Cover Kenji Mizoguchi - Commentaires

Kenji Mizoguchi - Commentaires

Kenji Mizoguchi est considéré par beaucoup d’historiens – dans un de ces consensus officiels un peu idiots comme il y en a tant – comme le plus grand cinéaste japonais de l’histoire avec Kurosawa, auquel on l’oppose artificiellement. En ce qui me concerne, j’apprécie son art délicat et raffiné, sa ...

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13 films

créee il y a presque 12 ans · modifiée il y a plus de 7 ans

L'Élégie de Naniwa
6.7

L'Élégie de Naniwa (1936)

Naniwa erejî

1 h 11 min. Sortie : 28 mai 1936 (Japon). Drame, Romance

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Entre la cruauté d’un trajet observé froidement jusque dans l’abîme et la complainte affligée de qui ne peut accompagner ses personnages sans verser une larme, le cinéaste s’approprie un équilibre de ton et de registre qu’il ne cessera de perfectionner par la suite. Il raconte comment une jeune standardiste devient la maîtresse de son patron afin d’aider financièrement son père et son frère puis, après voir essuyé l’ingratitude des siens, est amenée à se prostituer en s’enferrant dans une spirale infernale. Mais si, en dénonçant l’exploitation de l’héroïne par ses amants et sa famille, en désignant l’argent et le sexe comme les vecteurs d’une déchéance sans rémission, le film annonce certaines constantes thématiques de l’auteur, il reste moins tenu, poignant et accompli que les réussites à venir.

Contes des chrysanthèmes tardifs
7.5

Contes des chrysanthèmes tardifs (1939)

Zangiku Monogatari

2 h 22 min. Sortie : 13 octobre 1939 (Japon). Drame, Romance

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

C’est en quittant sa classe privilégiée, en cristallisant sur scène ses dons et sa nature et en s’en remettant aux conseils de la femme qui l’aime que le héros trouve ici son accomplissement. La métaphore autour de la dualité identitaire imposée par le métier d’acteur, celle également de la sensibilité artistique et humaine qui féminise, soulignent l’oppression que la société de caste et l’ingratitude masculine imposent aux femmes sacrificielles. La beauté souple des mouvements d’appareil, qui investissent les images et en font le prix, la conception des scènes en travellings coulissants et en plans-séquences définis par les rapports psychologiques et sociaux des personnages, la pudeur constante de l’expression mélodramatique imposent ce style délicat et retenu qui ne fera que s’épanouir ensuite.

La Vengeance des 47 rônins
7.4

La Vengeance des 47 rônins (1941)

Genroku chushingura

3 h 33 min. Sortie : 8 décembre 1941 (Japon). Drame, Historique

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 4/10.

Annotation :

Refusant l’effet spectaculaire, Mizoguchi impose un respect rigide de la dramaturgie théâtrale, exclut tout picaresque, tout combat héroïque, et ne filme qu’en plans fixes et panoramiques latéraux. En résulte un carcan hiératique bien difficile à digérer, une suite froide de dialogues clos autour d’obscures manœuvres politiques et d’atermoiements psychologiques nébuleux : on sent passer chacune des presque deux cent quarante minutes d’un (très, très) long-métrage qui, malgré le dispositif de distance, n’évacue pas sa part de propagande. Par ailleurs, et si je dois avouer qu’il me manque bien des clés pour appréhender le code d’honneur bushido, c’est peu dire que je me trouve en violente rupture avec un propos cherchant à rendre admirable la patiente organisation d’un meurtre vengeur.

Cinq femmes autour d'Utamaro
7

Cinq femmes autour d'Utamaro (1946)

Utamaro o Meguru Gonin No Onna

1 h 33 min. Sortie : 15 décembre 1946 (Japon). Drame

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Pas difficile de lire comme un autoportrait du réalisateur dans cette évocation d’un peintre d’estampes entièrement dévoué à son art, cherchant à magnifier la beauté des femmes, ne vivant que pour dessiner leurs corps et les aimer, ne s’embarrassant ni de morale ni de dévotion aux représentants du pouvoir, reproduisant la vie, et donc le réel, par l’épure de son style. Mais chez Mizoguchi la beauté est toujours liée à la mort, et la recherche artistique s’inscrit au sein de tragédies, d’excès, de déchéances inéluctables. Les courtisanes évoluant autour d’Utamaro sont entières et revendicatrices, jalouses et passionnées, elles ne se subordonnent qu’à leurs sentiments, fût-ce jusqu’au meurtre et au sacrifice : la savante galerie de leurs portraits entrelacés confère sa valeur à ce mélo feutré et minimaliste.

Miss Oyu
7.3

Miss Oyu (1951)

Oyû-sama

1 h 35 min. Sortie : 16 mars 2016 (France). Drame

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Si l’on doutait de la finesse et de la sensibilité allusives dont témoigne Mizoguchi pour parfaire ses mélodrames, celui-ci propose quelques arguments bien costauds. Fondée sur l’étude d’un étrange ménage à trois où l’amour se vit par procuration, dans la chasteté, il développe une tragédie en sourdine, faite de peines silencieuses et de pleurs réprimés, qui repose sur la féminisation graduelle d’un jeune homme en quête de mère aimante et peu attiré par une vierge douce. L’auteur y traite les questions du désir, de la frustration, du sacrifice surtout, et affine son art en soignant l’apparence de dessins composés au fusain où le sens de l’esquisse, la perspective déclinée dans un refus des courbes au profit d’arêtes coupantes et l’usage de fausses teintes révèlent les états d’âme des protagonistes.

La Vie d'Oharu, femme galante
7.9

La Vie d'Oharu, femme galante (1952)

Saikaku ichidai onna

2 h 18 min. Sortie : 3 février 1954 (France). Drame

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Mizoguchi se fait ici peintre et apologue de la femme, dont il chante avec un lyrisme retenu les souffrances et les humiliations au sein d’une société patriarcale décrite dans toutes ses strates. La destinée de son héroïne est retracée avec limpidité par le biais d’un flash-back, en de sinueux plan-séquences dessinant une douloureuse odyssée, une destinée intellectuelle dont chaque étape possède une dimension presque symbolique. À travers ses grandeurs et décadences, l’artiste développe les thèmes de la prostitution et de l’oppression sociale, de la lâcheté et de la cupidité, le long d’une trajectoire sans issue, celle d’une noble de haut rang transformée en marchandise sexuelle, exploitée dans un monde où elle a perdu sa place en enfreignant les lois de sa caste. Un beau film, à la fois ample et épuré.

Les Contes de la lune vague après la pluie
7.9

Les Contes de la lune vague après la pluie (1953)

Ugetsu monogatari

1 h 36 min. Sortie : 18 mars 1959 (France). Drame, Fantastique

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Deux couples traversent la guerre, y vivent de terribles expériences et y perdent leurs illusions. Mizoguchi nous entraîne cette fois aux lisières du fantastique, fait sourdre l’impalpable et travaille à la manière d’un alchimiste à la recherche du secret du monde. Avec un extrême raffinement, il conjugue l’art de la fresque et l’art de la fugue, le conte d’aventures et le poème élégiaque, la cruauté et la compassion, en un hymne superbe à l’amour fou, à l’unité panthéiste et au prix du sacrifice. Ses images oniriques et contrastées, la virtuosité de ses mouvements d’approche et de recul, la puissance expressive de son univers à la fois violent et fondamentalement contemplatif, en font une œuvre envoûtante – à l’image de la somptueuse traversée du lac, dans une brume irréelle.
Top 10 Année 1953 :
http://lc.cx/ZUzc

Les Musiciens de Gion
7.5

Les Musiciens de Gion (1953)

Gion bayashi

1 h 25 min. Sortie : 24 août 2016 (France). Drame

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Estampille de garantie contre toute surprise négative, les films de Mizoguchi se suivent et se ressemblent. Il y a une réelle continuité, presque une consanguinité entre ses fictions historiques et ses récits modernes, fragments d’un panorama humaniste désabusé de la société et de ses castes. En racontant avec une résignation sereine la lente et implacable soumission de deux geishas aux lois de la marchandisation et de l’argent, il file une métaphore de l’initiation, des rites de passage à l’âge adulte, présentés comme une aliénation de l’innocence au profit d’une apparence artificielle. Il dénonce ainsi la perte de l’identité individuelle, l’étouffement de la révolte par les diktats d’un métier qui relève de l’esclavagisme institutionnalisé. Le constat est dur, sa formulation constamment mesurée.

L'Intendant Sansho
8.1

L'Intendant Sansho (1954)

Sanshō dayū

1 h 59 min. Sortie : 5 octobre 1960 (France). Drame

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Le Japon paysan et féodal, évoqué avec une inspiration plastique et un sens de la composition qui laissent à chaque instant comblé d’admiration, est encore le cadre de cette histoire mélodramatique dont la dialectique atteint des sommets de pureté et de lyrisme méditatif. De son humanisme vibrant (les préceptes d’un père transmis à son fils), de sa poignante douleur (la complainte de la mère, pleurant la perte de ses enfants), de la douceur des sentiments (ceux liant un frère à sa sœur) s’opposant à la cruauté de son récit, de la poésie pure de ses images et de ses séquences (le suicide elliptique d’Anju), le film tire une puissance d’expression admirable, élevant la chronique de la souffrance des plus faibles en célébration de la vie, de la justice et du pardon, à l’image d’une séquence finale magnifique. Un très grand film.
Top 10 Année 1954 :
http://lc.cx/Zwkz

Les Amants crucifiés
7.9

Les Amants crucifiés (1954)

Chikamatsu monogatari

1 h 42 min. Sortie : 15 mai 1957 (France). Drame, Romance

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Sensiblement différent des autres opus par son champ thématique, le film cherche à produire l’identification émotionnelle en s’attachant à capter des flots d’amour dans les gestes et les regards des héros, leurs silences ourlés de soupirs tendres et d’ébauches de caresses. La technique fluide, la sens plastique de tous les instants, la composition de chaque plan comme un tableau, de chaque séquence comme une mélodie, confèrent à ce beau film sur le trouble impalpable du désir partagé une tonalité à la fois douce et cruelle, qui s’éloigne de toute révolte féroce pour ne laisser subsister que l’évidence de la beauté des sentiments. Mais si le cadre moral du monde ne peut la faire s’épanouir que dans la fuite et la mort, cette idylle ouvre aussi une foi en un monde qui dépasse l’échec immédiat.

L'Impératrice Yang Kwei-Fei
7.3

L'Impératrice Yang Kwei-Fei (1955)

Yōkihi

1 h 35 min. Sortie : 15 juin 1959 (France). Drame, Historique, Romance

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Pour ses premières couleurs Mizoguchi expérimente une musicalité de teintes évoquant l’aquarelle, et dissémine par l’ellipse des signes qui forment les motifs essentiels de la tapisserie (mousselines mordorées, costumes rutilants). La femme y est une nouvelle fois victime des conventions et des traditions de la société, quels que soient son rang et sa sincérité. Plus que jamais le cinéaste privilégie la douceur des relations du couple impérial pour atteindre au final des accents de tragédie aux allures d’opéra romantique. N’évacuant qu’en apparence sa part réaliste, le raffinement du style est inversement proportionnel à la tristesse du propos : le peuple s’oppose au pouvoir, la politique empêche les sentiments de s’épanouir, et ce sont les esprits et les fantômes seuls qui peuvent accéder au bonheur absolu.

Le Héros sacrilège
7.5

Le Héros sacrilège (1955)

Shin Heike Monogatari

1 h 50 min. Sortie : 21 septembre 1955 (Japon). Drame, Historique

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Les mêmes harmonies disloquées et chatoyantes, toutes en pastel ou en clair-obscur, tissent de leur réalisme altier cette nouvelle critique incisive du système féodal. Mizoguchi dépeint une société obnubilée par le pouvoir et célèbre l’apprentissage d’un homme qui refuse les obédiences de sa classe, rejette les images politiques exhibées par les palanquins sacrés, s’allie à l’ordre des marchands afin de combattre la corruption, le mensonge et l’oppression d’un ordre dépassé. La réflexion se développe à la faveur d’une structure complexe, d’une inversion des valeurs parentales (le père adoptif est intègre et généreux, la mère vile et cupide), et d’une quête d’identité qui voit le héros mettre son intransigeance au service d’une rigoureuse conception de la vertu et de la morale civique pour atteindre la vérité.

La Rue de la honte
7.8

La Rue de la honte (1956)

Akasen Chitai

1 h 27 min. Sortie : 13 mai 2015 (France). Drame

Film de Kenji Mizoguchi

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Nombreux sont les films à avoir dépeint le milieu de la prostitution, mais rares sont ceux témoignant de cette acuité, de cette précision, de ce refus de l’alibi compassionnel ou sentimentaliste. Incarnation d’un ordre dont la nécessité prend la forme impitoyable de la servitude, le bordel devient ici un lieu calme et monotone gouverné par les rites, l’emploi du temps, les situations. S’il n’accorde pas aux filles de joie la proposition concessive de la noblesse ou de la charité, Mizoguchi n’ôte rien à leur sort qui conjugue paradoxalement la misère et la grâce. Déployant le même art insaisissable que dans "O’Haru", la même tristesse longuement épanchée, la même révolte secrète, ce dernier chapitre de la condition féminine parvient ainsi à donner, sans discours, la spectacle d’une vérité humaine toujours à l’agonie.

Thaddeus

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