Pour comprendre le succès de la Famicom, il faut remonter aux débuts des années 80, moment où le marché américain du jeux vidéo est en perte de vitesse. Si l'Atari 2600 domine le marché des consoles de salon, son constructeur est empêtré dans un bras de fer juridique avec Activision. En effet, à cette époque, les constructeurs étaient aussi l'éditeur exclusif des jeux proposés sur leur consoles. Atari tente d'interdire le développement de jeux d'éditeurs tiers sur son support mais le verdict final lui sera défavorable. Dès lors les éditeurs tiers s'engage dans la brèche et l'Atari 2600 fait vite figure de poule aux d'or pour eux. Pourtant la concurrence est féroce avec pas moins de six consoles sur le marché. Le prix devient le nerf de la guerre entre constructeurs qui doivent aussi composer avec la concurrence des fabricants de micro-ordinateurs. Commodore va porter un grand coup au marché des consoles en proposant son Commodore 64, un micro-ordinateur ultra-performant sous la barre des 600$. Cependant le marché attend beaucoup de la Colecovision, la nouvelle console très puissante de Coleco proposé à 200$. Et le constructeur va enfoncer le clou en obtenant les droits de Donkey Kong, le hit arcade de Nintendo, pour une adaptation censé démontant la supériorité de la machine sur ses rivales.
Atari sent venir le danger et prends des mesures dans l'urgence. L'architecture de l'ordinateur Atari 400 est recyclé pour servir de base à une nouvelle console : l'Atari 5200. Cependant la machine accumule les tares techniques, incapable de lire les jeux de l'A2600, elle se permet même le luxe d'être plus cher pour des performances aux rabais. Véritable fiasco, Atari se retrouve le bec dans l'eau et prévoit de se refaire une santé grâce à deux titres avec un excellent potentiel. Cependant entre une version de Pac-Man totalement indigne du jeu d'arcade et un catastrophique adaptation du film E.T, l'image du géant américain est au plus mal. D'autant plus qu'il doit aussi gérer l’apparition de jeux érotiques sur leur console et le mécontentement des familles américaines.
Mais la crise va véritablement éclater suite à la saturation des productions des éditeurs tiers. En 1983, un nombre incalculable de clones sortent sur un marché inondé par des productions de mauvaise qualités. Trop de jeux, peu de renouvellement dans les genres et des bacs de soldes qui se remplissent des dernières nouveautés, le secteur vit une véritable crise en voyant chuter le prix moyen des jeux de 35$ à 5$. Beaucoup d'éditeurs font faillite, les autres se redirigent vers le monde du micro-ordinateur où Commodore vient achever le marché des consoles en proposant son best-seller à 300$. Les constructeurs plient bagages après de lourdes pertes, d'autres comme Coleco se tourneront vers les micro-ordinateur sans succès.
Le Japon, nouvelle place centrale.
De l'autre côté du Pacifique, le jeu vidéo va connaitre un spectaculaire développement sous l'impulsion de Nintendo. En 1981, le président de la compagnie demande à ses équipes de plancher sur une nouvelle console plus puissante que les machines dédiées de la marque et surtout utilisant des jeux interchangeables. L'objectif est de proposer une machine abordable proposant les meilleurs jeux. L'équipe emmenée par Masayuki Uemura étudie les systèmes arcade de la marque et les composants pour retenir le meilleur rapport puissance/prix. Uemura écarte rapidement le processeur 16 bits pour bâtir la console sur un processeur 8 bits certes vieillissant mais très bon marché. La Famicom, contraction de Family Computeur, voit finalement le jour le 15 Juillet 1983 au Japon, au prix de 14800¥ (100€), accompagnés de trois conversions remarquables de ses jeux d'arcades. La console offre de très bonnes performances techniques qui la rapprochent d'un Commodore 64. La Famicom connait un très bon départ sur l'archipel japonnais avec des ventes exceptionnels pour l'adaptation de Mario Bros mais le rythme s'essoufle en début d'année 1984 faute à un manque de sorties. A l'époque seul Nintendo développe sur la console qui suscite l’intérêt de nombreux éditeurs tiers par ses chiffres de vente. Réticent à l'idée d'ouvrir les portes de son système alors que la marque ne gagne pas d'argent sur la console vendue quasiment à prix coûtant, Nintendo réfléchit alors à un système pour contrôler la qualité des titres afin de ne pas se retrouver dans la situation d'Atari sur le marché américain. Les équipes de la marque vont trouver une solution astucieuse mais drastique pour les éditeurs tiers. Premièrement Nintendo souhaite gagner de l'argent sur les jeux puisque sa console est déjà proposer quasiment à prix coûtant, ainsi sur chaque jeu le constructeur japonais récupère 20% du prix de vente. D'autre part les éditeurs doivent passer commande auprès de Nintendo pour la fabrication des cartouches, avec un minimum de cartouche à commander payable à la commande, de quoi décourager les productions opportunistes. Dernière mesure pour renforcer la qualité des titres produites, les éditeurs ne peuvent sortir que 3 jeux dans l'année avec quelques exceptions pour certains grands éditeurs. Malgré tout avec des ratios de ventes exceptionnelles pour Nintendo, les éditeurs tiers sont bien obliger d'accepter ces conditions pour avoir leur part du gâteau Famicom. Hudson Soft sort durant le mois de Juillet 1984 une adaptation de Lode Runner qui bat des records de vente. Puis Namcot se lance dans l'aventure avec l'adaptation de Xenovius, un hit arcade qui remporte un très grand succès. La révolution intervient le 15 Septembre 1985 avec la sortie de Super Mario Bros, le succès phénomène de société et Nintendo devient synonyme de Jeux Vidéo au Japon.
Fort du lancement japonais, Nintendo tente de nouer un partenariat avec Atari pour distribuer la console sur un marché américain sinistré par les récents déboires des constructeurs. Les deux compagnies n'arriveront jamais à s'entendre sur les modalités et Nintendo finira par assurer seul la distribution sur le territoire américain en 1985. Conscient des réticences des distributeurs échaudés par l'échec des consoles de salon, Nintendo réoriente sa stratégie aux Etats-Unis vers le high-tech. La console est renommé Nintendo Entertainement System (NES) avec un design plus inspiré des magnétoscopes. La société japonaise veut faire table rase du passé en impose divers accesoires à la sortie de la console mais surtout remplace le joystick par une croix sur ses manettes de jeu. Nintendo dispose d'autant plus d'un atout indéniable, un titre fédérateur et surtout exclusif à sa console. Incontournable et extrêmement populaire, Super Mario Bros est le titre à posséder absolument à Noël 1985. La NES est mise sur orbite et attire forcément le regard de certains éditeurs tiers qui voit là un nouvel eldorado du jeux vidéo.
La sortie européenne en 1987 confirme l'ampleur mondial même si Nintendo doit lutter avec un Sega qui apprend rapidement de ses erreurs. La console se repose cependant par une richesse de titres incroyables avec notamment Super Mario Bros 3, Legend of Zelda, Metroid, Castlevania ou encore Megan. Le Japon n'est pas en reste et la folie s'empare de l'archipel à la sortie du jeu de rôle Dragon Quest. Véritable pierre angulaire du jeu vidéo moderne, la Famicom a redéfini les codes aussi bien en terme de jeux que de distribution. Officiellement la production a été arrêté en 1994.