Yakuza 3
7.2
Yakuza 3

Jeu de Ryû ga Gotoku Studio et Sega (2009PlayStation 3)

Kazuma Kiryu nous revenait sur PS3, après un passage étonnant du côté du Japon ancien, tel un yakuza sur la voie de la redemption. De quoi nous étonner. Yakuza III, c'est la poursuite d'une grande aventure avec du bon et du moins bon.


I) La repentance d'un ancien yakuza


L'aventure commence sur l'île d'Okinawa. Notre héros, Kazuma Kiryu, sort de l'eau un gros poisson à la main. Okinawa, pour ceux qui ne le savent pas, est une petite île très estivale, sentant bon le sable chaud et le surf. C'est dans ce cadre reposant, et déconnecté des problèmes sociaux et sociétaux forcément plus visibles dans un cadre urbain (comme la ville des deux premiers opera : tapageuse avec ses néons, violente du fait de ses nombreux agresseurs/rabatteurs...). Quoi que « déconnecté » soit un mot un peu fort. Les problèmes sont toujours là, on entend les villageois près de notre point de chute parler d'expulsion, de promoteurs. Seulement, le vernis estival dissimule bien cette rudesse. Comme dirait Aznavour dans Emmenez-moi, la misère "est moins pénible au soleil". Même si cela n'est qu'illusion, elle a le mérite d'être efficace.


Kazuma est là pour gérer un orphelinat. Ancien orphelin lui-même, recueilli par un homme puis devenu yakuza, c'est une manière pour lui de revenir sur le chemin de la vertu avec le symbole même de l'altruisme : l'aide aux enfants délaissés (délaissement + enfant : cocktail explosif, pathos assuré). Un orphelinat qui s'installe dans un cadre paradisiaque, digne des vacances type cartes postales comme pour mieux aider ces enfants abandonnés, jouer sur l'aspect colonie de vacances, détente, afin de mieux se reconstruire, ensemble.


Ce revirement total, exit la ville et ses gangs dans la première partie du jeu, est là pour instaurer une quête de repentance de la part de notre héros. A l'instar de John Rambo dans Rambo III en Thaïlande qui, par la voie de la religion, boudhiste en l'occurrence, cherchera à laver son passé de guerrier. Se repentir du mal fait, même si les raisons pouvaient être a priori louables (défendre son pays, combattre une forme du Mal), les crimes demeures, les violences également et donc les séquelles sur le moral de l'ancienne machine à tuer.


A l'instar également d'un Jack Bauer en Afrique, dans le téléfilm faisant la jonction avec la dernière saison de la série. Ancien agent au passé tumultueux, ayant lui aussi commis de nombreux crimes, poursuivi par tous les tribunaux possibles, c'est en Afrique là encore dans une école/orphelinat que Bauer tente de se repentir en s'imposant une mission vertueuse.


Yakuza III va donc dans ce sens en proposant à son personnage central la possibilité de se racheter. Un rachat impossible, comme pour les autres exemples on retrouve cette notion de la fatalité qui s'acharne à faire ressurgir, tôt ou tard, les vieux démons du héros en rédemption. Dans le jeu de Sega, ce qui est troublant, c'est le caractère monolithique de la repentance.


On baigne littéralement dans la vertu niaise, Kazuma défend corps et âme un de ses pensionnaires qui est brimé à l'école, débusque et fait la morale à un des enfants qui a volé l'argent d'un autre. A aucun moment, il ne semble douter, faiblir, il reste fort, poursuit normalement sa bonne action et même lorsque les problèmes arrivent (un complexe touristique qui va ravager et racheter son domaine), il ne transpire pas la crainte mais la détermination.


C'est l'heure de la baston


Pourtant, l'aventure de Sega ne fait pas toujours dans le sérieux pathétique, l'assurance de A à Z, le héros stéréotypé. Elle vire parfois, un peu comme ces films de John Woo première époque (Le Syndicat du crime, The Killer...), vers le bouffon à force de gros gags. C'est le cas par exemple lorsqu'après avoir terrassé un yakuza d'Okinawa se surnommant la vipère, celui-ci vous répond, à votre surprise en voyant un tel tatouage, que son tatoueur est mort avant d'avoir terminé son oeuvre d'où l'oeil à l'allure étrange. Ca tombe comme ça, comme une blague absurde et vient apporter un peu de recul, distance salutaire, à ce traitement sérieux et trop premier degré de la repentance.


Quasi similaire aux premiers. Des coups, des upgrades and co. C'est efficace mais c'est tout de même pénible de voir que le jeu n'évolue pas.
II) La saga et l'entreprise littéraire


Ce qui est appréciable dans la série Yakuza, c'est son ambition scénaristique. Cette envie de proposer une grande saga aux joueurs. Les trois premiers épisodes vont dans ce sens. Ils sont liés, marquent une progression chronologique, parfois complexifiés par des flashbacks, et injectent de nombreux personnages croisant de différentes manières la route de Kazuma (amitiés, ennemis, revirements...).


La fonction rappel des épisodes I et II est nécessaire pour bien comprendre la grandeur de cette saga. Les rappels sont longs et copieux mais difficile de faire autrement. D'ailleurs, en corollaire de cela, on peut regarder à tout moment un grand tableau récapitulant les protagonistes de la saga avec leur nom et les liens qui les unissent entre eux.


On peut regretter le rythme parfois bancal de cette grande entreprise, c'est assez inévitable mais on constate des longueurs, des baisses niveau intensité, un caractère fouillé, mais on ne peut qu'apprécier ce souci de la cohérence et surtout cette ambition de faire une grande saga à l'instar des entreprises littéraires du XIXème siècle chez nous.


Zola et ses Rougon-Macquart, fresque sur des décennies d'une famille bourgeoise permettant de voir les grandes mutations techniques et économiques, et donc forcément sociales, sociétales (la conséquence des causes précédentes), fonctionne de même. On suit des personnages, des époques qui s'enchaînent. D'ailleurs, dans de nombreuses rééditions, on peut découvrir, comme dans Yakuza III, un schéma permettant de se remémorer les personnages existants et les liens qui se font.


Audio


On peut rouspeter face à ce jeu entièrement en anglais. C'est vrai, ça rappelle une époque lointaine où l'on ne traduisait rien pour l'Europe (non anglophone). Bref,Yakuza III reste un bon entraînement pour ceux qui parlent correctement l'anglais. C'est déjà pas si mal. Les musiques sont assez inexistantes. On apprécie néanmoins les doubleurs japonais, très bons globalement.
III) Une ambiance résolument nippone


La force du titre, comme de la saga, c'est surtout cette atmosphère qui se dégage lorsque l'on déboule dans Tokyo. Les ruelles sont étroites, l'architecture exotique pour nous, le tracé parfois complexe, le tout à échelle humaine. Car, dans un Yakuza, on se ballade. Pas de voiture, rien qu'une escapade piétonne.


Comme pour mieux apprécier ces devantures aux couleurs bigarrées, comme pour prendre le temps de déambuler avant de s'arrêter. Soit dans un bar classe pour déguster un bon saké, soit dans une boite plus chaude où les filles dansent autour d'une barre. Yakuza, c'est aussi prendre le temps de s'immerger dans une ville, sa notion, résolument nippone. Le karaoké, les jeux locaux, les restaurants aux mets succulents. C'est là sa force, nous plonger par ces quelques détails, et malgré une interaction pas forcément poussée, dans un ailleurs exotique pour nous occidentaux.


Durée de vie


Environ 16 heures pour arriver au terme de cette affaire, un peu plus si vous voulez vous balader dans Okinawa ou à Tokyo. Mais, soyons honnête, on n'y passe pas non plus des heures. Une première partie longue, molle et pénible. Mais dès le retour à Tokyo le jeu monte rapidement en puissance. Une intrigue prenante et un final très action. Bref, la première partie fait tâche.
Mention


Commentaire : Yakuza III est très proche, graphiquement, esthétiquement, au niveau du gameplay, des deux premiers titres. A tel point, qu'on a presque l'impression de jouer à une add-on. Il n'empêche, cette histoire politiquo-financière, où la mafia vient mettre son nez dedans, est résolument captivante à partir de la moitié du jeu (la première étant lente et inintéressante). En plus de cette lente poursuite d'une saga aussi ambitieuse que complexe, les touches bouffonnes du titre contribuent à développer une aura séduisante. Attention tout de même à ne pas trop verser dans le syndrome du clone aussi appellé "Animal Crossing's disease".

Al_Foux
5
Écrit par

Créée

le 31 déc. 2015

Critique lue 363 fois

Al Foux

Écrit par

Critique lue 363 fois

D'autres avis sur Yakuza 3

Yakuza 3
Ezhaac
7

Critique de Yakuza 3 par Ezhaac

Yakuza 3 est ce qui se rapproche le plus d'un maillon faible dans cette saga incroyable. Ça n'en fait ni un mauvais jeu ni un épisode à zapper. Ceci dit, quand on sort de Kiwami 2, retourner à un...

le 14 juil. 2023

4 j'aime

4

Yakuza 3
Stark1901
8

Affaires de famille au pays des yakuzas - Critique JV #17

Judgment est dans la tourmente au moment ou j'écris les premières lignes de cette critique avec l'affaire Pierre Taki l'un des acteurs prêtant sa voix et son visage à l'un des personnages du jeu, en...

le 18 mars 2019

4 j'aime

Yakuza 3
Foulcher
8

La première et vraie fin de "Yakuza"

Premier Yakuza que j’acquis, ce troisième épisode fut néanmoins le troisième que je finis - découvrant à travers lui cette série si particulière et addictive de Sega. Possesseur assez précoce d’une...

le 16 déc. 2017

4 j'aime

1

Du même critique

La Grande Peur des bien-pensants
Al_Foux
7

Un classique du pamphlet français

Bernanos est un écrivain fascinant pour sa trajectoire, du franquisme à l’anti-franquisme pour finir dans les bras de la religion, voire du mysticisme. J’en avais parlé lorsqu’il était question de...

le 5 janv. 2016

11 j'aime

1

Le Camp des saints
Al_Foux
7

Vision apocalyptique de la France

On en reparle depuis qu’il réédite son livre le plus sulfureux, et également son livre le plus connu, Jean Raspail revient pour nous parler de ses craintes, de son attachement à ses racines presque...

le 5 janv. 2016

6 j'aime

Dialogue de "vaincus"
Al_Foux
7

Sublime

Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau se définissaient comme des écrivains fascistes. Au lieu de les stigmatiser, et ainsi de mettre automatiquement le verrou, le livre Dialogue de « vaincus »...

le 5 janv. 2016

6 j'aime