1918, il fait nuit, il pleut. Non, il ne pleut pas. Mais comme nous sommes à Londres en temps troublés, qu’il pleuve ou pas, c’est pareil. Nous avons toujours cette insidieuse et délicieuse atmosphère mélancolique qui nous incite à l’errance et au désespoir. Et vous allez être servis ; Jonathan Reid, notre héros qui n’en ait pas tout à fait un quand vous ne le souhaitez pas, va en vivre.


Pour en donner un portrait positif mais réaliste, il va falloir vous le montrer en demi-teinte. Contrasté, comme dirait un de mes collègues qui partage mon travail dans l’enseignement des arts, à ma très chère éducation nationale.


D'abord, une grande tâche rouge qui forme un flot de sang interrompu, ou presque.
Vous incarnez un vampire ou du moins une agréable version entre le dandy assoiffé de sang, le bourgeois de Londres possédant un Alfred chez lui, l’homme de science déchu appelée Ekon. Et pour réussir à gagner en expérience, il vous faut du sang ! Toujours plus de sang ! Ce sang est votre monnaie pour gagner des nouveaux sorts, assis tranquillement sur le lit d’un de vos nombreux refuges, pendant que le monde autour de vous s’écroule d’un nombre incalculable de maladies diverses. Au fil de sa promenade et de ses rencontres, les quêtes secondaires données par des membres de chacun des trois quartiers et l’avancement d’histoire principale vous donneront aussi une grande source de sang et d’expérience. Enfin vous pouvez aussi soigner la population et gagner une petite progression. Pour cette dernière option, vous obtiendrez ainsi un grand sentiment de satisfaction héroïque et le quartier gagnera en santé et stabilité. Nous reviendrons plus tard sur ce mécanisme de ce jeu tout particulier.


Quelques taches noires…
Pour les lister dans le désordre ; un gameplay plus que basique, des temps de chargement beaucoup trop longs qui mettrons parfois vos nerfs à vif quand vous mourrez à répétition. Et enfin, des phases de discussions dans la découverte de chaque quartier particulièrement longues et sans réels impacts à part découvrir que Barnabé a caché une petite culotte avec des fleures blanches sous son bureau. Vous vous dites ; pourquoi pas ? Mais aussi pourquoi faire ? Parfois, on aimerait répondre ; Vampire, moi ? Non ! Quoi ? Ekonskonsenfou ? On me répondra surement ; Pour que tu sache réellement qui mérite de mourir ! Pour répondre à cette question vous devez avoir en tête que dans ces trois quartiers que vous visiterez au cours de votre périple, vous avez pour chacun différents niveaux de santé. Ce mécanisme est particulièrement instable ; si vous soignez quelqu’un, le niveau indiqué en pourcentage augmente. Si vous tuez quelqu’un, il baisse. Et comme le jeu est fourbe, il va vous offrir de très nombreuses occasions de tuer, lacérer, découper, déchirer, froisser, segmenter, évider, perforer… Pardon le vocabulaire des arts plastiques qui remonte en toutes situations, même des plus macabres. Et même, certaines personnes feront baisser le niveau de santé plus que d’autres car elles sont importantes pour la communauté. Les bandits, malfrats, criminels, vous pouvez croire que vous pouvez y aller, mais faites attention ! Ce mécanisme intéressant ne peut donc se passer d’heures et d’heures de recherches et d’investigations à l’aide d’un nombre incalculable de dialogues et d’une vision à la Batman qui fait ressortir le contraste du sang rouge frais pour trouver une piste. Tuer est devenu un malheureux dilemme, un casse-tête !
Fort heureusement ils seront ponctués de phases où vous devrez traverser la ville d’un point à l’autre où vous pourrez -joyeusement cette fois-ci- bourriner dans le tas avec vos multiples compétences. Dans ce gameplay classique, reste la jouissance d’avoir des coups de griffes ensanglantés, des lances de sang, des gros sorts tout rouges à lancer sur les ennemis et dont les effets plus ou moins dévastateurs donnent envie de chasser du monstre, de l’humain, du rat. Tout ce que vous voulez, monsieur.


Entourée de cinquante nuances de gris.
C’est une affaire relation, monsieur ! Vous ne saurez pas qui vous devrez mordre par peur d’échouer à sauver le quartier. Comme l’a vanté le jeu, vos choix sont effectivement importants, mais les nuances restent faibles. Ce jeu n’a au final qu’un nombre très réduit de fins possibles et votre personnage aura trop souvent une ligne de dialogue principale et quelques embranchements qui ne restent que secondaires et ne déterminent pas foncièrement la conversation et la suite de la scène. Les quelques fins disponibles ne sortiront pas du binaire Bien ou Mal que par une troisième option, peu réjouissante et mitigée, sans innovations.
Les ennemis sur votre passage qui ne sont pas des boss restent assez similaires et répétitifs et vous donne envie de parfois de passer à travers les ombres pour éviter un énième combat contre Brutus aux bras longs mais à la petite… Cravate. Car même si le jeu vous poussera à choisir vos sorts de vampyr-badass-dandy pour un combat dynamique, il restera considérablement proche du « farming » de monstres sans importance avec des combos similaires et des armes qui se renouvelles très peu.


Sur une toile gigantesque, support des possibles...
Pour réussir ce jeu, munissez-vous d’un petit cahier, d’un livre d’histoire, d’une règle et d’un petit crayon à papier. Ce jeu a pour grande qualité d’avoir une histoire impressionnante et aux ramifications possibles stupéfiantes.
L’atmosphère de celle du début du vingtième siècle à Londres est présente et travaillée autant dans l’architecture, les personnages et la hiérarchie aristocratique et sociale visible mais déclinante sous certains aspects. Certains gangs rappelleront à certains l’ambiance de la série Peaky Blinders, que je conseille vivement et reprenant cette même atmosphère.

Le scénario et son alliance entre l’histoire fictive, les mythes, avec notre histoire réelle ou des personnalités importantes est très intéressante. Newton, Poutine, un vampire ? Pas ce dernier, il sourit avec ses dents mais on les a vues ; elles ne sont pas longues ! Au travers des époques qu’en 1918, personne n’est à l’abri d’être un vampire et les auteurs s’en servent plutôt bien, même s’ils auraient pu pousser la chose plus loin. Mon moment le plus délicieux est de voir une des grandes figures féminines du jeu être peinte au style de plusieurs peintres de différentes époques et d’y voir ces références sans qu’elles apparaissent de façon inappropriée. Les liens à notre histoire sont là, dans la pure simplicité de leur présence dans un manoir abandonné reprenant le style d’une ruine de Victor Hugo. Vous avez le choix de les lire ou de l’entendre par la voix des personnages. Les détails de l’histoire, sa crédibilité et leur précision sont riches et les éléments scénaristes s’enchaînent avec justesse avec quelques surprises sur la fin.


…Une toile inachevée ?
Une fin qui offre son lot de twist, qui pourtant laisse sur sa faim… Sans jeu de mot avec notre vampire qui reste plus ou moins affamé… Une question se pose… Que deviennent tous les habitants sauvés ? Aucun retour en ville possible, aucun épilogue sur les nombreux personnages secondaires. Tant de nuits passées à les soigner, pour que seule l’histoire de deux personnages au mieux se projette dans le futur.


Ce jeu est bien un jeu DONTOD, qu’on se le dise. Il reprend le même degré satisfaisant de détails croustillants dans son histoire mais conserve et même accroît un sentiment de linéarité. Le jeu est plus accessible par son gameplay mais s’égare et devient monotone lors de trop longues discussions. Le rythme se cherche mais l’atmosphère est maintenue et le suspense est là. Ils donneront aux plus courageux l’envie de finir le jeu pour découvrir le destin de notre docteur Jonathan Reid. Les plus patients d’entre vous, aimant la lecture et les enquêtes seront-ils prêts à se faire vampiriser…leur temps ?

Alix_Offer
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le 23 juin 2018

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Alix  Fer

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