Cover Lectures 2017 - liste annotée

Lectures 2017 - liste annotée

Cette année, je ne veux lire que de grands livres !

Liste de

54 livres

créee il y a plus de 7 ans · modifiée il y a environ 2 ans

Les Hauts-Quartiers
8.4

Les Hauts-Quartiers (1973)

Sortie : 1973 (France). Roman

livre de Paul Gadenne

Pasiphae a mis 9/10.

Annotation :

une première lecture longue, et méditative. tout n'est pas lié dans ce roman qui parfois manque de force, mais il s'agit du destin long et douloureux d'une âme souvent déshonnête et sûrement par là même touchante.
Mme Chotard Lagréou doit être le personnage détestable le plus aimable de la littérature française.

Confiteor
8.4

Confiteor (2011)

Jo confesso

Sortie : 4 septembre 2013 (France). Roman

livre de Jaume Cabre

Pasiphae a mis 9/10.

Annotation :

curieux que confiteor demande pardon à toutes les petitesses du Didier de Gadenne. Adria Ardevol n'est certainement pas meilleur, mais il s'excuse. J'arrête là la petite blague : c'est un grand livre et il m'a secouée. espérons que 2017 continue aussi fort et intense que ces deux chef d'œuvres touffus, imparfaits, et qui ont entretenu avec mon cœur un beau dialogue.
espérons que l'on puisse parler du mal avec autant d'élégance, et de l'amour avec autant de force, que ce monsieur Cabre qui m'impressionne.

Clair-obscur
7.9

Clair-obscur (1916)

Meian

Sortie : 1989 (France). Roman

livre de Natsume Sōseki

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

Je connaissais Soseki par de petites nouvelles, dans lesquelles il s'attachait à des détails du quotidien (une manche qui bouge, l'entrebâillement d'une porte, le chat de l'écrivain). Ici, on s'attache plus à des détails psychologiques, à d'infinies nuances (la quatrième de couverture parle de Proust, et pour une fois le parallèle n'est pas usurpé). Ce qui est étonnant, c'est qu'à aucun moment les personnages ainsi disséqués ne deviennent aimables (contrairement à mes deux lectures précédentes). Le mariage se disloque et tout affect est écarté. Le personnage de Kobayashi est incroyable, plus peut-être que celui de Nobuko, victime de sa capacité à enjôler.

Peer Gynt
7.7

Peer Gynt (1876)

(traduction de François Regnault)

Sortie : janvier 1992 (France). Théâtre

livre de Henrik Ibsen

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

l'acte I et IV sont mes préférés. On finit trop par comprendre, dans cette étrange pièce (récit ?) initiatique, quelles seront les étapes traversées par Peer pour parvenir à se retrouver. Mais les dialogues avec sa mère ! Les rares moments de grâce en compagnie de Solveig ! les légendes norvégiennes !
Ce qui déstabilise peut-être, c'est de passer du coq à l'âne, de scènes mythiques et légendaires à des scènes burlesques ou didactiques, et un presque trop conventionnel corps à corps avec la Mort.
au fond je n'arrive même pas à retranscrire mes impressions de lecture. ce qui est le plus troublant, c'est peut-être cette propension naturelle au rêve (j'ai pensé au bouquin de Brautigan, Un privé à Babylone ; j'ai échoué pour avoir trop rêvé). Peer est un personnage complexe, mais plus intéressant avant qu'il ne vieillisse.

Perceval ou le Conte du Graal
7.3

Perceval ou le Conte du Graal (1180)

Li contes del Graal

Sortie : 1180 (France). Roman

livre de Chrétien de Troyes

Pasiphae a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

(préparation séquence 5ème)

On peut voir beaucoup de choses dans un roman initiatique ; plus encore dans ce roman médiéval, écrit dans une langue limpide et transparente. J'y ai vu l'histoire de Perceval, qui, tout tourné vers lui-même et une vision fantasmée de lui-même en héros, apprend l'empathie et l'amour d'autrui pour, véritablement, devenir le plus grand chevalier (et ce titre lui est justement décerné par autrui). L'apprentissage de l'amour, divin, humain et fraternel, à travers un vrai héros touchant (bon j'ai vu le Rohmer avant et Lucchini y est mignon) et quichottesque. Un régal !

Et c'est curieux de voir l'itinéraire spirituel vers la véritable politesse du chevalier : des sens trompeurs au cœur véritable. Au fond, Chrétien de Troyes répond minutieusement à cette question : Qu'est-ce qu'un chevalier ? De quoi est-il fait ? Et c'est de plus en plus profondément qu'il creuse vers la réponse spirituelle (ce qui correspond à un idéal, à une ligne d'horizon, bien plus qu'à des pratiques réelles au Moyen-Age)

On cherche quelqu'un

On cherche quelqu'un (2002)

Sortie : 2002. Poésie

livre de Jacques Ancet

Pasiphae a mis 2/10.

Annotation :

C'est d'une fadeur... une sorte de sous-Jacottet ou sous quelque chose en tout cas, qui essaie de nous parler de deuil. Mais tout est tellement convenu, attendu, dans ces images tristes et cotonneuses, que rien ne fait sens.
SAUF ces deux vers qui m'ont clouée sur place et donné envie d'écrire (comme quoi, on trouve des perles au milieu des marécages)

L'incroyable d'être vivant, seul
Au milieu des images qui bougent.

Les Trois Mousquetaires
7.8

Les Trois Mousquetaires (1844)

Sortie : 1844 (France). Roman, Aventures, Histoire

livre de Alexandre Dumas

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

J'aurais dû lire Dumas plus jeune ; je l'aime encore, mais mon cœur trépide moins qu'il ne l'aurait dû. D'Artagnan m'évoque inévitablement Quichotte, en plus jeune et plus fougueux, donc en moins touchant. Au milieu de toutes ces intrigues, le personnage de Milady, vrai démon, ressort. C'est au fond le seul qui nous soit révélé de l'intérieur (j'ai eu une sensation de manque : où sont les personnages ? Qui est Athos ? Porthos ? Aramis ? ne demeurent-ils pas des étrangers, aux yeux de d'Artagnan ou peut-être à ceux du lecteur ?)
Tout ça ce sont au fond des coquetteries, je me suis régalée (en plus j'ai eu la chance de lire ce bouquin dans une jolie édition en cuir rouge).

L'Île des esclaves
6.6

L'Île des esclaves (1725)

Sortie : 1725 (France). Théâtre

livre de Marivaux

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

(re)lu pour préparer une séquence pour mes 4e.
lors de ma première lecture, j'étais peut-être lycéenne, j'avais apprécié le jeu d'inversion, le pan de la critique sociale. Ce n'est plus ce qui me frappe aujourd'hui. Je suis devenue sensible à ce jeu de monstres qui me semble être le véritable nœud de la pièce ; jusqu'où peut-on aller, pouvoir en main, face à autrui qui nous supplie après nous avoir humilié ? Et monstres les personnages le sont tous, dégoûtants sans rémission. Quel que soit le cercle de sociabilité, les puissants sont laids, les humiliés presque touchants. Une fois les rôles inversés, c'est tout le laid du cœur qui ressort. C'est ce qui est récurrent dans le théâtre marivaudien : les jeux d'inversion qui nous révèlent, les rapports de force qui n'ont rien de doux. Et c'est curieux lorsqu'on a lu ses romans, où tous les vices sont expliqués, excusés, rendus mignons.
Il y a des passages qui explosent comme des orgasmes de méchanceté, tout cela presque insoutenable ; les bêtes humaines se déchirent. Une forme de catharsis pour purger tout l'ensemble poli du monde social.

edit : avançant dans l'étude, je me rédime. Les personnages sont touchants souvent, tendres. Cléanthis essaie de donner un ordre à Euphrosine : elle s'empêtre, tourne, reformule six fois sa requête, échoue à exiger. Elle tremble de l'intérieur, esclave brisée pour toujours. C'est beau, et tellement triste.

La Vie quotidienne en France et en Angleterre au temps des chevaliers de la Table ronde

La Vie quotidienne en France et en Angleterre au temps des chevaliers de la Table ronde (1976)

Sortie : 1976 (France). Essai, Histoire

livre de Michel Pastoureau

Pasiphae a mis 6/10.

Annotation :

Je ressors un peu déçue. Je voulais me donner un arrière-plan historique un peu solide pour aborder ma séquence sur Perceval en toute sérénité et être capable de répondre à toute question sur l'arrière-plan historique (c'est indispensable pour bien savoir lire un récit du Moyen-Age ; comment comprendre le jeu de mots sur la lance si l'on ne sait pas que dans le code de l'honneur des chevaliers, on ne se bat qu'au corps à corps ? bref).
J'avais donc écouté les conférence piquantes et sucrées de Pastoureau sur la table ronde, sur les couleurs, et je me suis tout naturellement procuré ce livre, qui a bien vieilli. Au fond c'est pardonnable si l'on sait que c'est son tout premier livre, écrit lors de son service militaire, mais cela sent bien le Moyen-Age daté et nous laisse sur notre faim (même si quelques sous-parties, celle consacrée aux jeux ou celle consacrée à l'imprégnation de l'imaginaire de la geste arthurienne dans la vie quotidienne sont savoureuses)
Mais je reste sur ma faim (énorme appétit en ce moment pour comprendre ce beau XIIeme siècle)

Philoctète
8.2

Philoctète

Sortie : octobre 1994 (France). Théâtre

livre de Heiner Müller

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

je me rends bien compte du travail mené sur la langue, qui m'éblouit parfois, de l'intelligence, de la manière belle dont sont réinvestis les mythes, de la tension entre ces trois personnages irréconciliables et chacun juste à sa manière
mais je ne parviens pas à en être touchée

Très intime
5.2

Très intime

Sortie : 1 février 2017 (France). Essai

livre de Ina Mihalache et Solange

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

Il en faudrait plus, des livres comme celui-là ! On lit avec gourmandise les témoignages de ces femmes, et on en ressort inquiète. Deux ou trois traits majeurs : toutes ou presque se définissent par rapport au regard masculin, tout en étant parfaitement conscientes de cette aliénation ; beaucoup évoluent selon une logique très binaire, bien qu'elles aiment la déjouer. Mais toutes en tout cas, et surtout les plus âgées du lot, ont su peu à peu apprendre à regarder leur corps. Chouette !

(et au-delà de l'aspect synthétique, ces moments intimes se dégusteraient presque autour d'un thé ; causeries, boudoir, bonheur)

Pèlerinage à Tinker Creek
7.9

Pèlerinage à Tinker Creek (1974)

Pilgrim at Tinker Creek

Sortie : septembre 1990 (France). Roman

livre de Annie Dillard

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

Lu dans le cadre du JE hardcore 1 sur la nature writing

Annie nous emmène dans un petit coin de nature, autour de sa maison ; l'année est ponctuée par ses promenades attentives. Le livre s'organise autour de chapitres qui sont autant de manières d'appréhender la nature : la voir, faire le guet, être attentif à l'infiniment petit, comprendre le cycle de la génération...

Cela entremêlé de citations d'auteurs, de philosophes, d'entomologistes (car oui, on en apprend de belles sur les insectes, qui sont la passion de madame Dillard)

c'est tantôt beau et renversant, tantôt longuet et ennuyeux. En fait, ça se vit vraiment comme un pèlerinage : sur le temps long, on observe beaucoup et les moments de grâce vous prennent pas surprise – épiphanies soudaines autour d'un arbre qui s'éclaire depuis l'intérieur.

elle se place dans la lignée de Thoreau, mais sans les considérations économiques : l'angle mort du livre étant la maison. y vit-elle seule ? comment se fait-il qu'elle puisse passer autant de temps à observer la nature ? a-t-elle un métier ? on ne sait pas. Le sujet du livre est un récepteur, pas un acteur.

Une femme qui court

Une femme qui court

The Invisible Worm

Sortie : janvier 2001 (France). Roman

livre de Jennifer Johnston

Pasiphae a mis 6/10.

Annotation :

Ca aurait pu être un beau livre : changements de points de vue, elle, je, cette femme qui court, rêve pour relier tout cela, gloriette au fond d'un parc et paysages irlandais d'été. Mais en fait c'est un peu fade pour un sujet si fort. Pour autant aucun déplaisir, ça se lit comme un murmure triste, un poème qui passe en effleurant.

Recherches sur la sexualité

Recherches sur la sexualité

janvier 1928 - août 1932

Sortie : 2 novembre 1990 (France). Entretien

livre de José Pierre, Max Ernst, Paul Éluard, Antonin Artaud, Louis Aragon et André Breton

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

Le préfacier dont je n'ai pas lu la préface en entier parce qu'il était con et misogyne dit quand même (au tout début) que dans ces années 30 on ne parle PAS de sexualité. Encore moins en groupe. Du coup la démarche est intéressante : un groupe de parole constitué par des hommes (jusqu'à ce que l'un d'eux fasse la remarque que ce serait cool d'avoir l'avis des femmes, mais pas trop : même quand elles sont là, le référent c'est : pénétrer une femme lol)

On a deux pans :
le pan sociologique. Une belle bordée de machos, homophobes et racistes, guère plus avancés que leurs concitoyens en matière d'idées (et ce n'est pas parce qu'on dit fièrement pratiquer l'amour libre qu'on n'est pas esclave de ses représentations : beeeeeh les femmes qui ont leurs règles c'est saaaale).

et le pan des belles personnalités. Breton insupportable et fascinant ; Aragon tendre et féministe ; Artaud qui vient relever le terre-à-terre des discussions en introduisant un véritable élément réflexif (autrement dit, en interrogeant les causes des représentations : c'est le seul à le faire !)

On les sent un peu gênés de parler de ces matières ; on se force, on est cru, on parle de plaisir et d'amour.

Mais pour nous, en 2017, c'est intéressant à bien des égards. Les traits grossis de préjugés encore en vogue nous permettent de mieux les discerner. Et puis on a vraiment la sensation d'entendre ces gens-là.

L'Enseignement en détresse

L'Enseignement en détresse (1984)

Sortie : 1984. Essai

livre de Jacqueline de Romilly

Pasiphae a mis 6/10.

Annotation :

L'autrice est un brin conservatrice, mais sa phrase surannée se lit avec délectation ; et, l'air de rien, avec simplicité et presque bonhomie (une hauteur bonhomme), elle vous emmène au sein d'une réflexion plutôt intéressante.

J'ai trouvé ce livre vieilli dans une cabine téléphonique reconvertie en boîte à livres ; une ville bourgeoise.

Ecrit dans les années 80, il dénonce ce qui aujourd'hui est ressorti avec vivacité au travers des inquiétudes ressenties par les enseignants dans le cadre de la réforme du collège : on évalue les élèves avec des compétences, au travers de grilles pédagogiques qui n'ont pas grand sens ; on renonce à la portée éthique des belles œuvres qu'on enseigne (étant concernée dans ma pratique d'enseignante, je suis sensible à ce cri d'alarme : c'est au moment où l'œuvre pose une question existentielle qu'elle peut intéresser et enrichir des collégiens ; la stylistique ne doit être qu'un moyen à cet âge).

Et toute une inquiétude à propos de l'université, du raccourcissement des thèses, de la baisse du niveau du secondaire... Bon, nous sommes, trente ans plus tard, dans une situation qui n'est pas si noire ; même si l'Education nationale et son discours font froid dans le dos, l'enseignement ne me semble pas avoir sombré.

Détails
6.5

Détails

Sortie : 2009 (France). Théâtre

livre de Lars Norén

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

Deuxième pièce de Lars Norén que je lis ; des motifs se répètent (les couples qui échangent leurs partenaires un peu indifféremment, les hommes qui se jettent du haut d'immeubles, les asiles psychiatriques, les femmes qui tentent de tomber enceintes, et des conversations, situations similaires).

C'est un théâtre qui fait mal, dans lequel les personnages se parlent sans s'entendre, les conversations quotidiennes sont parsemées de grandiloquence et cette emphase n'engendre de réponse que deux pages plus loin ; l'amour meurt lentement, et on reste avec un goût très fort de désespoir à la fin.

Puissant ! mais dur.

Brefs

Brefs

Sortie : 8 avril 2016 (France). Essai

livre de Pierre Alféri

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

Du très bon et du plus oiseux.

Brefs est une suite d'articles consacrées à la poésie, au cinéma et à la littérature et à leurs liens avec le temps, l'image et Internet.

Certains articles stupéfient par leur dimension visionnaire ; écrits dans les années 90 parfois, ils parlent des possibles ouverts par le net pour la littérature avec tellement de profondeur de vue que ouah.

Etrangement, les articles plus récents ne sont pas les meilleurs. Superbe critique des romans d'Henry James ; état du champ de la poésie contemporaine efficace.

Mon article préféré est celui sur le motif poétique du rossignol, et la manière dont cliché d'abord, il a ensuite été rendu matériel (on ne parle plus du rossignol romantique, mais de tel rossignol singulier) avant d'être à nouveau réinvesti en tant que cliché à dynamiter. Ce qui est le plus agréable (outre le fait que le motif du rossignol peut être remplacé indifféremment par tous les clichés poétiques), c'est qu'il cite de nombreux passages de poèmes, avec un procédé de traduction que j'ai trouvé génial sur les petites quantités : un vers en anglais, sa traduction juste en dessous ; puis le vers suivant, à l'infini. Ca permet de jongler entre les deux rapidement, un peu comme lorsqu'on lit le sous-titrage d'un film en VO.

Que faire des classes moyennes ?
6.3

Que faire des classes moyennes ?

Sortie : 4 novembre 2016 (France). Essai

livre de Nathalie Quintane

Pasiphae a mis 9/10.

Annotation :

J'aime la manière joueuse, intellectualiste, analogique, qu'a Quintane de cerner ce qu'est au fond son sentiment d'appartenance de classe. Je m'y retrouve totalement, et ça fait souvent mal. J'aime aussi la variété qu'explore son écriture, avec des formules brèves, d'autres plus longuement explicatives. C'est chouette qu'elle cite exhaustivement d'autres auteurs (Nietzsche et Debord), en nous les faisant lire avec ses yeux à elle (très bonne expérience, lire avec les yeux d'autrui).

Les objets littéraires qui sortent de la plume de Quintane sont des poèmes, qui font rêveusement s'entrecroiser les pistes de lecture : contradictoires, questions largement ouvertes (je me prends souvent à penser à partir de ce qu'elle dit), part du rêve. Construction a priori mathématique avec ces courts chapitres qui laissent croire que l'organisation est au cordeau, tandis que la fragile architecture sur quoi tout repose est indiscernable.

Bref, j'aime la merveilleuse Nathalie Quintane et ses livres merveilleux, bien que j'aie été sceptique la première fois que je l'ai rencontrée, via son article "Monstres et couillons" sur Sitaudis.

Le Baiser au lépreux
7.2

Le Baiser au lépreux (1922)

Sortie : 1922 (France). Roman, Recueil de nouvelles

livre de François Mauriac

Pasiphae a mis 6/10.

Annotation :

Mauriac est un ensorceleur : il vous prend dans le maillage de ses adjectifs inattendus, dans sa syntaxe souple et précise. On le lit avec bonheur, sans lever les yeux, on ronronne de plaisir devant quelques trouvailles et devant le rendu de quelques atmosphères ; mais nous voilà bien ensorcelés, puisque, une heure plus tard, en levant les yeux, on est bien obligé d'arriver à la conclusion que la démonstration qui se joue dans ce livre – à savoir que les Maîtres et les Esclaves qui se débattent dans le christianisme tel qu'expliqué par Nietzsche sont les mêmes devant l'Eternel – est un peu didactique, poussive, et surtout pas du tout aussi brillante qu'aurait pu la rendre un Bernanos. Spiritualité molle, molle manière d'appréhender ces bourgeois de campagne, et pourtant délicatesse du trait souvent. Je suis un peu écartelée entre ces deux analyses, peut-être le temps donnera-t-il une réponse plus satisfaisante.

edit : le temps a tranché. Voyant à nouveau le titre, je n'ai plus eu aucun souvenir du contenu.

Terre des hommes
7.7

Terre des hommes (1939)

Sortie : 6 février 1939. Essai, Autobiographie & mémoires

livre de Antoine de Saint-Exupéry

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

Quelle tendresse dans le regard.

Terre des hommes est une sorte de récit de soi thématique, mais les thèmes sont souvent bousculés par l'anecdote, ou la pensée (parfois terriblement datée d'ailleurs).

Mais ce qui me frappe chez cet auteur, c'est la magie naïve avec laquelle il appréhende tous les objets, le cocon duquel il entoure les êtres qu'il croise, et les situations qu'ils vivent.

Incroyables récits de survivances (Guillaumet dans les montagnes, lui dans le désert). Il est un grand conteur !

Manque

Manque

Sortie : 1 mai 2012 (France). Poésie

livre de Dominique Fourcade

Pasiphae a mis 9/10.

Annotation :

manque est le livre des deuils vécus par l'auteur (ou par tout le monde, puisque chaque mort, loin d'être unique, rejoint la grande matière de la mort) ; ce sont des élégies, qui tissent entre elles, parfois, de discrets motifs floraux.

manque nous dit le manque, mais surtout l'écriture de ce dernier. Quelque chose noir nous est parfois rappelé, avec plus de douceur, et une douleur moins brutale.

C'est une expérience magique, même si certains textes sont plus hermétiques.

Le texte à Haydée est un bijou de mélancolie ; les longs étés de deuil.

Anna Karénine
8.1

Anna Karénine (1878)

(Traduction Henri Mongault)

Anna Karenina

Sortie : 1936 (France). Roman

livre de Léon Tolstoï

Pasiphae a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

je me sens seule et triste depuis que c'est fini :'(

Pierre, ou les Ambiguïtés
7.7

Pierre, ou les Ambiguïtés (1852)

Pierre: or, The Ambiguities

Sortie : 1852 (États-Unis). Roman

livre de Herman Melville

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

Je trouve épatante la manière dont Melville mélange une langue complètement romantique et outrancière (que la traduction appuie peut-être), tellement outrancière qu'il y a certainement plein de degrés de lecture, et des thèmes profondément ancrés dans le début du XXème siècle (psychanalyse à gogo, dans ce roman où frère, sœur et mère sont embrigadés dans une relation incestueuse, où le sexe et le désir ne portent jamais leur nom, où la maman et la putain voisinent sans aucun manichéisme et s'entre-nuançant). Donc décalage entre la langue fleurie de son siècle, et les motifs d'un siècle à venir. C'est véritablement un objet littéraire difficile à saisir, baroque et génial.

Mention spéciale pour le personnage de Lucy, qui apporte une grande touche de complexité au thème de l'ange blond et doux, et le réhausse. Lucy Tartan n'est jamais fade, c'est même sans doute le personnage le plus fort de l'histoire (plus ambigu que Pierre, pour le coup).

Moll Flanders
7.1

Moll Flanders

The Fortunes and Misfortunes of the Famous Moll Flanders

Sortie : 1722 (France).

livre de Daniel Defoe

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

Moll est une femme impénétrable (la connait-on vraiment à l'issue de ces quelques centaines de pages ?) ; vierge déchue, elle ne perd sa vertu que par naïveté et, semble-t-il, ignorance plutôt que bassesse réelle.
Le plus hallucinant peut-être, demeure l'aisance avec laquelle elle oublie la dizaine d'enfants qu'elle a de couches successives (maladresse de l'auteur ou est-ce fait sciemment ?) pour reporter son amour sur un seul fils retrouvé des années plus tard : rien ne vient expliquer, dans la personnalité du personnage, ce "trou".
Mais c'est un curieux objet que ce roman : critique sociale à travers le portrait d'une femme qui a dû se faire toute seule, et qui semble mue par des déterminismes plus que par ses propres volontés ? roman d'aventures, qui se justifierait simplement par la trépidation ressentie pour cette Moll, voleuse, épouse et déportée ? roman moraliste, comme voudrait le faire entendre son auteur (et pourtant, cette femme "portée vers le Mal" ne possède pas une once de malignité). On ne sait pas trop, au fond : l'auteur semble presque absent. Au moment où l'on serait tenté de croire que Defoe, par exemple, critique et dénonce la position faite aux femmes seules, l'auteur semble faire porter tout le poids des fautes sur les individus et leurs choix (on ne change pas la société, ce sont les individus qui doivent s'adapter et rester vertueux, quand bien même on nous présente des situations dans lesquelles nulle issue n'est ouverte pour la vertu). Alors on ne sait pas trop, c'est peut-être un roman qui dit plus de choses par accident qu'il n'en dit sciemment.

Epiphanies

Epiphanies

Sortie : 25 mai 2016 (France). Roman

livre de James Joyce

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

Très jolis courts textes qui relatent ces moments où, tous sens en éveil, nous photographions un instantané d'existence.
C'est souvent tellement quotidien et net que ces épiphanies nous semblent avoir été vécues, plus jeunes.

Karoo
7.3

Karoo (1998)

Sortie : 24 février 2012 (France). Roman

livre de Steve Tesich

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

J'ai subi, au cours de cette lecture, une force d'attraction forte et de plus en plus violente. J'ai assisté à une montée en puissance, vers un point qui finalement ne venait jamais (bâti comme une tragédie, le livre ne met pas de mot sur la chose qu'il nous fait comprendre entre les lignes). C'est pour moi la grande force de Karoo : nous forcer à un chemin de lecture accéléré, à une accélération subite, à être le lecteur que le livre veut. La magie opère.
Pour le reste, j'étais face à un roman américain pur jus, un personnage désabusé, alcoolique, mâle et blanc, la cinquantaine. Mais un peu plus complexe : incapable de trouver ce qui en lui ferait support.

Americanah
8

Americanah (2013)

Sortie : 31 décembre 2014 (France). Roman

livre de Chimamanda Ngozi Adichie

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

Ce n'est pas un grand roman littérairement parlant. Mais il a le mérite, en tant que roman à thèse parfois peu subtil, de mettre en scène tout ce que j'avais déjà pu lire dans des articles sur les groupes féministes intersectionnels. Et donc de le faire comprendre de l'intérieur.

L'Œuvre au noir
7.7

L'Œuvre au noir (1968)

Sortie : 1968 (France). Roman

livre de Marguerite Yourcenar

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

On a la sensation, lors de cette lecture, de n'assister qu'en parallèle à la vie de Zénon. Recoins obscurs, chemins où il a passé, rien jamais de frontal. On l'observe du trou de la serrure et bien sûr, il nous fascine.
Le phrasé précieux de Yourcenar, s'il agace au début, finit par ensorceler.
Quant à tout cet arrière-plan nourri de lettres classiques, d'alchimie, de découvertes tenues secrètes et de bûchers qui flambent, si ça n'attire pas !
On aime également suivre l'itinéraire de la pensée de cet homme (bon roman initiatique).

Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable
7.3

Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable (1975)

Sortie : 9 mai 1975 (France). Roman

livre de Romain Gary / Émile Ajar

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

Ce qui agace parfois chez Gary, c'est sa niaiserie.
Mais c'est un trait de son caractère ; ici, l'histoire d'amour inter-générationnelle est très belle. Les histoires liées à l'impuissance finissent par être redondantes, surtout lorsqu'elles envahissent toutes les métaphores et tous les sujets.

L'Attrape-Cœurs
7.3

L'Attrape-Cœurs (1951)

(traduction Annie Saumont)

The Catcher in the Rye

Sortie : 1986 (France). Roman

livre de J. D. Salinger

Pasiphae a mis 6/10.

Annotation :

Les tics sont à la fois agaçants (pour ça que les livres écrits dans une langue argotique devraient bénéficier d'une nouvelle traduction régulièrement, et celle-là date des années 70) et charmants.
Mais on sent parfois presque trop ce qui est construit dans cette fuite en-dehors d'un adolescent misanthrope et un peu poète. Sa relation avec sa petite sœur est géniale.

Pasiphae

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