Virtua Fighter
6.3
Virtua Fighter

Jeu de Sega-AM2, Yû Suzuki et Sega (1995Arcade)

Quelle énorme claque technique ! Produit par Yu Suzuki, célèbre pour avoir travaillé sur de nombreux jeux révolutionnaires comme Hang On, Out Run, Virtua Racing ou plus tard Shenmue, Virtua Fighter est tout simplement le tout premier jeu de combat en 3D… mais pas seulement !


Virtua Fighter est le premier jeu dans lequel on peut contrôler un personnage totalement modélisé en 3D de manière réaliste ; des jeux avec des personnages 3D existaient déjà, mais aucun n’atteint le niveau de réalisme de Virtua Fighter. Le Model 1, la machine qui le fait tourner, peut sortir 180.000 polygones par seconde ; Virtua Racing les utilisait pour afficher des décorations en bord de circuit, Virtua Fighter les concentre tous sur deux personnages, et le résultat impressionne, malgré le manque de textures qui est compensé par des changements de couleurs de certains polygones pour définir le visage, mais aussi des détails sur les vêtements ou le corps.


Les personnages sont bien détaillés, mais surtout très bien animés grâce à la motion capture : il est plus facile de faire bouger un personnage 3D que de créer des sprites 2D, cela permet une bien meilleure liberté de mouvements, une plus grande fluidité, des subtilités comme les animations de blocage qui varient selon le coup porté, des saisies et projections très crédibles, ou plus simplement des détails comme les nattes de Pai qui bougent toutes seules ou son chapeau qui peut s’envoler et rester au sol. Les personnages peuvent également se déplacer dans toutes les directions, même si ce n’est pas possible “manuellement” (cela ne se fait que lors d’une projection), mais ça rajoute un élément de distinction avec les concurrents fixés sur un plan 2D (ou deux plans pour Fatal Fury).


Les graphismes sont mis en valeur par la caméra qui zoome, dézoome, change d’axe et de hauteur, ainsi qu’un replay qui montre les coups décisifs à la fin d’un round en prenant des angles improbables : ça ne semble pas grand-chose aujourd’hui, et ça ne sert à rien pour le gameplay, mais ça impressionne à une époque où un simple zoom est déjà une belle prouesse technique.


En terme de gameplay, Virtua Fighter semble simple d’approche avec seulement trois boutons : pied, poing et blocage ; mais derrière ces commandes simples, Sega réussit à introduire des dizaines de mouvements qui s’effectuent avec un grand nombre de commandes, dont certaines demandent des timings très précis. Le jeu se démarque également de la mode d’alors en utilisant uniquement des techniques “réalistes” (si on met de côté les sauts un peu lunaires) : pas de boule de feu ou de coup de pied tournoyant qui traverse l’écran, uniquement des techniques inspirées d’arts martiaux réels, comme dans les jeux de combat des années 80. Il n’y a que 8 personnages, mais chacun a son propre style et ses propres techniques, bien que les coups de base se ressemblent énormément et que les “archétypes” ne soient pas aussi marqués que chez les concurrents : ils se jouent un peu tous de la même manière. Virtua Fighter introduit également le concept de “ring out”, la possibilité de gagner simplement en repoussant l’adversaire à l’extérieur, qui sera repris par un certain nombre de concurrents.


Outre son succès commercial (son adaptation Saturn se vendra quasiment autant que la console à son lancement), l’impact de Virtua Fighter est très important, au moins autant que Street Fighter II, mais plus large et plus “dilué” : par exemple, certains ingénieurs le citent comme influence pour l’orientation “tout 3D” de la Playstation qui était alors au milieu de sa conception. Il inspirera également de nombreux jeux : d’autres jeux de combat 3D comme Tekken, Dead or Alive ou Soul Edge bien sûr, mais également des jeux qui n’ont parfois rien à voir comme Tomb Raider, Quake, et bien évidemment Shenmue, également produit par Yu Suzuki et était prévu comme un spin-off de Virtua Fighter, qui influencera à son tour de nombreux jeux en monde ouvert comme GTA3 et bien d’autres.


Plus directement, avec Virtua Racing, il marque le virage vers les jeux vidéo en 3D : en terme de technique, il y a clairement un avant et un après Virtua Fighter sur l’ensemble de la production vidéoludique, même si c’est aussi probablement le résultat de la plus grande disponibilité de processeurs capable de calculer de la 3D, tout simplement.


Mais s’il est aussi important, pourquoi n’est-il pas aussi souvent cité en référence aujourd’hui, contrairement à Street Fighter II ? Je vois plusieurs aspects. D’une part, Street Fighter II a pour lui des personnages extrêmement charismatiques, d’excellentes musiques et des niveaux très détaillés : on peut être marqué par le jeu sans même y jouer ; alors que Virtua Fighter a des personnages assez génériques, des musiques banales et des niveaux vides : rien qui marque la mémoire. D’autre part, Capcom a exploité et essoré son jeu-phare jusqu’à la dernière goutte, en le portant sur toutes les consoles possibles et imaginables encore en 2017, des suites, des spin-off, des remix et des crossovers presque tous les ans , et l’a inclus dans de nombreuses compilation. De son côté, Sega s’est contenté de faire des suites ponctuellement, souvent disponibles sur une seule machine ou uniquement en arcade, la première version n’a jamais été portée depuis la Saturn et la 32X, et le dernier “vrai” nouvel épisode date de 2006, il y a 15 ans à l’heure où j’écris ces lignes ! Une “légende” s’est donc créé progressivement autour de Street Fighter II, martelée à coup de marketing et de présence permanente, tandis que Virtua Fighter tombe petit à petit dans l’oubli.


Et aujourd’hui ? Eh bien il est encore très correct, avec un gameplay très technique et profond, et des graphismes qui passent encore si vous n’êtes pas allergiques au low poly (moi j’aime bien) et des animations qui donnent encore des leçons à certains jeux modernes (Bethesda, si tu me lis…). En revanche, il n’a pas de portage récent (sauf sur la mini-borne Astro City Mini), et il est très difficile à émuler : à l’heure où j’écris ces lignes, même les dernières versions de MAME ont de gros bugs de collision. Préférez la version Saturn (si vous arrivez à faire tourner un émulateur) ou même la version 32X, très honnête.


...


Extrait de mon exploration des jeux de combat : https://www.cosmo0.fr/retrogaming-historique-et-meilleurs-jeux/odyssee/combat/seconde-periode-street-fighter-2-et-les-autres/versus-fighting-1993/

cosmoschtroumpf
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le 21 mai 2021

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cosmoschtroumpf

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xUMi
7

2:17

Un jeu qu'on pouvait finir en moins de 2 minutes 20 secondes. C'était incroyablement beau et technique, du grand art pour l'époque.

Par

le 24 juil. 2010

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