Cover Mais comme en terre.

Mais comme en terre.

Capsules pour jargon de passage, déversement irrégulier.

Liste de

18 livres

créee il y a environ 9 ans · modifiée il y a plus de 7 ans

L'Anti-nature
7.6

L'Anti-nature (1973)

Éléments pour une philosophie tragique

Sortie : 1973 (France). Essai

livre de Clément Rosset

virgule virgule a mis 7/10.

Annotation :

Rosset repère un énorme piège idéologique, le décrit, l'analyse, y repêche des figures déjà noyées, y renfonce quelques penseurs embourbés. Il a nommé le naturalisme, soit le refus du hasard. Les fantasmes produits par l'idée de nature sont démontés avec une acuité sidérante.
Puis, sans même s'en rendre compte, Rosset saute à pieds joints dans l'ornière. Et on finit par le voir barboter laborieusement, au loin, aspiré par ce cyclone qu'il avait si nettement dessiné au départ. Que s'est-il passé ?
C'est l'énième représentation d'un spectacle répandu comme le vide entre les étoiles : celui des penseurs fatigués qui trouvent chez Nietzsche de quoi excuser leur mollesse de philosophes, qui y puisent une autorité ajustée à leur "humilité" intellectuelle.
Voici la routine. Ici, sans le moindre examen, Nietzsche est décrété champion de l'anti-naturalisme. En position de référentiel transcendant, son modèle est constamment suggéré, jamais cité sur pièce, jamais décortiqué comme les autres auteurs habilement cuisinés par Rosset. Son nom est gratuitement omniprésent mais son texte est rare, et complaisamment interprété à contresens. Au point qu'on peut se demander — comme à propos de tout nietzschéen : Rosset a-t-il lu, a-t-il éprouvé la pensée de son maître ? (D'ailleurs c'est très étrange, je n'ai encore trouvé personne de réellement impitoyable avec Nietzsche. Celui qu'aurait dégoûté une telle guimauve, le voici condamné à recevoir des commentaires d'une universelle indulgence.)
L'anti-nature s'effondre ici même. Rosset se repose sur une conception faible du hasard, celle des héraclitéens : mouvement incessant, animation frénétique, fatalité de l'écoulement et de la dégradation, parfois même assimilée à "la Vie". Loin d'aboutir à une réelle indétermination, cela ne fait que réinstaurer un type de nature parmi les autres, une instance métaphysique et divine entérinant notre impuissance. Et comme cette métaphysique n'est pas assumée en tant que telle, elle s'exprime dans le vague, de façon dispersée et mystérieuse. Sous cette influence vitaliste, Rosset s'impose des contorsions extrêmement rébarbatives, incompatibles avec son extraordinaire intuition de départ.

Mais comment taire mes commentaires

Mais comment taire mes commentaires

Sortie : 1 novembre 1999 (France). Essai

livre de Francois Morellet

virgule virgule a mis 6/10.

Annotation :

J'aime bien ce type. Le bouquin peut être lu comme un document sur l'écriture d'artiste lambda entre les années 1950 et 2010, avec des textes qui évoluent progressivement d'une concision désarmante (à peine 10 missives pour les années 1960) jusqu'à la redondance d'exercices mondains et plats (96 textes et entretiens pour les années 1990). Morellet subit ce phénomène généralisé de prolifération du discours mais ses intuitions restent vives, les œuvres gagnent en souplesse sans trahir la radicalité de la jeunesse : au contraire elles la déplient inlassablement dans tous les sens.
(Ma note vaut pour l'édition de 2011, qui aurait finalement mieux fait de ne pas être augmentée.)

Qui est Dieu ?
7.7

Qui est Dieu ?

Essai

livre de Jean Soler

virgule virgule a mis 7/10.

Annotation :

Léger mais convaincant, vite lu, le bouquin sert apparemment de vitrine à des travaux qu'on espère plus riches en sources. Ici, on est bien obligé de faire confiance à l'auteur quand il nous dit que des points décisifs sont étayés ailleurs. J'irai voir.
Ça donne aussi envie d'en savoir plus sur ces monolâtries antiques et leurs sources, des sortes de proto-nationalismes que Soler oublie de mentionner dans la dernière partie, qui s'en trouve particulièrement tirée par les cheveux...

La citrouille a besoin de vous
8

La citrouille a besoin de vous (1992)

Lord Emsworth Acts for the Best

Sortie : 1994 (France). Recueil de nouvelles

livre de P. G. Wodehouse

virgule virgule a mis 7/10.

Annotation :

Wodehouse écrit un livre de Wodehouse, les décors sont de P.G. Wodehouse, les personnages sont wodehousiens, et les situations sont des situations à la Wodehouse, et il y a des comparaisons hilarantes, dans le style de Wodehouse, vu que c'est écrit comme du Wodehouse, donc délicieusement écrit, c'est bel et bien Wodehouse. Wodehouse est plus ou moins en forme, d'abord c'est décevant, puis Wodehouse fait pisser de rire pendant une cinquantaine de pages qui sont du pur Wodehouse, mais ensuite Wodehouse fatigue et Wodehouse devient limite chiant à force d'être dans du Wodehouse qui se contente de faire du Wodehouse sans intensité, quasi routinier et de petit format au lieu de secréter du Wodehouse au long cours. Puis soudain ça revient, des pages scintillent et on se dit : voilà Wodehouse !

L'Aménagement du territoire
6.6

L'Aménagement du territoire (2014)

Sortie : 21 août 2014. Roman

livre de Aurélien Bellanger

virgule virgule a mis 8/10.

Annotation :

Ça commence dans une matière élastique, une terre à sédimentation lente sur laquelle le territoire s'aménage. Puis sur le tard l'intrigue émerge, par touches, elle n'est qu'un prétexte à l'installation de son décor, à l'aménagement du territoire. L'écriture minutieuse arrange de gigantesques déformations, le travail des machines engendre des contes microscopiques. Sous une lueur prosaïque, glissement de terrain et psychologie fusionnent.

Métaphysique de la miette

Métaphysique de la miette

Sortie : 19 avril 2013 (France). Roman

livre de Allen S. Weiss

virgule virgule a mis 6/10.

Annotation :

Le type veut tellement se montrer sous un jour sympathique qu'il en deviendrait insupportable. Déjà, il veut se montrer, lui. On apprend des choses sur lui, sur sa compagne, sur eux, sur sa cuisine dans son appartement dans son Paris, sur ses recettes préférées et sur sa fréquentation d'internet qui lui permet de trouver du contenu pour étoffer les pages de son traitement de texte. Charmant bric-à-brac, des miettes, partout des miettes, des bonnes miettes, manque le livre.

L'Expérience esthétique
6.3

L'Expérience esthétique

Sortie : 12 mars 2015 (France). Essai, Philosophie

livre de Jean-Marie Schaeffer

virgule virgule a mis 6/10.

Annotation :

C'est pas trop mal mais ça part en couille depuis la dernière fois, Jean-Marie, ça part en citations creuses, en néologismes superflus, en IRM du cerveau, en exemples fades, en chapitres inutiles, en études américaines, en jardins japonais, en argumentations faibles, en approximations.
Encore une fois, l'EHESS a vaincu.

L'Œuvre de l'art

L'Œuvre de l'art (2010)

Sortie : 22 avril 2010. Essai, Littérature & linguistique

livre de Gérard Genette

virgule virgule a mis 10/10.

Annotation :

C'est si cristallin que toute exégèse est inutile, jusqu'au risque de faire disparaître toute postérité, et finalement de ne plus susciter aucune lecture. Il ne nous reste que les confus.

L'Art de l'âge moderne

L'Art de l'âge moderne

L'esthétique et la philosophie de l'art du XVIIIe siècle à nos jours

Sortie : janvier 1992 (France). Essai, Philosophie

livre de Jean-Marie Schaeffer

virgule virgule a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Exceptionnel mais le nom de l'auteur rebute (non, pas Jean-Louis Schefer), avec prix de vente kamikaze, couverture grisâtre et titre qui ne permet pas d'imaginer le contenu. C'est une patiente dissection de l'esthétique romantique et de ses effets, ses effets jusqu'à ici et maintenant, constitutifs de notre vision du monde. Schaeffer étudie les formes canoniques d'une sacralisation absconse de l'art qui finit par se passer d'œuvres. Parcours aiguisé dans les doctrines tortueuses de Novalis, Schlegel, Hegel, Schopenhauer, Nietzsche et Heidegger, nuances et évolutions respectives incluses. (Rien n'oblige à s'attarder dans la partie sur Kant, au limites du rébarbatif, même si c'est rare qu'un texte sur Kant soit seulement aux limites du rébarbatif.) Cette grande œuvre en négatif offre de quoi s'abreuver sans fin.

Manet, une révolution symbolique
8.2

Manet, une révolution symbolique

Cours au Collège de France (1998-2000) suivis d'un manuscrit inachevé de Pierre et Marie-Claire Bourdieu

Sortie : 7 novembre 2013 (France). Essai, Peinture & sculpture

livre de Pierre Bourdieu

virgule virgule a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

L'occasion d'approcher Bourdieu au moment où il boucle. Progressive rencontre avec une démarche mesurée et opiniâtre, au point où le projet en cours acquiert peu à peu le charme d'une panacée irréalisable. A travers une oralité limpide le monde et l'œuvre de Manet émergent à un rythme de croisière tout à fait appréciable. Ça se lit donc facilement et sans temps mort, mais ce format manque de densité. Au fil des digressions et des justifications méthodologiques, c'est comme s'il restait énormément de matière inexploitée en réserve, comme si on n'avait toujours pas atteint la substance. Puis, comparée à la richesse et à la finesse de ce qui précède, la pauvreté relative des analyses d’œuvres (réservées pour la toute fin, et pour une bonne part curieusement empruntées à un Foucault peu inspiré, sans lien avec les développements précédents) ferait presque regretter le voyage, où de bout en bout Manet accroche la lumière.

L'Œuvre d'art et ses significations
7.7

L'Œuvre d'art et ses significations (1955)

Essais sur les "arts visuels"

Meaning in the visual arts

Sortie : novembre 1969 (France). Culture & société, Essai

livre de Erwin Panofsky

virgule virgule a mis 8/10.

Annotation :

Panofsky fait saliver en parlant de frises maniéristes, de l'imaginaire arcadien chez Poussin ou de la façon dont Léonard de Vinci découvrait l'intérieur du cerveau par moulage. Même avec des interprétations abusives de-ci de-là (comme d'habitude chez les historiens de l'art, on finirait par croire que l'art ne se nourrit que d'art) à chaque page le recueil impose sereinement sa suprématie.

L'effet Darwin : sélection naturelle et naissance de la civilisation
8.4

L'effet Darwin : sélection naturelle et naissance de la civilisation

Sortie : 2 février 2012 (France). Essai

livre de Patrick Tort

virgule virgule a mis 8/10.

Annotation :

Dommage que Tort soit un irréductible continuiste et refuse, à part en y voyant (abusivement !) le signe d'une transcendance honnie, de considérer qu'il pourrait y avoir surgissement de nouveauté pure au sein du vivant. C'est en contradiction avec de trop nombreuses observations qui permettent désormais d'admettre la possibilité de sauts, de mutations brusques et imprévisibles (rendant obsolète sur ce point, et sur ce point uniquement, ce que pensait le prudent Darwin). Davantage qu'un homme de sciences, Tort pense en homme de lettres, jusqu'à devenir un théoricien irremplaçable. Un personnage complètement à part.

L'Innommable
8.4

L'Innommable (1953)

Sortie : 1953 (France). Roman

livre de Samuel Beckett

virgule virgule a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

La Peur du savoir
7.7

La Peur du savoir

Sur le relativisme et le constructivisme de la connaissance

Sortie : 2009 (France). Essai

livre de Paul Boghossian

virgule virgule a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Les arguments sont puissants mais le corps du texte est inutilement alourdi par l'attirail logiciste. Heureusement qu'on peut compter sur le préfacier pour débroussailler tout ça. Pour résumer, Boghossian récuse plusieurs types de relativisme cognitif en les laissant s'autodétruire sur le terrain de la pensée rationnelle, ou encore dégonfle leur potentiel de séduction immédiate en affichant leur manque de portée effective. Mais comme cette autodestruction n'est valable qu'au regard des critères eux-mêmes relativisés (rationnels ou empiriques) l'effet du bouquin risque de ne pas aller plus loin que le dialogue de sourd entre Galilée et le cardinal Bellarmin. Étant donné que le domaine du relativiste se trouve _in fine_ être celui de la force, que lui importe de manquer de cohérence ? La rigueur exemplaire de ces raisonnements n'est pertinente que pour celui qui ne les réduit pas aux facteurs conjoncturels de leur formation socio-historique, voyez : quand toute rationalité est interprétée comme un produit au service de la domination planétaire d'un Occident dévoyé et ethnocentré, bon courage pour la restituer à ceux qui refusent d'y voir une chance d'émancipation par rapport à la contrainte immédiate des conditions matérielles. À part d'improbables curieux, ça mettra donc du temps avant d'arriver entre des mains qui ne sont pas déjà conquises. Le parallèle avec Orwell est judicieux : c'est bien le pouvoir qui a peur du savoir.

"En détruisant l'espace des raisons, le relativisme dénoue cette alliance [entre connaissance et liberté] et enferme les plus faibles dans le seul espace des rapports de force où ils seront, par définition, toujours les vaincus. [...] si la réalité n'existe que dans les esprits et si les dominants peuvent imposer à tous les esprits les mêmes croyances [...], la révolte n'a plus aucun sens."
Annoncé en quatrième de couverture, ce point mériterait d'amples développements.

L'Enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes
7.2

L'Enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes (1999)

Sortie : 1999 (France). Essai, Culture & société

livre de Jean-Claude Michéa

virgule virgule a mis 3/10.

Annotation :

Petite histoire : il y a un peu plus d'une dizaine d'années, encore imberbe mais fraîchement préparé à une certaine ascèse mentale après la découverte de Krishnamurti et de Wittgenstein, le titre de ce petit ouvrage attire spontanément ma sympathie sur le rayonnage de la bibliothèque municipale : accommodé au confort de ce mysticisme ambiant, j'interprète alors l'ignorance dont il est question comme une vertu ! Le livre de Michéa opère alors un petit bouleversement en moi, la conversion à une configuration idéologique tout à fait inattendue, qui se formule alors d'une façon assez simple : étant donné qu'un conservatisme tourné vers l'ordre de pré-68 apparaît comme la seule position digne face au fléau néolibéral, je me découvre et me considère désormais, à ma grande surprise, capable d'être "de droite". En toute cohérence, la rencontre consécutive de l'essentialisme nostalgique de Heidegger prolonge ce mouvement, mais aussi ce déni : ultimement, il faut aussi refuser la pertinence des catégories et du partage gauche/droite, si ce n'est comme repoussoirs et comme signes d'une déchéance du monde contemporain. Néanmoins ça n'est que le résidu de ce qui, dans mon engouement alors déjà établi pour Debord ou Nietzsche par exemple, participe déjà à rabattre vers des idéaux réactionnaires le rejet d'aujourd'hui, à faire d'un ressentiment une sublime posture romantique. Un vaste univers (...)

Essais et conférences
7.4

Essais et conférences

Vorträge und Aufsätze

Sortie : 1954 (France). Essai, Philosophie

livre de Martin Heidegger

virgule virgule a mis 6/10.

Annotation :

(...) d'anti-modernisme s'ouvre à moi, et chaque marque d'insoumission à cette époque, vue comme souillée par le cartésiano-technicisme, est source d'approbation réjouie. Pourtant, à force d'assertions uniquement négatives ou positivement obscurantistes et autoritaristes, en somme la répétition stérile des mêmes griefs sous des formes pas si diverses, à force ne plus sentir que la naïveté d'un fétichisme grandiloquent pour tout ce qui possède la patine de l'antériorité temporelle, le contenu mélodramatique de ces volumes traversés se détache peu à peu de tout soupçon de pertinence. Surtout, l'uniformité de ces recours à l'origine vise un retour à une profondeur authentique, et en l'occurrence la soumission totale à des impulsions déifiées qui, précisément, s'identifient à ces forces vitales idéalisées sur lesquelles repose dans les faits tout l'édifice économique et industriel, et pousse quiconque à y contribuer malgré lui sous la contrainte de sa misère animale. « Ce sont ces organismes qui meurent, pas la vie. » Justement, cher théologien vitaliste, c'est ce qu'on appelle la condition prolétaire. Il n'est alors plus question dans ces lectures de découvrir la moindre clé ou le moindre discours crédible sur l'état des choses, mais plutôt d'un exercice consistant à soumettre mon esprit à un perpétuel mouvement d'aliénation volontaire, une gymnastique distordant l'évidence des raisonnements habituels : hormis les effets de séduction et d'adhésion primaire qu'ils peuvent susciter, les paradoxes auxquels contraint la mauvaise foi constituent parfois aussi de déconcertantes inventions argumentatives. Michéa n'est donc qu'un catalyseur parmi d'autres de cette récupération stratégique des frustrations au profit d'un trompe-l’œil médiocrement bucolique. Assimilé à un passé radieux, cet arrière-plan kitsch n'est manifestement qu'une préparation aux fantasmagories que nous réserve l'environnement virtuel new-age des écrans cache-misères, une perpétuation du masochisme dans lequel l'auto-flagellation occidentale s'illusionne pour un exotisme en mousse polyuréthane. De bonnes tomates d'antan ? Tant que la saveur est crédible. Mais c'est anticiper !

Système des Beaux-Arts
6.6

Système des Beaux-Arts (1920)

Sortie : 1926 (France). Essai, Philosophie

livre de Alain

Annotation :

Bonjour. Stop. Stop, stop. Il se prend pour Boileau mais débandade de tête d'enclume.

L'Être et l'Événement
6.4

L'Être et l'Événement (1988)

Sortie : 1 janvier 1988. Essai, Philosophie

livre de Alain Badiou

virgule virgule a mis 10/10 et l'a mis en envie.

Annotation :

Illisible. Le problème est sans doute dans cette manière proche de l'oral, cette façon de passer sans crier gare du décisif au superflu et inversement. Ça n'est que didactique, tout en imposant un décorticage dont l'intensité est croissante. Aussi le texte n'est pas dans les phrases, le livre dans sa profusion n'est que l'arpentage d'un contour. Peut-être dicté à un secrétaire. Mais le tumulte syntaxique qui recouvre la clarté structurelle peut participer à l'effet d'endoctrinement, par l'investissement demandé au lecteur dans l'élucidation du sens. Donc apparemment pas de fétichisme littéraire pour les mots, mais comme si on avait affaire à une brochure, un guide, utilitaire, à propos de ce qui est visé par le texte. Pourtant c'est trop feint pour qu'effectivement cette indifférence au style advienne : il en résulte trop de style, aussi pachydermique qu'irréprochable. Un livre qui s'étudie, des phrases qui nécessitent des retours. Parce qu'il reste aussi le titanesque acharnement maintenu, la férocité sous laquelle succombent tôt où tard les autres personnages philosophiques que Badiou manipule sans fatigue, comme de la pâte à pain ou des rubik's cube. La puissance de modélisation produit ce type d'initiation qui requiert probablement la patience et le temps illimité d'une existence affranchie de l'horizon de la mort. Dans sa démesure le volume incite à s'impliquer dans une fiction dont on devient le personnage, comme ces livres qui inventent leur lecteur. Tenir entre les mains un tel objet, le fait que de telles choses soient possibles transfigure l'ordinaire en un délire à la Borges. Depuis le temps, j'y suis peut-être devenu allergique. En tout cas une belle édition, objet entièrement blanc, le Seuil autour de 1990. Allez.

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