Cyberpunk Waifu Bartender Action

Parfois entre deux gros jeux exigeant il est essentiel de savoir faire une pause. Et quoi de mieux qu’un visual novel pour se détendre, lire tranquillement des lignes de textes tout en savourant une bonne boisson accompagnées de quelques snacks. C’est littéralement ce à quoi Va-11 Hall-A invite le joueur, dans un encart en début de partie.

Se déroulant dans un univers cyberpunk assez classique, on suit la routine de Jill, barmaid dans un petit bar du centre-ville animé de Glitch City, le Valhalla pour les intimes. Son quotidien se résume à entretenir la conversation avec les clients et à leur préparer des breuvages alcoolisées (ou non). Et c’est exactement tout ce qu’on fera dans ce jeu. Le fil du texte est prédéterminé, pas de choix de dialogues ou de manières directe d’influencer les événements, hormis le shaker. Eh oui, c’est en honorant les commandes des chalands, parfois volontairement obscures ou sous formes d'énigmes, d’autres fois en faisant appel à sa mémoire, que l’on peut renforcer les liens et peut-être débloquer des fins alternatives (cumulables). En outre, ce mini-jeu de barmaid est une bonne manière de casser un peu la redondance propre au genre. Autrement, on se contente de suivre le “flow” et de lire des dialogues.

Évidemment l'intérêt d’un tel jeu est l’histoire et fort heureusement la qualité de l'écriture est au rendez-vous. C’est toute une galerie de personnages récurrents que l’on retrouve au fil des soirées qui s'enchaînent, chacun ayant sa petite histoire personnelle, qui fait parfois habilement écho avec celle des autres. Il n’y a pas forcément de gros climax, de twists inattendus ou de fil rouge narratif ici. C’est un peu comme dans la vraie vie, il se passe de grands événements en toile de fond mais ils n’ont que rarement un impact direct sur notre quotidien, et nous nous contentons de lire la dernière dépêche sur le sujet et peut-être d'échanger quelques opinions avec nos connaissances avant de reprendre le cours de notre vie. De la même manière, Jill semble bien plus préoccupé à payer ses factures et se lamenter sur l’impasse sentimentale dans laquelle est s’est embourbée. Certaines choses ne sont jamais énoncées clairement et c’est finalement au joueur de recoller les morceaux pour comprendre comment se relient les intrigues de chaque personnages.

Va-11 Hall-A c’est un peu waifu land, avec tout une galerie de personnages féminins aux attributs variés, appuyant volontairement sur les clichés habituels. On aura donc la nerd latina aux mensurations démesurées, l’android loli travailleuse du sexe enthousiaste (oui, oui), la garcon manquée candide aux cheveux bleus, ou encore la “cat boomer” (je vous laisse découvrir). Il y en a pour tous les goûts et pour tous les fantasmes.

Malgré l’univers très typé animé japonais – bourré de références au monde otaku, aux dérives de la technologie moderne (cyberpunk oblige) ou à la culture internet en général – on a ici un style d'écriture assez différent de ce que les équivalents nippon nous ont habitués. N'étant pas moi-même un grand consommateur d’animé ou de visual novels, j'espère ne pas me tromper en disant que Valhalla me semble bien moins axé sur le drama et l'émotion, mais offre plutôt diverses réflexions sur la vie. Avec aussi des moments humoristiques bien appuyés ; et une façon très directe d’aborder des sujets sexuels qu’on ne retrouve que rarement chez un auteur japonais.

C’est comme si l’auteur était conscient de ses propres travers et dérives, et se permet beaucoup d’auto-dérision (jusqu'à citer le nom Sukeban studio pour le tourner au ridicule). De son aveux même, beaucoup d'éléments du jeu sont inspirés de son expérience personnelle de grandir dans un pays en développement. L’origine vénézuélienne des développeurs ajoute sans doute une justesse dans la description de ce monde dystopique où chaque individu semble bien plus occupé a essayer de rester à flot dans un quotidien qui les dépasse, qu'a vraiment s'épanouir.

Va-11 Hall-A nous piège peu à peu dans son univers. On y débarque comme un étranger, d’abord dans une sorte de voyeurisme étrange, puis doucement on prend ses marques et on en sort comme un membre d’une famille. Tout comme les personnages, on peut vraiment trouver un réconfort passager dans ce bar sombre et coupé des turpitudes de la vie. Ce jeu dégage des ondes positives, il fait du bien.

Alors, venez. Choisissez vos musiques favorites dans le jukebox (la BO déboite), commandez votre boisson favorite et détendez vous.

“It’s time to mix drinks and change lives”