa sœur Dania, lancés sur les traces d'Ibn Battuta et...c'est plus ou moins tout. Et c'est bien là le premier problème du jeu : l'exposition. Que recherchent nos deux protagonistes ? Un trésor indiqué par un parchemin antique ? Réaliser leur propre pèlerinage ? Dania dit clairement dans le chapitre 4 que l'argent n'est pas leur motivation…

C'est pareil pour les antagonistes : qui sont-ils ? Une organisation terroriste ? Des trafiquants d'armes ? D'antiquités ? Les trois à la fois ? Je veux bien m'initier à d'autres cultures, jeu, mais si ça t'ennuie tant que ça de m'expliquer clairement le pourquoi du comment, je ne risque pas de rentrer totalement dans le trip…

La plupart des joueurs reprochent au gameplay d'Unearthed de repomper allègrement celui d'Uncharted... À vrai dire, il reprend de nombreuses composantes de nombreux jeux pour les arranger à sa sauce, et malheureusement ça ne fonctionne pas toujours, la faute à des commandes imprécises et de multiples bugs de collision. Mais on ne peut décemment pas parler de plagiat, sinon, autant dire que Super Mario Bros. est une copie de Pitfall!, et The Legend of Zelda une resucée de Adventure sur 2600…

Le système de couverture est inspiré de Gears of War, les phases en un contre un (un grand moment) rappellent dans une moindre mesure Tekken (chaque bouton de la tranche correspond à un membre du corps), les énigmes ressemblent à du Tomb Raider, la course-poursuite finale pourrait évoquer un Driver...c'est pas un mal en soi, si c'est bien fait. Mais dans Unearthed, faire un headshot est un vrai parcours du combattant (il faut attendre que le curseur rougisse, même s'il n'est pas sur la tête) et la conduite des véhicules est pitoyable, de vrais parpaings à roulettes...

Pourtant, ce qui reste tient à peu près. Je n'ai curieusement pas trouvé de défauts majeurs dans la phase de fuite en bagnole du chapitre 3 (la visée était à ce moment-là étonnament précise...ou alors j'ai eu beaucoup de chance...), ni dans le parkour et l'évasion en Snake-style au nez et à la barbe de la police dans le chapitre 5, à part que c'était bien trop court !!! Des séquences de moins de cinq minutes (chacunes) de jeu…

D'ailleurs à ce propos, non seulement Unearthed est court (même pour un jeu sensé être épisodique), mais il souffre en plus d'un gros problème de rythme : la plupart des chapitres sont vites expédiés, tandis que le chapitre 4 n'est qu'une longue phase de parlotte… Seul le chapitre 2 s'en sort avec les honneurs, à la fois varié, assez intéressant et relativement maîtrisé.

Si Semaphore reprend les bases de ce chapitre, corrige les bugs de collision, retravaille la conduite catastrophique et l'IA trop basique des ennemis, et abandonne ces phases inutiles en un contre un, on peut espérer avoir un épisode 2 qui tienne la route...en effet, il y a du boulot !! Ce nouvel opus pourrait même s'avérer des plus intéressants vu comment se termine cet épisode un, avec pourquoi pas des phases pendant lesquelles on contrôlerait Ibn Battuta lui-même...

Enfin, certains joueurs reprochent à Unearthed sa plastique ingrate… Il faut bien comprendre que la différence de budget avec les ténors du milieu doit être abyssale, tout comme l'est celle entre un studio interne (Naughty Dog) qui maîtrise parfaitement la machine et un studio tiers qui doit multiplier les plateformes par souci de rentabilité…

Mais personnellement, mis à part les protagonistes assez laids et quelques effets lumineux clairement loupés (le lens flare notamment), je n'ai pas trouvé Unearthed "si moche que ça". C'est dans la moyenne-basse des jeux à très petit budget quoi. Par contre, on peut déplorer un level design qui manque souvent d'inspiration, et surtout des putains d'animations foireuses, pas naturelles pour un sou, sans compter un protagoniste qui semble "glisser" sur le sol… Là pour le coup, ça demande une refonte complète de travail, en espérant que Semaphore ait gagné un minimum d'expérience dans le domaine...

Dans sa globalité, Unearthed est donc un assez mauvais jeu, mal codé, mal fini, mal optimisé, mais clairement pas un plagiat, ni même une arnaque (en tout cas pas à 0,75€, le prix que je l'ai payé). Les saoudiens de Semaphore manquent certainement de moyens et d'expérience, et sans nul doute de compétences, mais pas de bonne volonté. Vouloir partager un peu de leur patrimoine culturel avec le reste du monde au travers d'un jeu d'action-aventure, un genre populaire qui a fait ses preuves, n'est pas mauvaise en elle-même, elle est ici simplement mal mise en œuvre.

Il n'y a pas de raison que l'épopée de ce cher Ibn Battuta ne soit pas aussi intéressante à suivre que celles de nos explorateurs bien de chez nous. Les insuffisances de Unearthed sont nombreuses, mais la recette gagnerait à être améliorée. Je lui attribuerais donc la note de 3/10, qu'il ne mérite sans doute pas, mais c'est plus une note d'encouragement qu'autre chose…

Pour finir, et si l'opus 2 est toujours dans les cartons, voici deux conseils gratos -car je suis un brave type- à l'attention du studio : déjà, traduire les textes en 21 LANGUES, quand on est une petite structure, c'est pas un choix des plus judicieux… Mais par contre, gardez l'arabe dans les langues disponibles, gage d'authenticité -et de dépaysement- bienvenus…