Contre la Technique

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On s'étonnera peut-être de trouver Jules Verne ici, alors que certaines de ses œuvres relèvent d'un positivisme parfois béat, voire d'un délire pour ingénieurs (je pense notamment à "Deux ans de vacances"). Il faut préalablement rappeler que l'oeuvre de Jules Verne est extrêmement variée, et ne se résume pas à la triade "Vingt Mille Lieues sous les mers - Voyage au centre de la Terre - Le Tour du monde en quatre-vingts jours". Il a aussi proposé "Paris au XXe siècle", satire délirante qui était bien trop en avance (et trop foutraque, "surréaliste" aurait-on envie de dire) pour être publié en 1863. Il y a aussi ce petit texte, que j'aime faire en classe quand j'ai des collégiens : une satire assez radicale mais du reste assez amusante de la civilisation de la vitesse.

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Le terme de "Technique" n'y est pas central, mais la réflexion sur la dialectique de la raison, et plus encore celle sur "l'industrie culturelle", se lisent aisément comme des critiques de ce les philosophes suivants appelleront "Technique". Günther Anders, par exemple, s'inscrit dans cette lignée de l’École de Francfort quand il met en place, au cours des années 1950, sa critique radicale de la civilisation technicienne.

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(Proposition d'Antoine Chambert-Loir.)

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Comme dans "La Dialectique de la raison", le terme "Technique" n'est pas ici central. Cependant, tout y centré sur l'invasion de l'industrie dans chacun des pans de notre existence. Je ne résiste par ailleurs pas au plaisir de rappeler que ceci est le grand chef-d’œuvre d'Adorno : la forme de l'aphorisme, et l'insertion dans la pensée nietzschéenne (qu'il cherchera ensuite à masquer par tous les moyens), lui réussit bien que les tentatives ultérieures de systématisation. Je surprenais régulièrement mes collègues de philosophie en leur disant que "Minima Moralia" était le seul livre authentiquement nietzschéen non-écrit par Nietzsche, ce que je pense sincèrement. Revenons à mon sujet : la critique de "l'industrie culturelle" est à mon sens beaucoup mieux réussie ici que dans "La Dialectique de la raison".

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Comme dans le cas d'Adorno, la pensée de Guy Debord n'est pas centralement une critique de la technique. Jacques Ellul, à la lecture de "La Société du spectacle", lui fera d'ailleurs reproche de n'avoir pas vu que le "spectacle" était en fait une partie intégrante de la technique, et non la superstructure. Mais Guy Debord est un bien meilleur prosateur que Jacques Ellul, ce qui rend le livre plus agréable à lire et en fait plus instructif. Là aussi, c'est l'invasion de l'industrie dans la sphère culturelle qui est le coeur du propos, avec cette idée que le spectacle (c'est-à-dire la technique appliquée aux médias et à la culture) envahit toutes nos sphères sociales et vitales. Le fait que le vrai soit devenu un moment du faux est une conséquence de l'arrivée des impératifs économico-techniques dans toute partie de l'existence.

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Pour les deux derniers textes, consacrés aux sociétés de contrôle.
Voir notamment ce texte disponible en ligne : https://www.cairn.info/revue-ecorev-2018-1-page-5.htm

Annotation :

Alain Damasio propose ici une dystopie mobilisant de manière ouverte et presque trop didactique les théories de Deleuze et de Guattari. Le monde dans lequel évoluent les personnages est clairement celui des "sociétés de contrôle" (voir le texte de Deleuze un peu plus haut).