4AD ... Volume 2 ... 1986/1990

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N’ayant pas trouvé dans la base l’album publié par 4AD en 1986, j’ai repris le premier volume édité par Marcel Cellier en 1975. Pendant quinze ans, Cellier enregistra le chœur vocal féminin de la radio et télévision d’État bulgare. Il publia ensuite, sur son propre label, une série de sélections sous le titre français Le Mystère des Voix Bulgares.
Après la séparation de Bauhaus, Peter Murphy demanda à Ivo Watts-Russell de produire son premier album solo, Should the World Fail to Fall Apart. Durant ces sessions, Murphy fit découvrir au producteur une cassette du Mystère des Voix Bulgares et insistait pour que toute l’équipe l’écoute à la fin de chaque enregistrement.
Ivo fut bouleversé par ces voix féminines dont il ne comprenait pas les paroles, mais qu’il rapprochait de celles d’Elizabeth Fraser et, plus encore, de Lisa Gerrard. Fasciné, il prit contact avec Marcel Cellier et obtint son accord pour publier un album du Mystère des Voix Bulgares sur le label 4AD.
Ainsi, de simples enregistrements destinés à la radio et télévision bulgares, ces chants traversèrent les frontières grâce à 4AD, résonnant des ondes britanniques jusqu’au Japon. Parmi eux, le titre Prïtourïtze Planinata se distingua, d’une beauté absolue.

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Alors que Simon Raymonde participe à l'enregistrement du deuxième album du collectif This Mortal Coil, Robin Guthrie développe un projet plus personnel et acoustique avec Lize Fraser. Raymonde, au courant du projet, fut surpris que celui sorte sous le nom des Cocteau Twins sans qu'on lui demande son avis. Beaucoup pensait qu'il avait quitté le groupe. Ivo adore cet album qui ne ressemble à aucun autre de la discographie des Cocteau Twins. Fort de ce succès, Guthrie se mit à produire différents albums (Edwin Collins, Felt, Gun Club) et l'afflux d'argent aidant, commença à sombrer dans l'alcool et la drogue.

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Pour Ivo Watts-Russell, cet album marque l’aboutissement de The Wolfgang Press et leur ancrage définitif dans un post-punk teinté de funk. Le titre I Am the Crime accueille Liz Fraser en chœurs, à un moment où sa relation avec Robin Guthrie est en pleine mutation.
À cette période, 4AD atteint un sommet : les Cocteau Twins en sont le pilier incontournable, The Wolfgang Press trouvent leur maturité, Colourbox enchaînent les singles accrocheurs, Dead Can Dance poursuit son ascension, et l’arrivée du Mystère des Voix Bulgares crée une véritable onde de choc. Puis vint l’entrée en scène des Throwing Muses.

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Throwing Music est la première signature américaine de 4AD. En 1985, les Smiths avec leur pop attrayante aux réminiscences sixties ont créé un mouvement de retour aux sources et de nombreux groupes influencés par les années 60 se sont formés y compris aux Etats-Unis. Ce courant prit forme dans un mouvement baptisé C86 d'après la cassette compilée par le NME et sortie sous Rough Trade à l'été1986. Sorti en août 86, soit deux mois après C86, l'album éponyme de Throwing Muses ne pouvait guère être associé à un son ou à une scène bien précise. A 19 ans, Kristin Hersh, était déjà mère d'un bonhomme de neuf mois. Diplômée en philosophie et psychologie, elle était la chanteuse, la guitariste rythmique et la compositrice principale des Throwing Muses. Pour l'anecdote, Tanya Donnelly, la guitariste et Kristin Hersch étaient soeurs par alliance quand la mère de Kristin aménagea avec le père de Tanya alors qu'elles n'avaient que 11 ans. C'est lors d'une interview pour la journal de leur école, alors qu'elles avaient sorti en EP, qu'on leur conseilla de se rapprocher de 4AD connu sur le campus à travers les Cocteau Twins. Une cassette fut envoyée à Ivo qui après plusieurs écoutes laissa un message sur le répondeur de Kristin. La colocataire signala à Hersch qu'un Ivo avait cherché à la joindre. Ne connaissant pas d'Ivo, Hersch ne donna pas suite au message... Ivo a du rappeler, mettant Hersch dans un certain embarras.
Les deux s'entendirent parfaitement et malgré les difficultés pour 4AD de distribuer des albums aux Etats-Unis, Ivo signa Throwing Muses. Avec ce premier groupe américain, Ivo a pu mesurer la différence entre les groupes britanniques qui travaillaient exclusivement lors des cessions en studio et les groupes américains tels que Throwing Muses qui répétaient et cherchaient à s'améliorer constamment.

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Il fallut près de deux ans pour que ce second album de This Mortal Coil voie le jour. Les artistes réunis partageaient un point commun : ils n’avaient pas encore pleinement exploité leur potentiel (Jeanette, Alison Limerick, Dominic Appleton, Richenel, ou encore les sœurs Louise et Dee Rutkowski).
Pour la pochette, Ivo Watts-Russell tenait absolument à utiliser un portrait de Maria Schneider, l’actrice du Dernier Tango à Paris. Mais depuis ce film, et à juste titre, Schneider ne faisait plus confiance aux hommes ; Ivo n’obtint jamais son accord. Il choisit donc une photo de Pallas Citroen, déjà utilisée pour la pochette de It’ll End in Tears.
À sa sortie, l’album fut accueilli plus froidement par la critique (NME, Melody Maker), mais cela n’empêcha pas son succès : il atteignit la deuxième place des classements indépendants britanniques. En revanche, il provoqua de vives tensions, d’une part au sein des Cocteau Twins (voir Victorialand), et d’autre part entre Watts-Russell et Simon Raymonde, concernant la rémunération de ce dernier — un point sur lequel Raymonde et Robin Guthrie se rejoignaient.

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Album de la discorde au sein du groupe qui se séparera peu après l'enregistrement. Isolé aux Pays-Bas, leur pays d'origine, Xymox ne se sentait pas intégré à la "famille" 4AD et n'avait de lien qu'avec Dead Can Dance. Malgré sa genèse douloureuse, cet album est parfois perçu comme un chef-d'œuvre précoce de musique électronique gothique.
Pour Watts-Russel, cette fin d'année 86 fut marquée par un coup de chance incroyable. Obligé d'annuler ses vacances aux Maldives en raison de la sortie du deuxième album de TMC, il ne prendra jamais l'avion qui fut l'objet d'un attentat lors d'une escale au Sri-Lanka.

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Watts-Russel n'aimait pas les compilations. Il ne supportait pas qu'un morceau puisse être sorti d'un contexte. Alors, en contre-pieds des majors avides de cet exercice, il demanda à tous les artistes sous contrat avec 4AD d'enregistrer une chanson qu'ils aimeraient sortir sous forme de single. Le nom de l'album est extrait du titre Fish de Throwing Muses présent sur la compilation. Les membres de base étaient affiliés à This Mortal Coil (Colourbox, Dead Can Dance, Cocteau Twins, Wolfgang Press, Dif Juz) auxquels se sont ajoutés les groupes d'Outre-Manche : Throwing Muses et Clan of Xymox.

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Des tensions existaient également entre Brendan Perry et Lisa Gerrard au sein de Dead Can Dance, mais elles ne semblaient en rien freiner leur créativité. Libérés de la présence d’autres musiciens (ils réalisaient eux-mêmes tous les enregistrements grâce à la programmation). Ils conçurent un album structuré en deux parties distinctes : une première face dédiée aux compositions de Perry, la seconde à celles de Gerrard. Comme beaucoup à l’époque, Lisa avait été fascinée par les chœurs bulgares, et son don pour le chant de gorge lui conférait une intensité comparable.

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Impossible d’évoquer le label 4AD sans mentionner l’ovni musical de 1987 : le single M/A/R/R/S, né d’une collaboration mouvementée entre deux groupes du label, Colourbox et A.R. Kane, à l’initiative d’Ivo Watts-Russell. Ce titre contrastait tellement avec le reste du catalogue qu’il parut sur une étiquette blanche, afin que les DJs ne soient pas influencés par l’image du label.
Le contexte était idéal : comme le punk en 1977, la dance music vivait en 1987 ses premiers frémissements. En injectant du groove dans les sonorités house et techno, 4AD prit une avance décisive. Le single Pump Up the Volume devint ainsi le premier de l’histoire du label à atteindre la tête des classements, s’écoulant à plus de 12 millions d’exemplaires, alors que Watts-Russell n’en espérait pas plus de dix mille.

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Charles Thompson (alias Black Francis ou Frank Black) fit la connaissance de Joey Santiago à l’université du Massachusetts. Déterminés à former un groupe, ils publièrent une petite annonce : « Groupe cherche bassiste aimant Hüsker Dü et Peter, Paul and Mary ». La seule à saisir la référence fut Kim Deal, qui répondit à l’annonce en proposant même à sa sœur jumelle, Kelley, de tenir la batterie. L’essai ne fut pas concluant, et le poste revint finalement à Dave Lovering. C’est Santiago qui suggéra le nom Pixies (« lutins ») pour le groupe.
À leurs débuts, aucun membre du groupe ne connaissait vraiment le label 4AD, bien que Frank Black fût admirateur des Throwing Muses. C’est grâce au manager américain de ces derniers qu’Ivo Watts-Russell reçut une cassette de démos des Pixies. Le groupe, qui souhaitait absolument signer avec un label étranger, avait déjà envoyé une démo au label français New Rose, qui l’avait refusée. Tous les labels américains avaient également décliné. Hésitant lui-même, Watts-Russell fit écouter la cassette à son équipe chez 4AD, qui valida la signature.
Le projet initial d’Ivo était de publier un EP de huit titres sélectionnés parmi les dix-sept présents sur la démo, sous le titre Come On Pilgrim, emprunté à une phrase de Frank Black dans Levitate Me.
Cependant, au sein de 4AD, l’arrivée des Pixies fit débat. Brendan Perry de Dead Can Dance voyait d’un mauvais œil ce groupe qui, selon lui, risquait de rompre le côté élitiste du label pour l’orienter vers un fonctionnement plus proche de celui d’une major.

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Pieter Nooten quitta Clan of Xymox, entraînant le départ du groupe du label, avant un come-back pour le troisième album. Pour Ivo Watts-Russell, l’âme de Xymox résidait en Pieter, et sans lui, la formation ne l’intéressait plus. Il demanda alors à Nooten s’il avait quelques démos d’un projet solo à lui faire écouter. Séduit par ce qu’il découvrit, Ivo lui proposa d’en faire un album en collaboration avec Michael Brook, guitariste canadien qui venait de publier Hybrid, un disque de fusion ethno-ambient conçu aux côtés de Brian Eno et Daniel Lanois. Rare alliance d’électronique et de cordes, l’album conserve encore aujourd’hui une étonnante modernité. Ivo Watts-Russell le considère d’ailleurs comme l’un des dix meilleurs albums jamais publiés sur le label 4AD.

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Pour achever l'exercice 1987, Ivo concocta une compilation destinée au marché japonais avec notamment et forcément Pump up the volume.

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Je n'ai pas trouvé non plus le volume 2 sorti sur 4AD.
Watts-Russel ne trouvait pas ce deuxième volume aussi beau que le premier et refusa d'en sortir un troisième. C'est finalement le label Warner qui a repris le concept et sorti d'autres volumes. Watts-Russel était beaucoup plus intéressé par la conquête des Etats-Unis à travers ses deux poulains Pixies et Throwing Muses. Il comptait sur eux pour que d'autres groupes américains viennent rejoindre 4AD. Celà tombait bien, Pixies et Throwing Muses sortaient le même jour (21 mars) leur nouvel album respectif.

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À la première écoute de Surfer Rosa, la réaction d’Ivo Watts-Russell fut de souligner son caractère incroyablement brut. L’album ne ressemblait à aucun autre disque de rock américain, porté par l’originalité des influences du groupe et par le sens inné de Frank Black pour créer une tension dramatique. Surfer Rosa resta soixante semaines dans les classements indépendants britanniques.

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Sur le plan sonore, l’album révélait davantage l’énergie du groupe : plus dense, plus insulaire que leur premier disque éponyme, mais tout aussi électrisant. Ivo Watts-Russell avait une prédilection pour les morceaux Colder et The River, et considérait l’ensemble de l’album comme tout simplement génial. Les albums des Pixies et de Throwing Muses, sortis le même jour, ont donné lieu à une tournée commune des deux groupes. En cours de tournée et devant le succès des Pixies, ces derniers sont devenus tête d'affiche à la place des Throwing Muses. Celà n'a pas semblé gêner Hersch affectée par l'éloignement avec son fils mais plus Donnelly qui était beaucoup plus ambitieuse.

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Malgré des différends financiers persistants, les Cocteau Twins signèrent, par l’intermédiaire de leur premier manager Raymond Coffer, un nouveau contrat de cinq albums avec le label 4AD. Installé dans leur propre studio, le groupe put enregistrer ce disque sans aucune contrainte, réinvestissant l’intégralité de ses gains passés dans du matériel. Blue Bell Knoll marqua ainsi leur premier album complet en trois ans, et représenta un nouveau bond créatif : plus posé, plus subtil, plus mature.
Ivo Watts-Russell se montra particulièrement enthousiaste face à l’évolution du chant d’Elizabeth Fraser, dont la voix atteignait désormais des aigus plus éclatants. Il considérait le titre “Carolyn’s Fingers” comme une véritable réussite.
Cependant, après la sortie de l’album, les relations entre Watts-Russell et les Cocteau Twins se dégradèrent davantage. Autrefois protégés du label, les musiciens eurent le sentiment d’être délaissés au profit des Pixies. Guthrie, en particulier, nourrissait un profond ressentiment, dont Watts-Russell ne prit pas pleinement conscience à l’époque.

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Sans tensions ni disputes, ni problèmes d’abandon ou d’addiction, Dead Can Dance progressait d’une manière comparable à celle des Cocteau Twins. Plus épanoui que jamais, le duo continuait de déployer une créativité intense, même si la relation personnelle entre Brendan Perry et Lisa Gerrard prenait une tournure préoccupante, menaçant de compromettre tout ce qu’ils avaient bâti ensemble.
À l’image des Cocteau Twins, Dead Can Dance s’était doté de son propre studio d’enregistrement. Pour ce nouvel album, le groupe laissa transparaître des influences issues des traditions folkloriques irlandaise et hongroise. Ivo Watts-Russell considérait la performance vocale de Gerrard sur “The Host of the Seraphim” comme exceptionnelle, allant jusqu’à dire qu’il s’agissait de son morceau préféré du groupe.

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Lorsque Rough Trade lui coupa l’herbe sous le pied en signant The Sundays, Ivo Watts-Russell, piqué au vif par cet échec, se tourna vers Kurt Ralske, un musicien américain qui se produisait sous le nom d’Ultra Vivid Scene. Admirateur des Cocteau Twins, Ralske enregistra un premier album éponyme regorgeant de pépites mélodiques, parmi lesquelles “Mercy Seat”, un titre que Watts-Russell affectionnait particulièrement. Avec ses influences revendiquées — du Velvet Underground à The Jesus and Mary Chain, en passant par The Only Ones — Ultra Vivid Scene incarnait parfaitement l’esprit et la ligne artistique de 4AD.

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Ivo Watts-Russell avait pleinement conscience du potentiel de Wolfgang Press et tenait à les soutenir, y compris financièrement, ce qui avait le don d’irriter Guthrie. Leur troisième album proposait une série de chansons habilement construites, portées par des arrangements dépouillés et traversées par une tension parfois brutale. Bien qu’accueilli favorablement par la presse, et même gratifié d’un 9/10 par le NME, le disque ne changea en rien la perception du public à l’égard du groupe. Les ventes, elles, n’enregistrèrent aucune progression.

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À peine dix mois séparaient la sortie de House Tornado de celle de Hunkpapa. Throwing Muses tenait à publier ce nouvel album avant celui des Pixies, également prêt, car après la tournée de 1988, le groupe voulait être reconnu comme une entité à part entière et non comme la « moitié sensible » d’un spectacle en deux actes.
Ivo Watts-Russell se montra cependant déçu par Hunkpapa, estimant que les difficultés personnelles de Kristin Hersh avaient pris le pas sur l’énergie qui animait les précédents disques. Selon lui, le single “Dizzy” aurait même pu convenir aux Bangles, une remarque qui blessa profondément Hersh sonnant le début de la fin de leur relation.

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Charles Thompson (Frank Black) souhaitait initialement intituler le nouvel album Whore (Putain), mais opta finalement pour Doolittle, un mot tiré des paroles de la chanson Mr. Grieves. Pour Vaughan Oliver, le graphiste attitré de 4AD, Doolittle demeure l’une de ses réalisations préférées au sein de son œuvre pour le label.
L’élan irrésistible autour des Pixies semblait alors lancé. Doolittle n’était pas seulement le vaisseau amiral du groupe : il représentait aussi un jalon décisif pour 4AD dans son ensemble, offrant au label une image moins confinée et ouvrant la voie à une nouvelle tendance. Déjà bien implantés en Amérique du Nord et en Europe, les artistes du catalogue 4AD voyaient également se former des communautés ferventes de fans au Japon et en Amérique du Sud.
La seule menace pour cette dynamique semblait provenir du groupe lui-même. Les relations entre Frank Black et Kim Deal restaient glaciales depuis une altercation survenue lors de la tournée de 1988 avec les Throwing Muses. Plus Deal cherchait à s’impliquer dans l’écriture et le chant, plus Black la reléguait à l’arrière-plan. La rupture paraissait désormais inévitable.

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Ivo Watts-Russell n’avait plus signé de groupe britannique depuis 1982 et Colourbox. Si l’origine géographique d’un nouveau groupe n’avait pour lui aucune importance, son équipe souhaitait retrouver l’ambiance des débuts, lorsque les Cocteau Twins ou Dead Can Dance traînaient dans les bureaux du label.
À la fin des années 1980, deux courants musicaux distincts dominaient la scène : Madchester (Stone Roses, Happy Mondays) et shoegaze (Moose, Slowdive…). Parmi la pile de démos reçues, Watts-Russell retint deux groupes : Pale Saints et Lush. Le premier, venu de Leeds, le séduisit par le charisme de son chanteur et la richesse mélodique de certains titres, notamment Sight of You.
Il rencontra ensuite les deux groupes lors d’un concert commun et fut surpris par la médiocrité apparente des chanteurs et l’incapacité des batteurs à maintenir le tempo. Pourtant, à la stupéfaction de son équipe, il décida de signer les deux formations, convaincu qu’elles étaient jeunes et prometteuses.
Leur album, The Comforts of Madness, fonctionne comme une seule pièce de musique continue. Des liens instrumentaux, issus d’improvisations scéniques, comblent les interstices entre les titres, car il y avait presque pas d’applaudissements du public.

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Kurt Ralske, alias Ultra Vivid Scene, en a toujours voulu à Ivo Watts-Russel de lui avoir imposé Hugh Jones comme producteur sur cet album. Il estime qu'il a complètement dénaturé sa musique. Il a trouvé le résultat beaucoup trop fade et éloigné de sa vision artistique. Il n'écoutera d'ailleurs jamais l'album une fois sorti. Au contraire, Ivo aime beaucoup cet album qu'il place dans le top 10 des disques parus chez 4AD. A noter la présence de Keam Deal sur le titre Special One mais également sur le clip.

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Kim Deal (des Pixies) et Tanya Donelly (des Throwing Muses) nourrissaient toutes deux le désir de s’émanciper de la domination créative des figures centrales de leurs groupes respectifs. Leur complicité s’était nouée lors de la tournée conjointe des Pixies et des Muses en 1988. Lorsque Charles Thompson (alias Frank Black) fit part à ses camarades des Pixies de son intention de se consacrer à un projet solo, Donelly saisit l’opportunité de relancer l’idée qu’elle avait évoquée avec Deal : créer quelque chose ensemble, sans pour autant abandonner leurs formations principales. C’est ainsi que les Breeders virent le jour. Séduit par les premières démos, Ivo Watts-Russell donna rapidement son aval au projet. Josephine Wiggs et Britt Walford vinrent compléter la formation, respectivement à la basse et à la batterie. Ce premier album devint rapidement l’affaire personnelle de Kim Deal, qui en écrivit et interpréta tous les morceaux, avec l’idée que Tanya Donelly prendrait le relais pour le deuxième opus. L'album fut positivement accueilli par la presse et l'incontournable John Peel. Kurt Cobain plaçait Pod et Surfer Rosa parmi ses trois albums préférés derrière Row Power des Stooges.

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Aion marque le premier album de Dead Can Dance enregistré en dehors du Royaume-Uni. À cette époque, Lisa Gerrard s’était installée en Espagne, tandis que Brendan Perry vivait en Irlande. Composé de douze titres pour une durée totale de seulement 36 minutes, Aion se distingue par sa concision et sa précision. Les relations entre le duo et le label 4AD étaient alors au beau fixe : l’album enthousiasma aussi bien le groupe que la maison de disques.

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His Name Is Alive est un groupe de rock expérimental originaire de Livonia, dans le Michigan. Formé autour de Warren Defever, seul membre permanent depuis ses débuts, le projet voit le jour au milieu des années 1980, alors que Defever est encore au lycée. Il commence à enregistrer chez lui dès 1985 et auto-produit plusieurs cassettes qu’il envoie au label britannique 4AD dans l’espoir de se faire remarquer.
D’abord rejeté par Ivo Watts-Russell, Defever persiste et continue de soumettre des versions retravaillées de ses morceaux. En 1989, sa ténacité finit par payer : le label le signe, ouvrant la voie à la sortie du premier album, Livonia, à l’été 1990.

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Thompson fit clairement comprendre à Kim Deal qu’il ne souhaitait plus sa présence au sein du groupe. La situation se régla finalement dans le bureau d’un avocat, permettant à Deal de réintégrer les répétitions. Mais l’ambiance restait tendue : les dissensions internes étaient profondes, et l’unité du groupe n’était plus qu’apparente. Sur l’album, Deal ne chante en voix principale sur aucun morceau et n’est créditée ni pour l’écriture ni pour la coécriture de titres.

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Guthrie et Fraser devaient désormais concilier leur travail de composition et d’enregistrement avec un nouveau rôle : celui de parents. Leur fille, Lucy Belle, venait de naître, bouleversant leur quotidien. Malgré une dépendance à la drogue de plus en plus marquée que Guthrie attribuait en partie à ses relations devenues tendues avec Ivo Watts-Russell, sa créativité semblait intacte. L’album qui en résulte déborde d’une énergie intense, presque fiévreuse, reflet éclatant de cette nouvelle vie.
Pour Watts-Russell, ce disque n’est pas seulement le meilleur des Cocteau Twins : il le considère comme son album préféré de tout le catalogue 4AD. Ironie du sort, ce sera pourtant le dernier du groupe sur le label. Quelques mois plus tard, Watts-Russell décide de les congédier malgré un contrat qui prévoyait encore trois albums.

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Dans ce contexte de transition, la sortie suivante de Lush chez 4AD ne prit pas la forme d’un véritable album, mais plutôt d’une compilation regroupant leurs premiers EP, enrichie de deux titres inédits. Après le départ de Meriel Barham, chanteuse initiale, pour rejoindre les Pale Saints, c’est Miki Berenyi qui assuma désormais le rôle de voix principale du groupe.
Vue de l’extérieur, 4AD donnait l’image d’un label en pleine effervescence, porté par une dynamique créative impressionnante. Pourtant, les observateurs avertis percevaient déjà les fissures : les tensions ayant entouré la réalisation de plusieurs albums avaient laissé des traces, et le départ des Cocteau Twins marquait un tournant. Même les Pixies, nouvelle figure de proue de l’avant-garde américaine, montraient des signes inquiétants de désunion.