Lu en 2017

1. Paul Gadenne, Les Hauts-Quartiers ;
2. Fritz Zorn, Mars
3. Robert P. Warren, Les Fous du roi ;
4. Henry James, Les Bostoniennes ;
5. Chinua Achebe, Things Fall Apart.

Liste de

51 livres

créee il y a plus de 7 ans · modifiée il y a environ 6 ans

Mars
7.8

Mars (1975)

Sortie : octobre 1979 (France). Récit

livre de Fritz Zorn

Venantius a mis 10/10.

Annotation :

Telle était donc mon image du monde. Il n'y avait pas de conflits, il ne pouvait même pas y en avoir, car les choses du monde glissaient en se croisant sans la moindre friction, dans un système d'où étaient complètement exclus tous les rapports. Et cette absence de friction était manifestement quelque chose de positif : en effet, là où il n'y a pas de friction, il y a harmonie, et là où il y a harmonie, tout va bien. Naturellement, je ne savais pas que je n’étais pas situé au-dessus de ce monde sans friction mais que j'étais moi-même un de ces machins suspendus dans l'espace froid irréel. Au contraire, cette incapacité de comparer diverses choses entre elles était à mes yeux, tout comme la conscience du “compliqué”, l’expression d’un niveau de l’esprit. Je m’aperçus qu’on était intelligent quand on ne faisait pas de comparaisons. Manifestement ma connaissance de l’étymologie était insuffisante à l’époque et je ne savais pas encore que le mot “intelligent” vient d’“inter-legere” et signifie exactement le contraire de ce qui devenait peu à peu, pour moi, comme la quintessence de toute intelligence.

L'étrangeté française
7.8

L'étrangeté française

Sortie : septembre 2008 (France). Essai

livre de Philippe d' Iribarne

Venantius a mis 8/10.

2666
8.2

2666 (2004)

Sortie : 2008 (France). Roman

livre de Roberto Bolaño

Venantius a mis 6/10 et a écrit une critique.

Annotation :

“— Jésus est l’œuvre maîtresse. Les voleurs sont les œuvres mineures. Pourquoi sont-ils là ? Non pour faire valoir la crucifixion, comme certaines âmes candides le croient, mais pour la cacher.”

La Douceur de la vie
8.6

La Douceur de la vie (1939)

Les Hommes de bonne volonté, tome 18

Sortie : 1939 (France). Roman

livre de Jules Romains

Annotation :

“([…] l’idée romanesque d’une autre vie qu’on aurait pu vivre, avec son réseau d’attaches et d’habitude ; la mélancolie même du train-train auquel on a échappé et qu’on image, avec sa subtile oppression, son contentement morose, son odeur coite)”

Cette grande lueur à l'Est
8.2

Cette grande lueur à l'Est (1941)

Les Hommes de bonne volonté, Tome 19

Sortie : 1941 (France). Roman

livre de Jules Romains

Annotation :

“Car il est venu une autre forme d’insécurité : celle qui touche à la loi. Ce jeu de massacre de lois, de contre-lois, de décrets, qui a commencé pendant la guerre, et qui continue, enlève à la loi tout sérieux, tout crédit. La loi ne définit plus rien de stable.”

Le Monde est ton aventure

Le Monde est ton aventure (1941)

Les Hommes de bonne volonté, tome 20

Sortie : 1941 (France). Roman

livre de Jules Romains

Journées dans la montagne

Journées dans la montagne (1942)

Les Hommes de bonne volonté, tome 21

Sortie : 1942 (France). Roman

livre de Jules Romains

Annotation :

“Les gens qui maudissent les politiciens en général, et la politique en principe, oublient qu'un pays est bien obligé d'avoir une vie publique, et des hommes pour s’occuper de cette vie publique. Les hommes qui s’occupent de la vie publique, nous les appelons des représentants du peuple et des hommes d’État, quand nous sommes contents d’eux. Nous les appelons des politiciens quand nous ne sommes pas contents d’eux […] Mais prétendre se passer d’eux est d’une extrême naïveté. Oh ! certes, parmi ceux qui parlent le plus de nous “débarrasser des politiciens”, je ne perds pas de vue qu’il y en a qui ne sont pas naïfs le moins du monde. […] Les politiciens dont ils veulent nous débarrasser sont ceux qui sont choisis et contrôlés par le peuple. Et c’est pour en mettre d’autres à la place, qui seraient désignés par l’arbitraire d’un homme, ou par les décisions ténébreuses d’une coterie. […] Bref, nous pas une suppression du produit, mais un simple changement de fournisseur.”

Allen

Allen (1927)

Sortie : 1927 (France). Roman

livre de Valery Larbaud

Venantius a mis 7/10 et a écrit une critique.

Annotation :

[…] il faudrait une sorte de tutelle, un statut d’État confédéré. Qui sait si, malgré toutes les apparences et tous les discours, le système national, qui semblait logique, et le seul raisonnable et naturel, aux gens du XIXe siècle, n’a pas fait son temps ? À voir ce qui s’est passé dans ces douze dernières années, ce système si vanté, devenu un dogme, a tout l’air d’une mauvaise affaire. D’une hérésie. D’une idée en retard sur le développement de la vie continentale qu’il développe et menace. Un état antérieur à l’an 8oo ; et bientôt, sinon déjà, barbare. Le remède serait peut-être
— je vous entends ; et je vois un grand nombre de petits États faibles, mais très bien tenus
— très élégants […]
— réunis autour d’un pouvoir unique, indiscutable, abstrait, fonctionnant comme une machine, essentiellement service et accessoirement force, mais pour assurer le service, /ut subditas illi faciat omnes barbares nationes/.

Fermina Marquez
7.3

Fermina Marquez

Sortie : 1911 (France). Roman

livre de Valery Larbaud

Venantius a mis 5/10.

Jaune bleu blanc

Jaune bleu blanc (1927)

Sortie : 1927 (France).

livre de Valery Larbaud

Venantius a mis 5/10.

Annotation :

“Paris de Francia”, disent les gens du peuple en Espagne. […] Pourquoi en effet ce nom de “Paris de France” quand la personne qui le dit ne peut pas savoir qu’il existe d’autres Paris aux États-Unis et ne peut à plus forte raison avoir entendu dire que les Conquistadores trouvèrent dans l’Amérique Centrale, lorsqu’ils y pénétrèrent pour la première fois, une bourgade indienne qui s’appelait Paris ? On la corrige, on lui indique que Paris est assez connu pour qu’il soit inutile d’indiquer où il se trouve ; mais à la prochaine occasion elle dire “Paris de Francia” ; et on finira par le dire que elle, parce que c’est drôle et pittoresque, et parce que c’est gentil : Paris de Francia… […] Et pour qui examine plus attentivement cette énigme, et pour qui sait qu’il y a aussi des gens du peuple, en Espagne et ailleurs, chez lesquels on rencontre l’idée confuse d’une différence radicale, d’une séparation entre la France et la ville de Paris, ce “Paris de France” prend le sens d’un démenti, d’une protestation, d’une restitution de la capitale de l’Occident au pays qui a su l’édifier.

Aux couleurs de rome
7.4

Aux couleurs de rome (1938)

Sortie : 12 juin 1997 (France). Roman

livre de Valery Larbaud

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

(N’as-tu pas comme moi rêvé, enfant, devant ton atlas grand ouvert à une de ces pages les plus remplies d’azur, de cette lointaine et pourtant nôtre, antarctique et française, Kerguelen ?)

Œuvres II

Œuvres II (2000)

Sortie : 29 novembre 2000. Essai

livre

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

[…] devant le paysage livré à la mobilisation totale, le sentiment allemand de la nature a pris un essor inattendu. Les génies de la paix qui s’y étaient si voluptueusement installés avaient été évacués, et aussi loin que portait le regard par-delà les tranchées, tout le terrain alentour offrait le visage même de l’idéalisme allemand, chaque entonnoir de grenade était un problème, chaque enchevêtrement de barbelés une antinomie, chaque pointe de fer une définition, et le ciel par-dessus était, le jour, l’intérieur cosmique du casque d’acier, la nuit, la loi morale au-dessus de toi. La technique, avec des lignes de feu et des réseaux de tranchées, a voulu reproduire les traits héroïques de l’idéalisme allemand. Elle s’est fourvoyée. Car les traits qu’elle croyait héroïques étaient en fait hippocratiques, c’étaient les traits de la mort. […] Le “destin” et le “héros” trônent dans ces têtes comme Gog et Magog, réclamant pour victime non seulement les enfants des hommes, mais aussi les fruits de leur pensée. Tout ce que l’on a pu imaginer de simple, de droit, de naïf pour améliorer la vie commune des humains se trouve englouti dans la gueule râpée de ces idoles grimaçantes, qui le digèrent en rotant des salves de mortier de 42.

Le Livre de l'intranquillité
8.5

Le Livre de l'intranquillité

O Livro do desassossego por Bernardo Soares

Sortie : 1982 (France). Journal & carnet, Aphorismes & pensées

livre de Fernando Pessoa

Venantius a mis 6/10 et a écrit une critique.

Annotation :

La vie, pour la plupart des hommes, est une chose assommante, vécue sans qu’on y fasse attention, une chose triste entrecoupée d’entractes joyeux, quelque chose qui ressemble aux histoires drôles que l’on se raconte, pendant les veillées mortuaires, pour faire passer les heures tranquilles de la nuit et l’obligation de veiller. J’ai toujours trouvé futile de considérer la vie comme une vallée de larmes : c’est une vallée de larmes, bien entendu, mais où l’on pleure rarement. [...]
La vie serait insupportable si nous en prenions conscience. Nous n’en faisons rien, heureusement. Nous vivons dans la même inconscience que les animaux, de la même manière futile et inutile, et si nous prévoyons notre mort […], nous la prévoyons au travers de tant d’oublis, de tant de distractions et de divagations, qu’on peut à peine dire que nous y pensons.

Les Hauts-Quartiers
8.4

Les Hauts-Quartiers (1973)

Sortie : 1973 (France). Roman

livre de Paul Gadenne

Venantius a mis 10/10.

Annotation :

— Imbécile ! Ils en auront vite assez, de se regarder ! Dites-vous que la vie suffit à nous punir, que le temps suffit à faner nos joies ! Ils connaîtront assez vite la morsure de la jalousie, de l’infidélité ! […] Bénissez donc cette minute qui les rassemble, Fernande, et envoyez coucher vos “scrupules”, et allez vous coucher, vous-mêmes, et si possible… À la fin, vous me rendriez grossier ! Et surtout, dites-vous une chose, et que cette vérité vous serve pour les années très longues qui vous restent à vivre : *Il faut que les choses arrivent*, il faut que nous apprenions par nous-mêmes que le feu brûle, que la pluie mouille. Il faut que les choses arrivent, Fernande !

Le Château
7.9

Le Château (1926)

(traduction Alexandre Vialatte)

Das Schloß

Sortie : 1938 (France). Roman

livre de Franz Kafka

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

— [Jérémie] […] Nous dîmes : “Mais nous n’entendons rien à l’arpentage.” Et lui [Galater] : “Ce n’est pas ce qui importe. S’il le faut il vous apprendra. L’essentiel est que vous le distrayiez. À ce qu’on m’a dit, il prend tout au tragique. Le voilà à peine arrivé au village et aussitôt il imagine que c’est un formidable événement, alors qu’en réalité cela ne représente rien. Il faut que vous le lui appreniez.

L'Art du roman
7.7

L'Art du roman (1919)

Modern Fiction

Sortie : 1919. Essai, Littérature & linguistique

livre de Virginia Woolf

Venantius a mis 6/10.

Annotation :

Ce serait un crime aux yeux d’Eschyle, de Shakespeare, de Virgile, de Dante qui s’ils pouvaient parler (et ils le peuvent) diraient : “Ne me laisse pas aux gens en robe et en toque. Lis-moi, lis-moi toi-même !” Peu leur importe que nous placions mal l’accent ou que nous lisions avec une traduction à côté de nous. Bien sûr, ne sommes-nous pas des roturiers, des amateurs ? nous allons piétiner beaucoup de fleurs, abîmer beaucoup d’antique gazon. Mais rappelons-nous un conseil qu’un éminent Victorien, qui était aussi un éminent amateur de marche à pied, donnait aux promeneurs : “Chaque fois que vous voyez un écriteau avec ‘Défense de passer’, passez tout de suite. La littérature n’est pas propriété privée ; la littérature est domaine public. Elle n’est pas partagée entre nations ; là il n’y a pas de guerre. Passons librement et sans crainte et trouvons notre chemin tout seuls.

Le Studio de l'inutilité
6.5

Le Studio de l'inutilité (2012)

Sortie : 2012 (France). Essai

livre de Simon Leys

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Citant Chesterton : « Si vous vouliez dissuader quelqu’un de boire un dixième whisky, vous pourriez fort bien lui donner une cordiale bourrade en lui disant : “Allons, courage, soyez un homme !” Mais en revanche, pour dissuader un crocodile de manger un dixième explorateur, personne ne songerait à lui donner une cordiale bourrade en lui disant : “Allons, courage, soyez un crocodile !” »

Vade-mecum du petit homme d'État

Vade-mecum du petit homme d'État (1952)

Sortie : 1952 (France). Essai

livre

Venantius a mis 9/10.

Annotation :

Dans ce jeu de *A papa maman* [de l’alternance], chacun fait, à son tour de rôle, le papa et la maman.
Mais alors, palsambleu, serait-il rien moins que surprenant — vous avisassiez-vous de changer incontinent de sexe en cours de partie —, que vous fussiez à chaque fois baisé ?

Les Naufragés du Batavia
7.3

Les Naufragés du Batavia (2003)

Sortie : 2003 (France). Récit

livre de Simon Leys

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

N’empêche, sans Cornelisz, si les rescapés du Batavia avaient su s’organiser et exploiter les ressources des deux grandes îles et du lagon, ils auraient pu jouir là d’une paix qui ressemble assez au bonheur. Bien qu’elles soient généralement arides et presque sans cesse balayées du vent, les îles jouissent d’un climat assez doux. Si les grains de pluie sont fréquents en hiver, la brise est constamment tiède et le soleil ne tarde jamais à reparaître, et alors, comme le bleu du ciel rejoint le bleu de l’océan, l’archipel tout entier se trouve transfiguré : mangé de lumière, il semble se dissoudre dans l’immensité.

La Panique morale
7.1

La Panique morale (2004)

Sortie : 2004 (France). Essai, Philosophie

livre de Ruwen Ogien

Les Aphorismes de Zürau
8.2

Les Aphorismes de Zürau

Sortie : 1931 (France). Essai

livre de Franz Kafka

Venantius a mis 8/10.

Paris, capitale du XIXème siècle
7.5

Paris, capitale du XIXème siècle (1935)

Sortie : 1935. Essai

livre de Walter Benjamin

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

On montrait dans la Grèce antique des endroits qui permettaient de descendre aux enfers. Notre existence éveillée est, elle aussi, un paysage où s’ouvre, en des endroits cachés, un chemin qui mène aux enfers, un paysage plein de lieux discrets où débouchent les rêves. […]
Mais un autre système de galeries déploie son réseau souterrain dans Paris : c’est le métro dont, le soir, les lumières rougeoient en indiquant le chemin par lequel on descend dans les enfers des noms. “Combat”, “Élysée”, “George V”, “Etienne Marcel”, “Solferino”, “Invalides”, “Vaugirard” ont brisé les chaînes infâmes qui les attachaient à une rue, à une place ; ici, dans les ténèbres striées d’éclairs et percées de sifflets, les noms sont devenus des divinités informes des cloaques, des fées des catacombes. Ce labyrinthe abrite en son sein non pas un, mais des douzaines de minotaures aveugles et furieux dont la gueule réclame, non pas une vierge de Thèbes par an, mais, chaque matin, des milliers de midinettes anémiques et de commis encore endormis.

Le Sang noir
8.3

Le Sang noir (1935)

Sortie : 1935 (France). Roman

livre de Louis Guilloux

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

« La vérité de cette vie, dit-il d’une voix changée, ce n’est pas qu’on meurt : c’est qu’on meurt volé. »

Le Journal d'une femme de chambre
7.8

Le Journal d'une femme de chambre (1900)

Sortie : juillet 1900 (France). Roman

livre de Octave Mirbeau

Venantius a mis 6/10.

Annotation :

Justement, aujourd'hui, 6 octobre, voici une date pleine de souvenirs… Depuis cinq années que s’est accompli le drame que je veux conter, tous les détails en sont demeurés vivaces en moi.

Le Massacre des illusions
7

Le Massacre des illusions

La strage delle illusioni

Sortie : 18 décembre 1998 (France). Essai

livre de Giacomo Leopardi

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Si, avec le temps, l’invention des paratonnerres, par exemple (dont il faut convenir qu’aujourd’hui, ils n’ont guère d’utilité), prend plus de consistance et d’extension, devient d’un usage plus sûr, plus considérable et plus général ; si les ballons et l’aéronautique atteignent un niveau scientifique, si l’usage en devient courant, si leur utilité (inexistante pour l’instant) se fait jour, etc. ; si tant d’autres inventions modernes, comme la navigation à vapeur, le télégraphe, etc. reçoivent des applications et des perfectionnements tels que la vie courante en soit, comme cela n’est pas invraisemblable, profondément changée ; si enfin, d’autres inventions nouvelles concourent à cet effet ; il est certain que les hommes qui naîtront d’ici mille ans, tiendront notre époque pour à peine civilisée, diront que nous vivions au milieu de craintes perpétuelles et de difficultés extrêmes, auront bien du mal à comprendre comment nous pouvons mener et supporter une vie en étant constamment exposés aux périls des tempêtes, de la foudre, etc., naviguer avec tant de risques de faire naufrage, commercer et communiquer au loin alors que la navigation aérienne et le télégraphe étaient inconnus ou fort imparfaites, s’étonneront de la lenteur de nos moyens de communication actuels, de leur caractère peu sûr, etc. Pourtant, nous n’avons pas conscience, nous ne nous apercevons pas de ces immenses difficultés, de cette impossibilité de vivre qui nous seront attribuées. Nous avons l’impression de mener une vie plutôt confortable, de communiquer entre nous rapidement et sans peine, d’abonder en commodités et en plaisirs, enfin de vivre en un siècle raffiné et fastueux. Or, croyez m’en, les hommes qui vivaient avant l’usage du feu, et la navigation, etc. en pensaient autant […].

La Marche de Radetzky
7.9

La Marche de Radetzky (1932)

Radetzkymarsch

Sortie : 1934 (France). Roman

livre de Joseph Roth

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

Les prescriptions qui réglementaient la préparation du chiendent et que les fabricants n’appliquaient pas volontiers étaient incommodes et coûteuses. Il fallait doter les ouvriers de masques et que les fabricants n’appliquaient pas volontiers étaient incommodes et coûteuses. Il fallait doter les ouvriers de masques interceptant poussières et bacilles, prévoir des locaux spacieux et bien éclairés, faire brûler les déchets deux fois par jour, et remplacer les ouvriers qui se mettaient à tousser. Car tous ceux qui étaient occupés à nettoyer le chiendent se mettaient rapidement à cracher du sang. La fabrique était une vieille bâtisse délabrée, avec de petites fenêtres et un toit d’ardoise en mauvais état, que limitait une haie de saules proliférant en toute liberté et qu’entourait un vaste terrain vague où l’on déchargeait le fumier depuis des temps immémoriaux, où des chats et des rats crevés étaient livrés à la pourriture, où rouillaient des ustensiles en fer-blanc, où des pots cassés voisinaient avec des chaussures percées. Tout alentour s’étendaient des champs couverts de cette bénédiction qu’est le blé doré, remplis de l’incessante stridulation des grillons, ainsi que des marais d’un vert sombre retentissant sans cesse du joyeux tapage des grenouilles. […] Arrivés, depuis peu de mois seulement, de leurs libres villages, les ouvriers qui étaient nés et qui avaient grandi dans le doux parfum du foin, la froide haleine de la neige, l’âcre odeur de l’engrais, le chant des oiseaux, la diversité des bienfaits de la nature, les ouvriers regardaient l’hirondelle, le papillon et la sarabande des moucherons, à travers les nuages de poussière grise, et ils avaient le mal du pays. Les trilles des alouettes en faisaient des insatisfaits. Ils ignoraient auparavant qu’une loi ordonnait de prendre soin de leur santé, qu’il y avait un Parlement dans la monarchie et qu’au Parlement siégaient des députés, ouvriers eux-mêmes. Des étrangers arrivaient qui rédigeaient des articles, organisaient des réunions, vous expliquaient la Constitution et les défauts de la Constitution, vous lisaient des extraits de journaux, parlaient toutes les langues du pays. Ils faisaient plus de bruit que les alouettes et les grenouilles : les ouvriers se mirent en grève.

L'Adieu à l'automne
8.9

L'Adieu à l'automne (1927)

Pożegnanie jesieni

Sortie : février 1991 (France). Roman

livre de Stanisław Witkiewicz

Venantius a mis 6/10.

Annotation :

Une époque d’événements normaux avait pris fin. Et tout ce qui vint ensuite commença d’abord à tracer de grands cercles, puis à tendre vers le centre de l’étrangeté, ce “gouffre dans la vaste plaine” à l’aide duquel, une demi-génération auparavant, on épouvantait au coin du feu par les longues soirées d’hiver les hommes d’état trop libéraux de l’ancien ordre de choses. Selon certains, il allait engloutir toute la culture individualiste comme l’aurait fait un maelström d’une barque de pêche. […] Pour le moment il n’y avait rien de défini, en dépit des exemples historiques et anciens. […] De l’autre côté des clôtures déjà arrachées par endroits et des petites digues et barrières à moitié en ruine, la masse, très puante pour certains, bouillonnait comme une eau grise et mousseuse de printemps : tous affirmaient que la révolution approchait. Tout était si ennuyeux, si ramolli, si asexué et afuturisé que même les momies les plus pétrifiées se réjouissaient à l’avance de la surprise, tout au fond de leurs centres en sommeil.

Mythologies
7.5

Mythologies (1957)

Sortie : 1957 (France). Essai

livre de Roland Barthes

Venantius a mis 6/10.

Annotation :

Malgré ses noms de berger grec (Polystyrène, Phénoplaste, Polyvinyle, Polyéthylène), le plastique, dont on vient de concentrer les produits dans une exposition, est essentiellement une substance alchimique. […], plus qu’une substance, le plastique est l'idée même de sa transformation infinie, il est, comme son nom vulgaire l’indique, l'ubiquité rendue visible ; et c’est d’ailleurs en cela qu'il est une matière miraculeuse : le miracle est toujours une conversion brusque de la nature. […]
Mais la rançon de cette réussite, c’est que le plastique, sublimé comme mouvement, n’existe presque pas comme substance. […] Dans l'ordre poétique des grandes substances, c’est un matériau disgracié, perdu entre l’effusion des caoutchoucs et la dureté plate du métal : il n’accomplit aucun des produits véritables de l'ordre minéral, mousse, fibres, strates. C'est une substance tournée : en quelque état qu’il se conduise, le plastique garde une apparence floconneuse, quelque chose de trouble, de crémeux et de figé, une impuissance à atteindre jamais au lisse triomphant de la Nature. Mais ce qui le trahit le plus, c’est le son qu’il rend, creux et plat à la fois ; son bruit le défait, comme aussi les couleurs, car il semble ne pouvoir en fixer que les plus chimiques : du jaune, du rouge et du vert, il ne retient que l’état agressif, n’usant d'eux que comme d'un nom, capable d'afficher seulement des concepts de couleurs.

Les Fous du roi
8.6

Les Fous du roi (1946)

(traduction Pierre Singer)

All the King's Men

Sortie : 1950 (France). Roman

livre de Robert Penn Warren

Venantius a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

We get very few of the true images in our heads of the kind I am talking about, the kind which become more and more vivid for us as if the passage of the years did not obscure their reality but, year by year, drew off another veil to expose a meaning which we had only dimly surmised at first. Very probably the last veil will not be removed, for there are not enough years, but the brightness of the image increases and our conviction increases that the brightness is meaning, or the legend of meaning, and without the image our lives would be nothing except an old piece of film rolled on a spool and thrown into a desk drawer among the unanswered letters.

Siloé
7.9

Siloé (1941)

Sortie : 1941 (France). Roman

livre de Paul Gadenne

Venantius a mis 7/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Simon se disait, en l’écoutant, qu’on se figurait bien à tort que les mots s’écrivent, qu’ils ont une valeur d’échange à peu près fixe, à peu près connue, analogue à celle des monnaies. C’était l’erreur de ceux qui ignoraient la vie. En ce moment même il éprouvait le contraire. Comme ils arrivaient sur une sorte de palier où la pente du sentier paraissait s’adoucir, Ariane fit une réflexion sur la nuit, elle prononça ce mot, le plus simple, le plus court, le plus silencieux, le mot « nuit », et Simon comprit qu’il entendait quelque chose de tout nouveau, car ce mot contenait à la fois l’inclinaison du sentier sur lequel ils marchaient, l’élan des sapins dont cette nuit étoilait la cime, les petits paquets de neige gelés sur leurs branches, la dureté du sol où la neige craquait à peine sous leurs pas. Mais il ne contenait pas seulement toute cette nuit-là, il ne lui apportait pas seulement un afflux de sensations prodigieux, mais encore le son pur de cette voix qu’il aimait et l’image de ces lèvres sur lesquelles, un instant plus tôt, il s’était penché. Et il en était ainsi de tous les mots. Elle lui donnait, en même temps qu’eux, en chacun d’eux, un monde, le monde tel qu’il était en cette nuit-là, avec son ciel brillant, sa neige dure sous les pas, un peu glissante – toutes choses qui venaient si opportunément compléter la science qu’il avait puisée autrefois, à propos de tous ces mots, dans les monuments de la philosophie classique et dans les grammaires comparées.

Venantius

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