COEN Joel et Ethan - Vus & Annotations

Annotation :

Par le biais d’un faux polar, les frères Coen nous font jubiler dans une comédie qui prend le pouls givré de son époque. Jeff Bridges incarne la nonchalance pure à travers ce personnage du Dude, une sorte de Jésus à l’épicurisme radical, se retrouvant dans des péripéties à la loufoquerie ubuesque et insensée. Sorte de conte portant un fort humour noir, l’œuvre se suit comme une longue pérégrination labyrinthique qui aime s’éparpiller dans les quiproquos, les malentendus et la géographie de Los Angeles. C’est une succession de rencontres décalées qui fait coexister des individus excentriques et crée un patchwork très jouissif. Le décalage provient aussi de l’oisiveté prospère et pacifique du personnage et de l’hystérie violente générale qui l’entoure, mais aussi de la truculence du rythme qui, par instants, s’échappe dans des rêves surréalistes et des gags fantaisistes s’amusant avec l’idiotie et la bêtise des personnages. Les cinéastes sont parvenus à créer une mythologie déjantée, par leur force à créer des groupes et des communautés attachantes et en creusant le sillon du film noir (on pense au film "Le Grand Sommeil") avec ses fausses pistes pour nous investir dans le chemin de croix de ce Christ des années 1990.

Annotation :

"O’Brother" peut se résumer comme une épopée picaresque prenant comme schéma narratif celui de l'"Odyssée" et se trouvant en plein dans le moule de la Grande Dépression et de l’État profond du Mississippi. Les héros d’Homère sont remplacés par trois fantasques évadés qui croisent, dans leur épopée, des êtres loufoques, improbables ou monstrueux. Le film prend toute l’atmosphère propre au folklore du Deep South, comme par exemple la musique gospel, blues et country omniprésente, les personnages ou événements historiques (Baby Face Nelson, Tommy Johnson, le KKK…) croisant le chemin des protagonistes, ainsi que toute l’iconographie qui accompagne de façon parodique cette époque. Notamment l’ouverture du film, qui montre les chain gangs et installe toute l’esthétique de l’œuvre avec sa photographie en camaïeu volontairement décolorée et jaunâtre. Ce conte habile et mythologique des frères Coen fonctionne grâce à son humour débridé et euphorisant et à son accumulation aléatoire d’événements à la fois cruels et pittoresques, permettant de nous procurer de l’affection pour cette bande un peu simplette, notamment un George Clooney, entre classe et dérision, en Ulysse qui veut retrouver sa Pénélope.