En économie, on appelle « financiarisation » la montée en pouvoir des marchés financiers et des actionnaires dans les économies observée les trente dernières années. Les actionnaires dirigent à présent l’entreprise et les managers sont relégués au rang de simples salariés chargés de maximiser la valeur des actions de l’entreprise par tous les moyens imaginables. Appliqué à l’industrie du cinéma, ce modèle de gouvernance actionnariale produit des résultats pour le moins remarquables, en particulier chez Disney. Le studio a besoin d’argent et donc d’investisseurs pour produire le film, l’investisseur espère que les fonds versés lui reviendront gonflés à sa sortie, et Disney a trouvé comment on peut continuellement exploser le box-office sans se mouiller : 1/ acheter les droits de licences pour lesquelles il existe des fans manifestant un amour par définition irrationnel. 2/ En faire une série ininterrompue de films qui incitera le spectateur à revenir tous les ans pour suivre l’avancée de ses personnages favoris. 3/ abandonner toute forme d’audace afin de faciliter le travail des scénaristes des futurs suites et éviter toute controverse malvenue sur le message du film. Une fois ces conditions réunies, affalez-vous dans votre fauteuil, servez-vous un whisky, sortez votre smartphone et regardez avec satisfaction votre compte en banque se remplir comme par magie . Comme si vous étiez un SUPER HACKER.


Si on devait chercher un équivalent à cette firme détestable dans le business du jeu vidéo, on s’accorderait probablement sur Ubisoft. Certes Activision n’est pas mauvais pour ce qui est des suites sans audace avec Call of et Destiny (Death Tiny pour les intimes) mais pour ce qui est du jeu solo triple A sans saveur, tu peux pas test Ubi. Assassins Creed, qui après quelques bons opus fut produit à un rythme industriel, Far Cry, qui sans subir le même acharnement est devenu un titre fadasse à ressortir tous les 2-3 noëls… Vous reconnaissez le modèle : un bon épisode qui crée une communauté de fan et on se lance dans la production de suites banales à n’en plus finir. Le moteur a commencé à crachoter bien plus vite que chez Disney, sans doute parce qu’Assassin’s Creed n’est pas Star Wars. Si tu me lis Yves, tu sais quoi faire.


Peut-être que tout a été dit sur Watch Dogs à ce stade de l’exposé. C’est un clone malformé de GTA qui évolue trois dimensions plus bas dans tous ses aspects. Citez-moi n’importe quoi ce sera moins bien. La conduite ? Pas agréable. La musique de l’auto radio ? Naze. Les dialogues ? Chiants. Le scénar ? N’en parlons pas. Autant dire que le jeu m’a laissé une impression désagréable. Comme quasiment tous les titres Ubisoft en fait : des premières heures de jeu sympas puis on sent le jeu vampiriser tranquillement notre joie de vivre dans ces open worlds sans âme. Les missions s’enchaînent et nous enchaînent. Le hacking n’est pas au centre du jeu : il s’agit de flinguer, flinguer, reflinguer et rereflinguer tout Chicago jusqu’à ce qu’il ne reste plus que vous et ce foutu Aiden Pearce, figure tragique qui aurait pu être touchante s’il ne s’agissait pas d’un connard sans scrupules. Le jeu remplit parfaitement le cahier des charges du GTA-like qui rapporte de la thune et pourtant il est mauvais. Il rate tout ce qui aurait pu être raconté autour de la surveillance généralisée et du big data et ne raconte rien d’intéressant d’ailleurs si ce n’est de montrer involontairement à quel point un être humain peut se persuader d’agir pour le bien tout en massacrant des civils et des flics. Et pourtant il a généré de la thune. Et il a une suite qui n’a pas l’air d’avoir rectifié le tir. Et pourtant elle génère de la thune. Et elle aura certainement une suite. On pourra donc continuer à jouer le SUPER HACKER, terroriste aux motivations égoïstes, dans notre nouvelle série préférée et c’est bien cela le caractère merveilleux de la plaisanterie qu’est le jeu vidéo actionnarial. Tant que ça se vend il y a de l’espoir que le prochain va se vendre plus même si c’est toujours les mêmes gameplay et histoires médiocres repeintes pour l’occasion avec plus de LOL que pour Aiden Pearce parce qu’à l’ère d’internet les consommateurs ils aiment bien le LOL, regardez les films Marvel.

HolyDonut
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le 7 juin 2018

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HolyDonut

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