Pérégrinations littéraire : été 2016

Dans trois semaines et demie, mes épreuves du bac seront terminées, concluant six mois de travail intensif comme je n'en avais jamais connu (Bac littéraire + épreuves de Sciences Po). J'aurais donc plus de deux mois devant moi, et je désespère de plus en plus de trouver un job pour le mois ...

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11 livres

créee il y a presque 8 ans · modifiée il y a plus de 6 ans

La Reine Margot
7.8

La Reine Margot (1845)

Sortie : 1845 (France). Roman

livre de Alexandre Dumas

Marius Jouanny a mis 9/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

Je n'avais pas eu le temps de l'entamer l'été dernier : cette fois-ci, c'est la bonne !

Voir critique.

Le Prince
7.7

Le Prince (1532)

(traduction Jacques Gohory)

De Principatibus

Sortie : 1532 (Italie). Essai, Philosophie, Politique & économie

livre de Nicolas Machiavel

Marius Jouanny a mis 7/10.

Annotation :

« Le Prince » de Machiavel mérite bel et bien son statut de référence absolue et incontournable, 500 ans après, parmi les essais politiques. Sa dimension universelle et fichtrement en rapport avec l’actualité est tout d’abord avéré : avec deux horizons simples, comment accéder au pouvoir et comment le conserver, l’auteur pose les bases du machiavélisme politique et du « realpolitik », car « la fin justifie les moyens ». Ainsi, lorsque Machiavel vante les avantages d’une rébellion réprimée par l’Etat qui peut ainsi liquider plus facilement ses opposants et réaffirmer une autorité plus liberticide en toute légitimité, on pense à la toute récente tentative de coup d’Etat en Turquie, asseyant encore plus le pouvoir d’Erdogan. Il est même amusant de lire que selon l’auteur, garder la mainmise et l’ordre dans un pays conquis par une forte présence militaire mène forcément à une impasse : peut-être la famille Bush, les dirigeants américains en général et ceux du G20 devraient relire cet essai plus attentivement.

Ce n’est pas non plus dans sa forme générale que « Le Prince » trouve ses limites : se voulant le plus clair, direct, explicite et accessible, l’écriture n’enrobe jamais ses tournures et suit un cheminement logique d’une simplicité salvatrice. Il faut néanmoins relativiser la portée de cet ouvrage d’une centaine de pages : il s’attarde longuement sur un art de guerre révolu en éludant ainsi quelque peu les dimensions économiques et sociales de l’Etat. Pire encore, l’essai de Machiavel étant directement adressé à un prince d’Italie que l’auteur juge assez digne et puissant pour chasser l’envahisseur du pays et le réunifier, il conclut son ouvrage par une proposition d’idéalisme guerrier que ne renierait pas Jeanne d’Arc et n’importe quel nationaliste. L’Italie étant particulièrement désunie à son époque, lui-même en exil politique, on peut comprendre cette volonté, sans toutefois y adhérer. Néanmoins l’analyse et la démonstration, si elles sont parfois un peu trop didactiques et répétitives, restent implacables d’intelligence et de finesse. C’est avant tout une faculté extralucide, une omniscience jamais avare en exemple concret et en recherche historique qui séduit dans « Le Prince », faisant encore de lui le livre de chevet de bons nombres d’hommes politiques.

La Fanfarlo
6.9

La Fanfarlo (1847)

Sortie : 1847 (France). Recueil de nouvelles

livre de Charles Baudelaire

Marius Jouanny a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Nouvelle comptant parmi les premiers écrits de Baudelaire, l’œuvre dresse le portrait d’un poète excentrique à forte consonance autobiographique. Tout, dans l’écriture et le caractère du personnage, n’est qu’affaire de désordre et de digressions, c’est ce qui fait la force et la faiblesse de la nouvelle. Car si cette effusion débordante et souvent poétique de tirades et réflexions permettent à la prose de Baudelaire un épanouissement formel peu commun, telle une liqueur délicieuse qu’on absorbe goutte à goutte, l’arrière-goût est plus amer, donnant l’impression du superficiel.

En effet après une première partie prometteuse, formant une très belle entrée en matière, Baudelaire se veut moins original narrativement et formellement lorsque survient le personnage-titre la Fanfarlo. Tout cela se concluant d’ailleurs assez mollement. Néanmoins Beaudelaire suggère et laisse entrevoir en peu de mots et avec finesse le trouble existentiel de toute son œuvre : le spleen, celui du romantique désillusionné et hanté par ses souvenirs, sa névrose, ses désirs et ses fantasmes. Une radiographie de l’individu ici certes à l’état d’embryon, mais touchante et authentique, agrémentée de quelques traits d’esprits qui laissent rêveurs.

Le Spleen de Paris
8.2

Le Spleen de Paris (1869)

Petits poèmes en prose

Sortie : 1869 (France). Poésie

livre de Charles Baudelaire

Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Poète, traducteur et critique d’art, Baudelaire a toujours exploré d’autres étendues que celle de la poésie en vers. Avec « Le Spleen de Paris » et ses 50 poèmes en prose, il trouve un terrain de jeu formel libérateur : détaché de des entraves du vers, il propose une variation de thèmes, registres et types de narration assez impressionnante. Il y en donc pour tous les goûts, souvent dans une sensualité dévorante : descriptions idylliques de paradis perdus, réflexions autobiographiques d’un pessimisme consommé… Surtout, Baudelaire propose un regard éperdu, parfois romantique, parfois acerbe sur ce qui l’entoure, notamment sur les pauvres qui peuplent les rues de Paris, et sur tous ces petits détails auxquels il accorde une importance démesurée. Il m’engouffre par une virtuosité de tous les instants, où chaque phrase est pesée, bien que je trouve son écriture plus belle en vers. Finalement, en passant d’un poème à l’autre la plupart du temps sans fil conducteur, Baudelaire perd quelque peu en cohérence, là où les différents compartiments des « Fleurs du Mal » rendaient les obsessions de l’auteur palpable et touchante. Ici, le fourre-tout passionne souvent, mais ressemble plus à une compilation qu’à une unité soigneusement choisie. La majorité des poèmes pris à part n’en restent pas moins éblouissants.

Substance Mort
7.8

Substance Mort (1977)

A Scanner Darkly

Sortie : 1978 (France). Roman, Science-fiction

livre de Philip K. Dick

Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

De l’épaisse œuvre que laissa l’auteur de science-fiction Philip K. Dick, composées de dizaines de nouvelles et romans, « Substance Mort » est certainement l’un des plus personnels et autobiographiques. Le récit, décrivant un futur proche où un groupe d’adulescents sombre dans le gouffre des drogues parmi le hach ou la « Substance M », s’appréhende comme une parabole de ce qu’a vécu l’auteur dans les années 60. Il l’affirme en postface, sa démarche n’est absolument pas moralisatrice, mais plutôt un témoignage et un hommage solennel pour ses nombreux amis de l’époque qui tous finir six pieds sous terre ou victimes de lésions irréversibles. Greffant à cette tragique histoire un agent infiltré des stups qui confond et brouille progressivement sa double identité, devenant ainsi schizophrène à cause de la substance M, K. Dick donne chair à son récit. Son écriture digressive pour ne pas dire bordélique trouve d’ailleurs plus que jamais un sens lorsqu’elle tente de retranscrire la détresse et l’instabilité mentale de ses personnages.

En dysfonctionnant de plus en plus la perception de ses personnages et donc sa narration, il risque de perdre le lecteur. Mais c’est le pacte tacite qu’il faut concevoir à chaque lecture de K. Dick : savoir se laisser porter dans son univers, son écriture, même si sa fluidité est quelquefois obstruée par des changements brutaux de focalisations. Ces procédés ont malgré tout une signification et une rigueur, dévoilant toute la complexité de l’esprit et la perception. « Substance Mort » décrit une descente aux enfers touchante et désespérée qui ne manque pas non plus d’humour, surtout noir, lorsqu’il aborde la paranoïa des personnages et leurs discussions délirantes. De tous points de vue, K. Dick nous fait donc nager en plein paradoxe, comme à son habitude. Si on peut déjà voir des pendants cinématographiques spirituels à ce roman avec « Trainspotting » par exemple, je serais curieux de voir son adaptation en film d’animation datant des années 2000, qui propose un univers en motion-capture pour le moins atypique, potentiellement adéquat aux inventions visuelles de K. Dick.

Apologie de Socrate
7.5

Apologie de Socrate

(traduction Luc Brisson)

Apología Sôkrátous

Essai, Philosophie

livre de Platon

Marius Jouanny a mis 7/10.

Annotation :

Condamné à mort à 70 ans par l’aristocratie athénienne il y a plus de 2500 ans pour « corruption de la jeunesse et discours calomnieux », Socrate n’a laissé aucun écrit, et aura passé sa vie à se dresser contre l’ignorance et la présomption des faux érudits de son temps. S’étant lui-même retiré de la vie politique depuis longtemps, il avait rapidement compris que la manière la plus efficace et (relativement, car il en est mort) moins dangereuse de défendre la vertu et la justice était encore de discuter avec chaque personne se prétendant sage pour juger de sa véritable valeur d’esprit. BHL, face à Socrate, se serait certainement pris plus qu’une tarte à la crème : une grande leçon d’humilité et d’humanisme. Tout cela, le philosophe l’accomplit sans prétendre lui-même à la sagesse et la reconnaissance, il vivait dans la plus grande pauvreté et n’exigeait rien de ses nombreux disciples.

Aussi après son exécution, l’un de ses disciples, Platon (ça vous dit quelque chose ?) fut choqué de cette grande injustice et consacra une partie de ses écrits à réhabiliter Socrate en retranscrivant ses traits d’esprits et sa pensée. Dans « L’Apologie de Socrate », Platon relate donc le procès de Socrate, la rhétorique et l’argumentation poignante de sa plaidoirie qui, loin de faire appel au pathos ou à la colère, est un simple et implacable exercice de raison. Il faut évidemment prendre ces quelques cinquante pages avec un certain recul tellement Platon idéalise son maître sans concessions. Néanmoins la leçon d’éthique et de morale que le discours propose, dans une forme humble et accessible (bien que parfois tellement pédagogique qu’il se répète), nous rappelle que les meilleurs orateurs sont non seulement les plus sincères et les plus rigoureux, mais aussi les plus idéalistes. Socrate, en se battant jusqu’à la mort contre les moulins à vent, aura acquis une postérité millénaire, mais il aura surtout démontré les failles du système démocratique athéniens, de l’ignorance des populistes et du cynisme des Sophistes.

Criton
6.9

Criton

Sortie : juin 2008 (France). Essai, Philosophie

livre de Platon

Marius Jouanny a mis 6/10.

Annotation :

Platon relate ici un très court (une petite vingtaine de pages) dialogue entre Criton, l'un des disciples de Socrate, et ce dernier alors que le maître philosophe est en prison, à quelques jours de son exécution. C'est ici une démonstration de l'importance essentielle des lois qui, même si elles ne sont pas infaillibles et envoient Socrate droit à la mort, doivent rester sauve. C'est pour cela que Socrate refuse l'aide de ses disciples pour s'enfuir et échapper à son châtiment. Les arguments sont toujours aussi pertinent, mais la brièveté du discours et sa portée amoindrie en fait un essai plus mineur de Platon.

Phédon
7.4

Phédon

(traduction Monique Dixsaut)

Φαίδων

Sortie : septembre 1994 (France). Essai, Philosophie

livre de Platon

Marius Jouanny a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

Voir critique.

Les Liaisons dangereuses
7.9

Les Liaisons dangereuses (1782)

Sortie : 1782 (France). Roman

livre de Choderlos de Laclos

Marius Jouanny a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Si les premiers amours paraissent, en général, plus honnêtes, et comme on dit plus purs ; s’ils sont au moins plus lents dans leur marche, ce n’est pas, comme on le pense, délicatesse ou timidité, c’est que le cœur, étonné par un sentiment inconnu, s’arrête pour ainsi dire à chaque pas, pour jouir du charme qu’il éprouve, et que ce charme est si puissant sur un cœur neuf, qu’il l’occupe au point de lui faire oublier tout autre plaisir. »

Laclos a beau décrire une société libertine, gouvernée et rongée par les apparences et le calcul, au duo de personnages principaux abominable, il n’en distille pas moins quelques profondes vérités sur les sentiments humains. Cette lucidité ambivalente tout en échappant à la fois au nihilisme et au moralisme foudroie de justesse. L’auteur opère tout d’abord une double-distanciation par l’écriture épistolaire très astucieuse : chacun des points de vues et style d’écriture des personnages sont indépendamment développés, tout comme les annotations de l’auteur qui nous font non seulement croire à la véracité des lettres publiées, mais permettent un recul réflexif essentiel. Tout l’art de l’écriture de l’auteur est celui du travestissement, passant tout à tour de lettres d’amour mièvres à des jeux de manipulation machiavéliques. Entre candeur pervertie, transports hypocrites et sadisme affiché, l’amour est en lambeaux.

Chacune des individualités, sincères ou malicieuses du roman sont progressivement écrasées par ces liaisons, sombrant tôt ou tard vers une castration totale des désirs. Cette structure narrative évite certes tout jugement moral (contrairement à « Manon Lescaut ») mais pourrait laisser croire, tout comme « Madame Bovary », que tout est dérisoire et condamné à la putréfaction ou (pire !) au convent. Cependant Laclos n’est pas un cynique complet, et s’il condamne l’hédonisme effréné de nos deux libertins, il fait en marge l’éloge d’un hédonisme raisonné, où l’amour, fondé sur la sincérité, conduit au bonheur.

La Ferme des animaux
7.8

La Ferme des animaux (1945)

(traduction Jean Queval)

Animal Farm

Sortie : 1981 (France). Roman

livre de George Orwell

Marius Jouanny a mis 7/10.

Annotation :

Quatre ans avant « 1984 », Orwell posait déjà les jalons de sa réflexion sur le totalitarisme avec la nouvelle « La Ferme des animaux ». Ici, la parabole est limpide : les fermiers représentent l’élite sociale, les animaux le prolétariat, et les cochons ces salauds de bolchéviques menant toute la ferme à la révolution (même si ce ne fut pas exactement le cas en 1917, plutôt un coup d’Etat quelque mois après la révolution), prenant le pouvoir pour mieux asservir à leur tour. C’est donc plus précisément sur le régime soviétique que porte le regard d’Orwell. Et si le récit est court (110 pages) il retrace avec une certaine précision la prise de pouvoir du cochon Napoléon, ses « blousons noirs » représentés par des molosses assoiffés de sang, la réécriture de l’histoire et des lois, toute aussi progressive que la qualité des privilèges que la nouvelle élite s’accorde.

Le problème est que non seulement l’écriture n’est pas aussi incisive et maîtrisée que dans « 1984 », mais le déroulement faisant passer le régime révolutionnaire à un régime totalitaire est beaucoup trop systématique. Le lecteur comprend rapidement les rouages de la machination, qui se voit trop peu grippée pour ne pas devenir prévisible. C’est d’un grand pessimisme, lucide certes, mais encore une fois pas autant que « 1984 ». Néanmoins certains éléments de la nouvelle sont d’une pertinence rare, car elle dénonce aussi la démagogie dont la démocratie peut faire preuve pour galvaniser et rassembler les foules. Surtout, cela montre à quel point le travail est la clé de voûte de l’asservissement d’une population : c’est le labeur qui empêche la réflexion et la protestation plus que tout, que n’importe quel discours. Et puis, c’est bien par l’anthropomorphisme qu’Orwell dépasse sa simple démonstration des limites du régime soviétique, en universalisant son récit qui est tourné jusque dans son écriture comme un conte pour enfants.

La Mort à Venise
7.3

La Mort à Venise (1912)

Der Tod in Venedig

Sortie : 1912 (Allemagne). Nouvelle

livre de Thomas Mann

Marius Jouanny a mis 6/10.

Annotation :

Cette "Mort à Venise" conclue mes pérégrinations littéraires de cet été et je dois dire qu'ayant été émerveillé par son adaptation au cinéma par Visconti il y a un peu plus d'un an sur grand écran, je m'attendais à un peu mieux. Certes, l'écriture est souvent virtuose, transmet des émotions variées et plutôt fortes. Mais l'écriture de Thomas Mann me gêne dans sa trop grande abstraction : distillant des passages de réflexion quasi-pure, l'auteur semble presque profiter de cette nouvelle pour proposer des passages qui iraient mieux à un essai. Et puis, tout l'aspect symbolique de l’œuvre me semble manquer de subtilité tellement les motifs d'apparitions de lieux et de personnages symboliques se répètent sans vraiment se renouveler. Reste que le voyage est unique, d'une sensualité dévorante, et d'une portée réflexive admirable.

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