Journal de lecture automnal – octobre-décembre 2023

Liste de

50 livres

créee il y a 8 mois · modifiée il y a 28 jours

Pensées sous les nuages
7.3

Pensées sous les nuages

Sortie : 1 février 2002 (France). Poésie

livre de Philippe Jaccottet

Marie_Vrgnl a mis 6/10.

Annotation :

Lecture achevée le 1er octobre. 12/20.

Un joli mais pas inoubliable recueil de Jaccottet. Comme son titre l’indique, le poète prend la nature pour source d’inspiration, et travaille particulièrement les jeux de lumière de sorte à faire naître un clair-obscur structurant. Si quelques poèmes valent le détour, la plupart sont toutefois assez insignifiants.

« Il faut que nous soyons restés bien naïfs
pour nous croire sauvés par le bleu du ciel
ou châtiés par l’orage et par la nuit. »

Histoire de l'œil
7.3

Histoire de l'œil (1928)

Sortie : 1928 (France). Roman

livre de Georges Bataille

Marie_Vrgnl a mis 5/10.

Annotation :

Lecture achevée le 5 octobre. 11/20.

Histoire de l'oeil raconte la découverte de la sexualité du narrateur âgé de 16 ans. Il se livre avec hubris à toute sorte de déboires sexuels avec Suzanne, sa comparse de jeux immoraux. Toutes les péripéties du livre ont pour fil directeur la souillure, présentée dans toute sa protéiformité (sang, urine, sperme, rai de lumière).

À cet égard, Histoire de l'œil est exemplaire de la poétique bataillienne, dont la spécificité consiste en l'exploration et en le repoussement des limites. Ces dernières sont de trois ordres :
- À travers le sujet, ce sont d'abord les limites morales, fixées entre l'individu et la société, qui sont abolies (cf. la scène du prêtre) ;
- À travers le traitement stylistique, ce sont en outre les limites de la littérarité, fixées entre le texte et le champ littéraire, qui se voient annihilées (cf. l'introduction d'un vocabulaire obscène dans une œuvre littéraire) ;
- À travers la fictionnalisation des événements réellement vécus, ce sont ensuite les limites de l'imagination, posées entre soi et soi, qui volent en éclats (cf. le chapitre ultime qui explique les événements vécus par Bataille à partir duquel il a élaboré le mentir-vrai du récit).

La scène de l’arène espagnole est très réussie. Elle s’inscrit dans la lignée sadienne du dérèglement du monde initié par l’astre solaire : « Combien de fois, sacredieu, n’ai-je désiré qu’on pût attaquer le soleil, en priver l’univers, ou s’en servir pour embraser le monde ? » (Sade).

Pourtant, hormis ce passage, cette exploration des limites ne suffit pas à mon sens à conférer un intérêt suffisant à l'ouvrage. Bien que drôle, le livre laisse un goût d'inachevé à ce projet, comme s'il s'agissait du produit d'une âme finie qui, partant à l'exploration de l'infini, faisait le choix du chemin le plus facile, donc du plus décevant.

Mémoires d'Hadrien
8

Mémoires d'Hadrien (1951)

Sortie : 1951 (France). Roman

livre de Marguerite Yourcenar

Marie_Vrgnl a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Lecture achevée le 5 octobre. 16/20.

Avec Mémoires d'Hadrien, Yourcenar entreprend de composer ce qui pourrait s'apparenter à un roman historique si le personnage d'Hadrien n'était pas autant travaillé et n'avait pas une étoffe aussi épaisse. À travers un récit à la première personne, ce livre relate les mémoires qu'aurait pu écrire l'empereur sur son lit de mort, alors acculé par la maladie et en proie à la meditatio mortis.

Les Mémoires d'Hadrien ont tout d'un grand livre : ils sont de ceux qui parviennent à recréer un monde disparu par le seul médium des mots. L'on croirait lire la traduction d'un ouvrage antique, tant par la précision et le foisonnement des hauts faits narrés que par le style remarquablement antique.

Avec cet ouvrage, Yourcenar a exprimé son intention de "refaire du dedans ce que les archéologues du XIXe siècle ont fait du dehors". C'est brillamment réussi. Elle pousse si loin la sortie de soi et le processus d'identification qu'elle parvient à renouveler le concept d'inspiration poétique par ce "portrait d'une voix". Ce n'est plus une divinité qui parle en Yourcenar, mais un personnage historique.

Pourtant, à l'exception de quelques passages d'une beauté manifeste et du fabuleux carnet de notes qui succède aux mémoires, je dois avouer m'être profondément ennuyée... "Plus j’essaie de faire un portrait ressemblant, plus je m’éloigne du livre et de l’homme qui pourraient plaire. Seuls, quelques amateurs de destinée humaine comprendront", constate Yourcenar. Alors peut-être dois-je me résoudre à imputer cet ennui à un manque de sensibilité pour la destinée humaine...

Romans et récits
8.8

Romans et récits (2004)

Sortie : 18 novembre 2004. Récit, Roman, Recueil de nouvelles

livre de Georges Bataille

Marie_Vrgnl a mis 7/10.

Annotation :

Lecture de l’appareil critique achevée le 6 octobre. 14/20.

Denis Hollier et Jean-François Louette se livrent ici au difficile exercice de situer Bataille dans le champ littéraire, et d’en exposer les spécificités.
Le texte de Denis Hollier revient principalement sur la pertinence de la constitution d’un champ romanesque autour des œuvres de fiction de Bataille, sur la périodicisation de l’édition de ces textes, ainsi que sur leur réception.
Jean-François Louette propose de son côté une introduction dense au problème bataillien, qui oscille constamment entre désintégration et intégration – c’est-à-dire entre repoussement des limites de la littérature et mise au ban volontaire et spontanée. Il déploie par endroits une analyse stylistique intéressante.

La Danseuse
6.7

La Danseuse (2023)

Sortie : 5 octobre 2023. Roman

livre de Patrick Modiano

Marie_Vrgnl a mis 7/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Lecture achevée le 7 octobre. 15/20.

Voir ma critique :
https://www.senscritique.com/livre/la_danseuse/critique/295354573

Loger la source

Loger la source (1971)

Sortie : 12 mai 1971. Poésie

livre de Guy Levis-Mano

Marie_Vrgnl a mis 6/10.

Annotation :

Lecture achevée le 7 octobre. 12/20.

Guy Lévis-Mano excelle dans l’art du fragment poétique, lequel parvient à receler une vision du monde.
L’exercice littéraire est chez lui moins convaincant lorsqu’il s’adonne à une poésie versifiée. Par sa lâcheté, le vers libre délite le sens autant qu’il délite syntaxe. Malgré de très belles formules, l’impression générale qu’il me restera de ce livre est celle d’une profonde incompréhension : les mots n’ont fait que glisser.

La Prochaine Fois que tu mordras la poussière
6.8

La Prochaine Fois que tu mordras la poussière (2023)

Sortie : 23 août 2023. Autobiographie & mémoires

livre de Panayotis Pascot

Marie_Vrgnl a mis 7/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Lecture achevée le 7 octobre. 14/20.

Voir ma critique :
https://www.senscritique.com/livre/la_prochaine_fois_que_tu_mordras_la_poussiere/critique/295442860

Terre ni ciel

Terre ni ciel

Sortie : 6 mars 2014 (France). Poésie

livre de Yves Di Manno

Marie_Vrgnl a mis 8/10.

Annotation :

Lecture achevée le 13 octobre. 16/20.

Dans cet ouvrage, le poète Yves Di Manno tente d’approcher « l’aventure poétique » contemporaine, qu’il définit en premier lieu comme la création d’un « poème invisible ».
Chaque chapitre est une monographie consacrée à l’exégèse d’un poète contemporain, afin d’analyser ce que son œuvre a apporté au champ.

Le chapitre introductif est d’une poésie merveilleuse. Il se lit certainement comme le plus beau « poème invisible » que Yves di Manno appelait de ses vœux. La suite propose des analyses très intéressantes, bien que les références évoquées soient très confidentielles, ce qui nuit parfois à la portée du discours pour les non-spécialistes de la poésie contemporaine dont je suis.

Les lieux du trouble

Les lieux du trouble (2017)

Lecture de trois romans de Patrick Modiano

Sortie : 31 janvier 2017. Essai

livre de Aline Mura-Brunel

Marie_Vrgnl a mis 7/10.

Annotation :

Lecture achevée le 20 septembre. 14/20.

La mobilisation de la thématique du trouble permet un tour d'horizon exhaustif de l'oeuvre de Modiano. Aline Mura-Brunel l’inscrit dans un contexte littéraire qui permet de faire émerger des notions intéressantes ("l'extimation" et "la pensée du dehors" foucaldiennes, notamment).

Cependant, on regrettera principalement deux choses : d’une part, la quatrième partie, pourtant consacrée à la si intéressante question de la poétique du silence, s’apparente davantage à une monographie consacrée à Adolphe de Benjamin Constant qu’à l’œuvre de Modiano. On en perd le coeur du sujet.

D'autre part, on déplorera l’absence totale d’appareil critique. Les citations ne revoient à aucune référence bibliographique, aucune bibliographie n’est établie non plus en fin d'ouvrages. Il arrive que le nom de l’ouvrage dont est tiré la citation ne soit même pas évoqué. Ne pas citer ses sources est plus que dérangeant pour un livre à vocation universitaire. C'est dommage...

L'Angoisse du roi Salomon
8

L'Angoisse du roi Salomon (1979)

Sortie : 1 février 1979 (France). Roman

livre de Romain Gary / Émile Ajar

Marie_Vrgnl a mis 6/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Lecture achevée le 25 octobre. 12/20.

« Dieu est mort, vive Dieu ! » semble crier ce livre. Parce que le XXe siècle est une époque sans métaphysique, sans refuge, et que Dieu a déserté ses fonctions, un homme se propose de le remplacer : Monsieur Salomon, anciennement connu comme roi du pantalon à Sentier. Il fait don de son temps et de son argent pour venir au secours des « ci-devants », ces hommes et femmes que le monde a plongés dans l’oubli avant même leur mort. Il réunit une petite équipe de volontaires pour leur venir en aide. À cette occasion, Jean, le narrateur, fait la rencontre de Cora, ancienne vedette de chansons réalistes désormais sexagénaire. Parce qu’il est humain (trop humain), il se sent investi d’une mission envers cette femme : l’aimer et l’honorer, par dévotion envers l’amour, "de manière générale". Il s’en suit une histoire d’amour rocambolesque et décalée, qui se cristallise autour du quatuor amoureux formé par Jean, Cora, Aline (la bien-aimée de Jean), et Salomon, dont on découvre qu’il fut épris de Cora et « sauvé » par elle lors de l’holocauste grâce au silence qu'elle a gardé sur le lieu de sa cachette. S’y découvre une autre facette du roi Salomon, rongé par la rancoeur.

Ce livre s'ouvre sur un incipit formidable, relatant la rencontre de Jean et de Salomon. Salomon y est présenté comme un grand prince à l'élégance rare, qui rayonne par sa bonté naturelle. Ce personnage providentiel semble tout droit sorti des cieux et augure le caractère fantastique (dans les deux sens du terme) du récit. Cependant, la suite ne tient pas les promesses annoncées par ce si bel incipit : l'histoire s'enlise, tourne en rond, et se termine aussi banalement et bancalement qu'elle avait commencé.
Littérairement, il y aurait quelques éléments à tirer et à analyser, à commencer par l'hypotexte religieux : le Dieu chrétien brille par son absence et voit sa figure tutélaire s'incarner en Monsieur Salomon, dont l'onomastique fait référence à Salomon roi d'Israël. Ce déplacement de sens, qui substitue "S.O.S. bénévoles" menée par un juif à l'amour chrétien du prochain, contribue à un décalage humoristique.
Il est amplifié davantage encore par le rapport de Jean aux mots. Tel le "Douanier Rousseau du vocabulaire, il "fouille les mots comme un douanier pour voir s'ils n'ont pas quelque chose de caché". Le mésemploi de certains mots par Jean est censé le rendre comique. J'ai cependant trouvé l'entreprise moins réussie que dans LVDS.

Discours à l'Académie suédoise
7.6

Discours à l'Académie suédoise (2015)

Sortie : 18 février 2015. Essai

livre de Patrick Modiano

Marie_Vrgnl a mis 9/10.

Annotation :

Relecture achevée le 25 octobre. 18,5/20.

Formidable discours prononcé par Patrick Modiano lors de la remise du Prix Nobel de littérature. Cet écrit constitue un véritable art poétique de l'écrivain pour celui qui ne s'est jamais livré à l'exercice d'écrire un ouvrage critique théorisant son esthétique. Parmi les grands thèmes qui offrent des clés de compréhension à l'univers modianesque, on retiendra :
- L'angle génétique, abordé par le prisme de la parole claire de l'écrivain obtenue au prix de nombreuses ratures invisibles pour le lecteur ;
- La revanche de l'enfant condamné au silence, par la conquête du statut d'écrivain une fois adulte ;
- La dépossession de son oeuvre lors de la publication, rejoignant la description qu'en fait Du Bellay dans "À son livre" ;
- Le statut de témoin d'un temps qu'il n'a pas vécu (la seconde guerre mondiale). La menace qui rôdait sur les contemporains dans cette ville "sans regard" où planait les non-dits et le flou. Le silence qui entoure cette époque désormais ;
- L'accélération du monde contemporain, que la forme littéraire fragmentaire et saccadé retranscrit ;
- La vocation de l'écrivain à entourer la vie courante d'un mystère lui donnant une certaine épaisseur ;
- L'écriture et la fiction comme salvatrice pour résoudre les mystères d'enfance ;
- Paris et "l'hommes des foules", comme figure anonyme qui reste plongée dans l'oubli ;
- Les supports topographiques et mémoriels qui ressuscitent le passé enfoui ;
- La vocation de l'écrivain à capter des fragments du passé, loin de la vision détaillée, unifiée et hypotyposique proustienne.

Les analogies faites avec d'autres disciplines sont éclairantes, à la manière du développement des photos, convoqué pour expliciter la relation qui se noue entre l'écrivain et le lecteur à travers le medium qu'est le roman.

Au-delà de l'apport critique que cet écrit plein d'intelligence constitue, il est très plaisant à lire, grâce à l'écriture sensible, vibrante et vaporeuse de Modiano.

Suicide
7.8

Suicide

Sortie : mars 2008 (France). Roman

livre de Édouard Levé

Marie_Vrgnl a mis 8/10.

Annotation :

Lecture achevée le 26 octobre. 16/20.

"Suicide" est l’ultime livre d’Edouard Levé, achevé quelques jours avant son propre suicide. Il s’ouvre sur l’épisode crépusculaire et inattendu d’un homme qui, au prétexte d’avoir oublié quelque chose alors qu’il se rendait au court de tennis avec sa compagne, retourne chez lui pour se loger une balle dans la tête.

S’ensuit un écrit atypique d’un homme qui s’adresse à son ami décédé, à mi-chemin entre l’oraison funèbre et la conversation fictionnelle intimiste.

Pseudo
7.3

Pseudo (1976)

Sortie : 1976 (France). Essai

livre de Romain Gary / Émile Ajar

Marie_Vrgnl a mis 4/10.

Annotation :

Lecture achevée le 29 octobre. 8/20.

Pseudo est l’œuvre d’un fou, pris entre une nébuleuse d’identités éparses. Le propos est aussi décousu qu'inintéressant.

Révolte dans les Asturies
6.1

Révolte dans les Asturies

Sortie : 1936 (France). Théâtre

livre de Jeanne-Paule Sicard et Albert Camus

Marie_Vrgnl a mis 6/10.

Annotation :

Lecture achevée le 30 octobre. 12/20.

« Et qui s’en souviendra ? », scandent les ultimes répliques de la pièce. C’est peut-être ironiquement la question que se pose tout lecteur lorsqu’il referme l’ouvrage.

Cette pièce est loin d’être inoubliable. Elle relate les événements révolutionnaires des ouvriers dans les Asturies, prémices de la guerre d’Espagne.

Sa principale originalité tient à la polyphonie qu’elle met en œuvre. Elle fait la part belle à la radio pour décrire les événements révolutionnaires se déroulant hors champ. Il s’agit d’une innovation théâtrale qui renouvelle le principe de la tragédie classique qui vise à faire relater par un personnage les épisodes sanglants devant se dérouler hors du plateau car ne répondant pas à cette la règle bienséance.

Nietzsche
7.5

Nietzsche (1925)

Sortie : avril 1993 (France). Biographie

livre de Stefan Zweig

Marie_Vrgnl a mis 7/10.

Annotation :

Lecture achevée le 31 octobre. 14,5/20.

L'Envers et l'Endroit
7.2

L'Envers et l'Endroit (1937)

Sortie : 1937 (France). Essai

livre de Albert Camus

Marie_Vrgnl a mis 10/10.

Annotation :

Relecture achevée le 2 novembre. 19,5/20.

Ce recueil de nouvelles écrit par Camus à 24 ans est un petit bijou. Il opère comme la matrice de son œuvre future, toujours en tension entre les deux pôles de l’existence que sont l’envers et l’endroit, autrement envisagés comme l’amour de vivre et le tragique du monde. Chaque nouvelle met en scène des personnages qui y font face. C’est en ce sens une philosophie incarnée, mise en image par ces personnages qui prennent toute leur envergure l’instant de quelques pages.

L’envers et l’endroit se transposent également stylistiquement, puisque Camus manie excellemment le pathos, qu’il associe à son envers, l’ironie, afin de désamorcer toute gravité excessive.

Enfin, une ultime mise en abyme de l’envers et l’endroit, plus secrète et plus subtile, est mise en œuvre à travers ce canvas invisible qui se dévoile en appendice avec le récit consacré à Louis Raingeard, récit qui imbrique les différentes nouvelles du recueil pour leur donner corps à travers une unique narration. S’y découvre une trame commune, où chaque nouvelle en est un fragment.

C’est absolument brillant. Et l’écriture, délicieuse, fait croire et s’attacher à ces personnages de fiction comme s’ils étaient des voisins.

Le Roman au XXe siècle

Le Roman au XXe siècle (1990)

Sortie : 1990 (France). Essai

livre de Jean-Yves Tadié

Marie_Vrgnl a mis 7/10.

Annotation :

Lecture achevée le 6 novembre. 15/20.

Jean-Yves Tadié propose avec cet ouvrage un panorama de l’histoire littéraire du XXe siècle, articulée autour de l'idée de "beauté convulsive" (André Breton). Elle doit s’envisager moins comme une base que comme un approfondissement, les auteurs niches évoqués destinant l’écrit à des lecteurs déjà connaisseurs.

Jean-Yves Tadié déploie des idées novatrices, agrémentées d’exemples fouillés. Cependant, on regrettera que cette histoire littéraire adopte une focale d’analyse restrictive : grand spécialiste de Proust, Tadié consacre une part importante de son ouvrage à l’auteur de La Recherche, tandis qu’un petit nombre d’auteurs polarisent les développements (Musil, Malraux, Dos Passos, notamment), laissant nombreux autres dans l’ombre la plus totale.
La structuration de l’ouvrage est classique mais efficace.

René Char, Le poème et l'histoire, 1930-1950

René Char, Le poème et l'histoire, 1930-1950

Sortie : 2006 (France). Essai

livre de Laure Michel

Marie_Vrgnl a mis 8/10.

Annotation :

Lecture achevée le 9 novembre. 16/20.

Il s'agit là de la version remaniée de Laure Michel, consacrée à l'étude du corpus poétique de Char dans une perspective historiciste. C'est un écrit brillant. Parce qu'il tisse des liens avec le contexte politique et social de l'époque, il a le mérite d'éclairer l'oeuvre si absconse et hermétique de Char. La dimension référentielle des poèmes s'éclaire alors, elle qui, face à la fonction poétique, était si enfouie.

Ce qui frappe à la lecture est la multiplicité des références convoquées. Si elles le sont toujours pertinemment, leur démultiplication à tous azimuts rend la lecture compliquée à tout lecteur qui ne maîtriserait pas l'oeuvre de Char sur le bout des doigts (autrement dit, je crois, à tout lecteur tout court).
La structuration chronologique de la thèse possède une facilité et une clarté appréciable. En revanche, cette méthode empêche parfois l'émergence d'une conceptualisation plus poussée des articulations, donnant l'impression de lire un grand continuum sans jointure.
Ce sont là des détails, qui n'entachent en rien l'estime qu'il convient de porter à cet ouvrage.

Les Larmes d'Éros
6.9

Les Larmes d'Éros (1961)

Sortie : 1961 (France). Essai, Culture & société

livre de Georges Bataille

Marie_Vrgnl a mis 5/10.

Annotation :

Lecture achevée le 12 novembre. 10,5/20.

Les Larmes d’Éros est l’ultime ouvrage écrit par Georges Bataille. Il y entreprend une brève histoire de l’érotisme, de la préhistoire à nos (ses) jours. L’idée qu’il y défend est celle que l’érotisme s’est constitué contre trois valeurs cardinales de la société que sont la mort, le travail, et la religion. Ces trois valeurs se comprennent comme une conscientisation par l’homme de sa condition (il est un être mortel, rationnel, et moral). Face à elles, l’érotisme s’envisage comme un jeu en ce qu’il envisage le plaisir immédiat et la volupté horrifique comme fin.

Comme bien souvent chez Georges Bataille, la thèse défendue est extrêmement puissante. Elle engage une composante anthropologique importante. De même, l’ouvrage procède à un enchevêtrement des couples classiques que sont Éros & Thanatos, et Dionysos & Apollon. Des croisements sont réalisés pour en complexifier les liens. Cependant, comme généralement pour les livres de philosophie, la lecture n’est pas des plus plaisantes.

La Postérité du soleil
8.2

La Postérité du soleil (1965)

Sortie : 20 novembre 2009 (France). Poésie

livre de Albert Camus et René Char

Marie_Vrgnl a mis 9/10.

Annotation :

Relecture achevée le 12 novembre. 18/20.

La Postérité du Soleil est une œuvre hybride à plus d’un titre. Elle est d’abord la rencontre féconde entre les deux arts que sont la littérature et la photographie. Chaque poème composé par Albert Camus est assorti d’une photographie en noir et blanc d’Henriette Grindat. Elle l’est ensuite car c’est un texte composé à quatre mains : les poèmes sont « l’enfant » commun de Camus – qui les rédigea peu de temps avant sa mort – et de Char – qui y apporta de nombreuses corrections, fondant les deux plumes dans une écriture commune. Enfin, elle l’est encore car elle représente pour Camus la tentation poétique de renouveler l’expression de la tension entre sens tragique de l’existence et bonheur de vivre.

Tous ces éléments en font un magnifique recueil, dont la richesse n’est pas épuisée par la première lecture. L’on pourrait parler à cet égard d’une circularité de l’herméneutique induite par la mise en regard des photographies et des poèmes : la photographie rend plus intelligible le texte, lequel enrichit la photo d’un récit.
La forme brève très charienne de ces poèmes rend particulièrement sensible le « Temps artiste, entre la mort et la beauté » évoqué par Char.

Certains aphorismes continueront à résonner à l’esprit après la lecture tels des maximes de vie.

Noces
7.7

Noces (1938)

Sortie : 1938 (France). Essai

livre de Albert Camus

Marie_Vrgnl a mis 8/10.

Annotation :

Relecture achevée le 13 novembre. 16/20.

Noces se composent de quatre nouvelles qui ancrent géographiquement l’accord de Camus avec le monde. Les deux premières sont les plus spectaculaires : « Noces à Tipasa » décrit le bonheur de l’étreinte amoureuse à laquelle Camus se livre dans cette mer allée avec le Soleil ; tandis que « La Mort à Djémila » en constitue le pendant antithétique, le vent lui faisant prendre conscience que tout n’est que vanité, l’épuisant de ses forces par sa virulence, et le faisant consentir à la mort. Les deux suivantes sont sensuellement moins intenses, mais déploient une poésie algéroise et florentienne plus subtile.

Ce sont de très beaux récits, hantés déjà par une conscience aiguë de la mort de la part de ce jeune auteur de 25 ans qui, déjà, se savait condamné. Le rapport au monde sensualiste dont l’exaltation se traduit par une demeure dans l’expression amène toutefois à classer cet écrit par les juvenilias de Camus.

La Folie du jour
7.9

La Folie du jour (1973)

Sortie : 2002 (France). Récit

livre de Maurice Blanchot

Marie_Vrgnl a mis 7/10.

Annotation :

Lecture achevée le 14 novembre. 14/20.

Un tout petit récit de Blanchot où l’auteur adopte une focale rétrospective sur sa vie, et se centrant sur l’événement fondateur que constitua la blessure par éclats de verre qu’il subit aux yeux. Son regard s’en trouvant changé, cet épisode eut pour lui la force d’une révélation, celle de l’ouvrir à la « folie du jour ».

Par son ton élégiaque dépourvu de mélancolie, le début du récit est d’une poésie délicieuse. La suite, consacrée à sa prise en charge médicale, est moins mémorable.

Chevreuse
6.9

Chevreuse (2021)

Sortie : 7 octobre 2021. Roman

livre de Patrick Modiano

Marie_Vrgnl a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Relecture achevée le 15 novembre. 17/20.

Chevreuse relate l'histoire de Jean Bosmans qui revient sur les traces de son passé. À la faveur de ce toponyme incident ("Chevreuse"), il se trouve replongé au coeur des intrigues obscures auxquelles il avait assistée enfant.
Deux fils narratifs s'entremêlent en miroir : d'une part, la quête introspective et anamnestique de Jean Bosmans, qui poursuit les personnages de son passé afin de recouvrir la mémoire ; d'autre part, la traque de Jean par ces mêmes personnages, puisqu'il le considère comme élément essentiel dans la quête de "l'île au trésor" financière qu'ils poursuivent.

Ce livre est un chef d'œuvre de construction et de complexité. En ce sens, il est peut-être la pièce maîtresse de l'œuvre modianienne. Les perspectives s'entrelacent et les indices se répondre de sorte qu'aucune lecture ne pourrait exhaustivement cerner l'ouvrage.

Chevreuse peut être rapproché essentiellement de la démarche de deux auteurs distincts : Proust, d'une part ; et Ernaux, de l'autre.
Proust, car c'est avant tout une recherche du temps perdu (de l'enfance perdue, plus exactement) à laquelle se livre Jean Bosmans. Mémoires volontaire et involontaire se répondent en chœur pour faire émerger les souvenirs d'un passé que l'on pensait révolu et à jamais perdu dans les méandres de l'oubli. Au sein de ce processus, la richesse du champ sémantique dévolu au mot "coeur" ("coeur net", "coup au coeur", "cœur de l'été", etc.) amène à rapprocher Chevreuse des intermittences du cœur proustiennes.
Ernaux, également, car il existe dans ce récit la croyance que la littérature permet de "sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais" (Ernaux, Les Années). L'écrivain y est présenté comme un archéologue qui, par sa vision palimpseste, réussit à rendre sensible "l'odeur du temps", et ranimer le passé.

Chevreuse ne contient peut-être pas la même émotion que d'autres livres de Modiano tels que Voyage de noces, ou Dans le café de la jeunesse perdue, mais qu'importe, c'est là avant tout une aventure intellectuelle que nous propose Modiano.

Thomas l'obscur
7.8

Thomas l'obscur (1950)

Sortie : 1950 (France). Roman

livre de Maurice Blanchot

Marie_Vrgnl a mis 8/10.

Annotation :

Lecture achevée le 20 novembre. 16/20.

Thomas l’Obscur raconte la confrontation du protagoniste et de sa bien-aimée Anne avec la Nuit. L’univers crée par Blanchot s’approche du fantastique de Maupassant, auquel se serait adjoint un mysticisme bataillien.
Flirtant avec les crêtes du néant et de l’absolu, de la vie et de la mort, l’écriture de Blanchot se situe « à l’extrémité fuyante de la poésie », selon l’expression que Sylvain Santi consacre au style de Bataille.

Noir - Histoire d'une couleur
7.9

Noir - Histoire d'une couleur (2008)

Sortie : octobre 2008. Beau livre & artbook, Culture & société, Essai

livre de Michel Pastoureau

Marie_Vrgnl a mis 7/10.

Annotation :

Lecture achevée le 23 novembre. 16/20.

Michel Pastoureau consacre cet ouvrage à l'histoire du noir, à travers les âges. Son préambule historiographique est précieux : il revient sur la nécessité pour l'historien de faire abstraction des croyances intériorisées propres à son siècle pour éviter de les calquer sur d'autres époques, et ne pas fausser ainsi son propos historique.

À la faveur d'une approche chronologique, Michel Pastoureau explore le rapport des différentes périodes au noir, avec une lunette polymorphe (morale, religieuse, artistique, scientifique). C'est intéressant, bien que le propos gagnerait peut-être à être condensé.

L'Anus solaire
7.9

L'Anus solaire (1931)

Suivi de Sacrifices

Sortie : 1931 (France). Poésie

livre de Georges Bataille

Marie_Vrgnl a mis 8/10.

Annotation :

Lecture achevée le 27 novembre. 17,5/20.

Avec L'Anus solaire, le jeune Bataille nous livre un écrit extraordinaire, peut-être le plus beau délire du XXe siècle.
Dans un mouvement dynamique constamment vacillant, toujours au bord de l'abîme et du non-sens, cet écrit utilise le Soleil comme modèle de compréhension du monde, et comme modèle littéraire.
Modèle de compréhension du monde, le Soleil l'est par le concept d'héliocentrisme : l'énergie qu'il dispense à la terre en fait le fondement de la vie.
Modèle littéraire, le Soleil l'est en raison de sa révolution, qui figure les déplacements de sens que Bataille opère par le recours à la parodie : le premier moteur aristotélicien, le changement perpétuel d'Héraclite, le concept platonicien d'image, la vanité chrétienne sont autant de références auxquelles Bataille confère un sens nouveau et parodique. L'auteur opère des déplacements de sens progressifs qui décentrent progressivement le discours, tout en maintenant une cohérence d'une phrase à l'autre permettant au raisonnement de rester intelligible. C'est peut-être là une mise en abyme de la place conférée au Soleil au XXe siècle : s'il n'a pas perdu sa transcendance, sa place se trouve toutefois décentrée.

Bien qu'il n'en soit jamais fait mention, cet écrit est le lieu où s'exprime le rire bataillien dans sa dimension absurde et, par-là, la plus exemplaire.

Ma mère
7

Ma mère (1966)

Sortie : 1966 (France). Roman

livre de Georges Bataille

Marie_Vrgnl a mis 8/10.

Annotation :

Lecture achevée le 27 novembre. 17,5/20.

Ma mère est de ces livres obscènes exemplaires du lien qui peut se tisser entre beauté et immoralité. Tout y est profondément dégoûtant, révulsant, et avilissant. Mais une telle grâce et un tel délice dans l’écriture soutiennent ce chaos qu’on ne peut s’empêcher d’y voir un chef-d’œuvre. On regrettera simplement que le livre ne fût pas (encore) plus court, le chapitre V étant superflu.

Madame Edwarda
7.3

Madame Edwarda (1941)

Sortie : 1941 (France). Roman

livre de Georges Bataille

Marie_Vrgnl a mis 8/10.

Annotation :

Lecture achevée le 28 novembre. 16/20.

Madame Edwarda est un petit récit de Bataille. Qu'il publia ce livre sous un pseudonyme afin qu'il ne fût accusé d'outrage aux bonnes mœurs en donne le ton : il pousse à son acmé le lien entre le plaisir et la mort, dans une convulsion paroxystique. Les écrits scandaleux ne sont pas mes favoris, mais il faut reconnaître que c'est une expérience littéraire intéressante que Bataille propose là, en proie avec l'atteinte des limites et leur dépassement constamment renouvelé.

La Sociologie sacrée du monde contemporain

La Sociologie sacrée du monde contemporain (1938)

Sortie : 1938 (France). Essai, Culture & société

livre de Georges Bataille

Marie_Vrgnl a mis 6/10.

Annotation :

Lecture achevée le 28 novembre. 13/20.

Le propos que développe Bataille est passionnant : il pousse implicitement l’arraisonnement heideggerien du monde à son paroxysme en l'appliquant à l'homme lui-même à travers le concept de travail. Il montre dans cette perspective comment l'homme contemporain s'est départi du tragique de son existence (qui est à entendre, à mon sens, comme une forme d'absurdité de la condition humaine) par le travail, qui lui surimpose un sens sans qu'il n'ait à en trouver un. Par le travail, le travailleur s'est ainsi "s’est mis à confondre son existence avec sa fonction, à prendre sa fonction pour son existence". Il en résulte un effondrement de la dimension métaphysique de l'homme.
En revanche, comme souvent chez Bataille, la plume métaphorique et les circonvolutions de la pensée rendent son exposé difficilement intelligible à la première lecture. On lui préférera l'introduction de Simonetta Falasca Zamponi qui, avec brio, le condense tout en l’éclaircissant.

L'Orage
6.9

L'Orage (2005)

Sortie : 2005 (France). Recueil de nouvelles

livre de Romain Gary / Émile Ajar

Marie_Vrgnl a mis 5/10.

Annotation :

Lecture achevée le 28 novembre. 10/20.

L'Orage est un recueil de nouvelles de Gary, assez peu enthousiasmant au demeurant. On retiendra principalement deux nouvelles :
- "À bout de souffle", pour sa superbe fin étonnante, qui fait écho à celle d'Au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable. La scène contient les plus belles phrases qui ont sans doute été écrites sur le thème de l'annuaire.
- Le Grec, pour ses passages sur la nage.

Marie_Vrgnl

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