Bobby D. : le Big Thirty

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Premier chef-d'œuvre dylanesque, à la fois reprise et appropriation, le cheminement d'un blues des années 30 passé par la guitare d'un certain Ric von Schmidt puis atterri comme par magie dans l'harmonica qui en fera la première pierre d'un édifice aussi bien que le conte d'un bel amour.
"Well I'll do anything in this godalmighty world
If you just let me follow you down. "

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Le jour où la Terre s'arrêta, et entra en collision avec la planète Bob Dylan ; une chanson qui deviendra un testament pour les Ages, formulé par un minot d'une vingtaine d'années. Le poète se fait amer, l'homme se fait symbole et une carrière est lancée.
"How many years can a mountain exist
Before it's washed to the sea?"

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L'Apocalypse selon Dylan : annoncée, nucléaire et torrentielle ; l'arrogance et pourtant l'effacement du prophète, de celui qui croit voir mais qui sait qu'il doit encore scruter l'horizon. Aux confins de la Protest-song et de cet imaginaire qui l'emmènera aussi loin que ceux qui le suivent, Hard Rain est plus la prophétie de l'émergence d'un génie que de l'anéantissement de son monde.
"And I'll tell it and think it and speak it and breathe it"

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Une bombe désabusée, une explosion à voix basse, ce morceau est le joyau parmi les diamants qui composent The Freewheelin' ; une des compositions les moins ambitieuses, les plus intimes de cet album, et la signature essentielle de l'homme qui étouffe derrière l'artiste et le prophète.
"I ain't sayin' you treated me unkind
You could have done better but I don't mind"

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Une des plus belles, des plus enflammées charges d'un Dylan encore idéaliste à l'époque, mais sur le point de comprendre l'absurdité pourtant indispensable de sa bataille ; un procès à charge, une élégie, un pamphlet et un sommet du folk, une des pépites les plus injustement méconnues de son auteur.
"Bury the rag deep in your face
For now's the time for your tears."

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La fatigue, la lassitude, l'abandon du combattant qui lève la tête et ne voit qu'un paysage inchangé et qu'il ne peut repeindre ; la prière, vaine, à ses compagnons, de déposer aussi les armes et de se trouver quelque chose à soi.
"I gazed down in the river's mirror
And watched its winding strum."

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Une séance d'hypnose, une interminable descente aux Enfers, à toute vitesse et sans filet comme une pierre qui roule, un flot ininterrompu de sonorités schizophrènes et un texte sans concession qui parle d'Edie Sedgwick pour 20thCenturyBoy et de JFK pour moi. L'un de nous deux à tort.
"How does it feel
To be on your own"

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Cette ballade qui n'en est pas une, jetée telle une malédiction baroque au visage de ce mystérieux Mister Jones, peut se concevoir de mille façons, mais la Vérité réside sans doute dans ce piano lancinant, qui s'adresse surtout à ceux qui ne veulent l'entendre.
"And he says, "Here is your throat back
Thanks for the loan""

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Il y a aussi un ami, bienveillant, qui se cache dans les nombreuses personnalité de Dylan, et même si il ne peut non plus s'empêcher de plus en savoir que les autres, il peut tout autant écrire de grandes chansons.
"But how long, babe,
Can you search for what's not lost?"

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Je ne sais pas vraiment de quoi tu parles, je n'arrive toujours pas à te percer à jour, mais tu grandis en moi Johanna, t'es comme une vision (enfin, une audition) floue, aux contours fumants et au coeur brillant... Au moins.
"She's delicate and seems like the mirror
But she just makes it all too concise and too clear
That Johanna's not here
The ghost of 'lectricity howls in the bones of her face
Where these visions of Johanna have now taken my place"

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Autre sommet, autre lieu : c'est un jardin en passe de s'épanouir, un Soleil en passe d'irradier une longue route du Midwest qui est convoqué par la chanson de Dylan, et sommé de consumer peurs, doutes et structure narrative.
"Now all my fathers, they've gone down
True love they've been without it."

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Un des sommets de Blonde on Blonde, longue traversée de la Grand' Rue d'une petite ville, un guide nommé Dylan d'humeur tantôt festive tantôt lucide, surréaliste d'imagerie et de talent, ça se voit tant que ça que je n'arrive pas à mettre de mots dessus ?
"An' she says, "Your debutante just knows what you need
But I know what you want.""

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La plus belle chanson du monde, une ode lymphatique, aux faux crescendos finaux, au verbe intarissable et impénétrable, l'Amour et le Génie capturés en une seule prise et qui se débattent pendant onze minutes d'un autre monde.
"Should I leave them by your gate,
Or, sad-eyed lady, should I wait?"

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Mélodie volatile, qui s'envole comme en volutes de fumée autour d'un cercueil encore chaud, une autobiographie qui touche à la mort pour mieux renaitre, un ultime adieu à des choses qui ne reviendront qu'en spectres pour hanter leur créateur, It's All Over Now enterre l'enfant qui agonisait en Dylan, et jamais aussi dignement que sur la scène du Royal Albert.
"Leave your stepping stones behind, something calls for you."

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La plus fascinante version d'une chanson qui n'en est pas une, mais plutôt un enchantement lancé par Dylan au monde ; un narrateur qui semble flotter dans cette ruelle, au-dessus des cadavres de clochards et des corps engourdis de bouteilles de bourbon, ou peut-être est-ce l'inverse...
"They're selling postcards of the hanging"

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Ultime signe d'adieu à ce début de carrière qu'il laisse derrière lui, à ce folk qu'il a ramené à la vie pour finalement le laisser dépérir dans les mains trop peu célestes de Joan Baez, le Mr. Tambourine Man du Royal Albert révèle un Dylan en bout de course et pourtant touché par la grâce. Mort sur scène comme Molière, ressuscité dans la minute, "he doesn't believe you".
"In the jingle jangle morning I'll come followin' you."

Annotation :

Mélodie aux arrangements et aux paroles changeantes, entité plutôt qu'unité, I'm Not There est plus qu'un titre idéal, plus qu'un manifeste artistique, plus qu'une déclaration d'amour ou plus que l'esprit dont elle sort et qu'elle échoue à définir : c'est une sublime chanson.

Annotation :

La grande chanson malade, amputée de sa raison, qui commence par la fin et qui meure née, si ce n'est pour l'arrivée du chirurgien Hendrix, pour qui l'obstétrie ne semble avoir aucun secret.
"Outside in the distance a wildcat did growl,
Two riders were approaching, the wind began to howl."

Annotation :

Si St-Pierre existe, il n'accueille pas ses ouailles seul au sommet des grands nuages blancs ; la douce et crépusculaire mélodie de Knockin' on Heaven's Door accompagne l'âme en ascencion, laissant un coeur froid et réchauffant les autres, de ceux qui restent.
"That long black cloud is comin' down
I feel like I'm knockin' on heaven's door."

Annotation :

Une chanson quand même bien pratique pour conclure toute rétrospective sur Dylan avec déférence et fidélité ; à croire qu'il l'a écrite à ce propos...
"May your heart always be joyful,
May your song always be sung,
May you stay forever young"

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En mode NY Sessions, pliz.
Un rythme assoupli, une voix plus fragile, et un texte, putain, un texte.
"You can have the best there is, but it's gonna cost you all your love.
You won't get it from money."

Annotation :

Jumeau extraverti de Buckets of Rain, chanson-somme de Blood on the Tracks, phénomène météorologique changeant selon les circonstances, de l'orage électrique à la douce brise du soir, conte d'une fée et d'un troubadour, Shelter From the Storm finit mal et Dylan comprend enfin qu'il devait en être ainsi.
"Suddenly I turned around and she was standin' there
With silver bracelets on her wrists and flowers in her hair."

Annotation :

Cette pluie qu'il a vu tomber sur ses épaules depuis 10 ans, Dylan comprend enfin qu'il ne peut plus la supporter ; jumeau introverti de Shelter From the Storm, rayon de lumière dans l'obscurité, escale dans une longue traversée, propice à écoper le navire.
"Life is sad
Life is a bust"

Annotation :

Autobiographie plus sincère et moins bavarde que les (excellentes) chroniques de Dylan, Up to Me a du attendre la sortie du Biograph pour livrer son message, mais la sentence est irrévocable : ce divorce est sans doute le plus musicalement important de l'Histoire.
"So go on, boys, and play your hands, life is a pantomime,
The ringleaders from the county seat say you don't have all that much time."

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Témoignage devant l'Éternel de la beauté de Desire, du miraculeux concours de circonstances qui fit se rencontrer le violon aérien de Scarlet Rivera et la plume omnisciente de Bob Dylan, Hurricane est avant tout l'histoire d'un homme, et qu'on le croit ou pas, ce qu'à vu Zimmerman en lui dépasse les lois.
"Where the trout streams flow and the air is nice"

Annotation :

Une des expérimentations les plus absolues de Dylan dans la morale, qui voit son compositeur se baisser très bas, jusqu'aux coupe-gorges de Brooklyn, et en ramener deux choses qui brillaient malgré tout la crasse avoisinante : Gallo, son histoire, propice aux fausses routes, et Joey, sa chanson, propice aux orgasmes auditifs.
"King of the streets, child of clay."

Annotation :

Enregistré en présence de la-dite Sara, ce morceau conclut Desire et le chagrin de Dylan, du moins dans sa discographie ; ultime oraison funèbre, pleine de regrets, d'idéalisations, au pardon absolu envers elle et surtout lui, Sara est une des nombreuses morts artistiques de son auteur et parmi les plus flamboyantes.
"Stayin' up for days in the Chelsea Hotel,
Writin' "Sad-Eyed Lady of the Lowlands" for you."

Annotation :

Joué une seule fois en concert, et quelle fois ; écrite pour Desire puis abandonnée à l'enregistrement, interprétée en catimini, Dylan y a mis ses tripes et a créé un fantôme, le mausolée secret de son mariage, loin des déguisements de Blood on the Tracks.
"I've been deceived by the clown inside of me.
I thought that he was righteous, but he's vain."

Annotation :

L'intrus, l'OVNI, le chef-d'œuvre désincarné, comme entendu dans les alentours les plus poisseux de la Nouvelle-Orléans et ramené à la lumière au forceps par l'Ange Robert et ses personnages épiques jusque devant l'absurde, à grands coups de saxophone et de chœurs gospels.
"I stumbled to my feet.
I rode past destruction in the ditches"

Annotation :

L'emblème de cette fin de carrière que je connais trop mal, où la voix jadis invincible plie l'échine, et où les textes s'élèvent au rang des plus grands, mêlant regards en arrière, foi ambiguë, et sérénité face à ce qui fut et ce qui sera.
"That if someone around him died and was dead
He knew how to bring 'em on back to life"