Cover Les sulfuro BD 2024
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81 BD

créée il y a 3 mois · modifiée il y a environ 1 mois
Lâche ! - Criminal, tome 1
7.5

Lâche ! - Criminal, tome 1 (2007)

Criminal Volume 1: Coward

Sortie : 9 mai 2007 (France).

Comics de Ed Brubaker et Sean Phillips

Annotation :

Lu tome 1 à 5.
Criminal – et peut-être Ed Brubaker et Sean Philips à travers l’ensemble de leurs œuvres – vient plus chercher l’efficacité que l’originalité. Ainsi l’amateur de noir polar made in USA XXème siècle finissant restera en territoire conquis et ne sera pas surpris des rencontres et aventures en ce simili-New York tout interlope soit-il. Le tome 3, « Mort en sursis » – très sympa au demeurant – s’impose comme l’exemple en béton de cette tendance, sans doute parce qu’il prend place dans les années 70, avec leur boxeur aux gros muscles et au grand cœur utilisé comme cogneur par la mafia (et qui lui brisera fatalement une jambe et sa carrière), le rescapé du Vietnam tarax, le jeune chef de gang froid, ambitieux et en pleine ascension, la fômme fôtôle…
Y a toutefois une vraie maîtrise du suspense et de la pression, maintenant le lecteur en haleine dans un environnement si fictionnellement connu, en particulier dans les 2 derniers tomes (« Une putain de nuit », « Pauvres pécheurs »). On appréciera aussi les zooms et annexes sur les aspects sociaux et existentiels, souvent traités par les polars, ici présents sans être omniprésents.

La Couleur des choses
7.5

La Couleur des choses (2020)

Der Farbe die Dinge

Sortie : 9 septembre 2022 (France).

BD (divers) de Martin Panchaud

Annotation :

BD qui repose essentiellement sur son aspect expérimental – Martin Panchaud avait déjà testé le concept de l’infographie sur son site avec une novellisation de Star Wars épisode 4 – La couleur des choses s’offre toutefois un scénario sombre et cynique lui permettant de multiplier les variations stylistiques, en les adaptant à des dialogues, des scènes de baston, des séquences oniriques, des interludes fusil-de-Tchékhovesques… Le système point-couleur donne un cachet aussi scientifique que ludique à l’ensemble, les personnages étant pris dans un jeu constant de réification et d’humanisation. Y aurait sans doute beaucoup de choses à faire avec ce style graphique.

Velvet (2013 - 2016)
7.5

Velvet (2013 - 2016) (2013)

Sortie : 23 octobre 2013 (France).

Comics de Ed Brubaker et Steve Epting

Annotation :

Petite variation sur le noir dont est habitué Ed Brubaker, on passe cette fois-ci dans le récit d’espionnage à la James Bond, avec plus de complots et moins de superméchants équipés de superarmes pour détruire le monde. Un peu comme Criminal, Velvet suit une route très balisée et ne prend pas trop de risques avec son sujet. Aussi l’ambiance noire obscure, la guerre froide et les réflexions ironiques sur la sophistication du monde de l’espionnage sont attendues. L’efficacité demeure, mais la série se prend les pieds dans son ultime tome en voulant forcer le rapprochement avec le contexte de l’époque – mettre en relation Templeton, perso principal, et Nixon, président of United States of America himself. Velvet fonctionne beaucoup sur ses accès d’invraisemblance (qui restent toutefois connus et maîtrisés du lecteur), mais là ça va trop loin.
Le plan du méchant, la méga traitrise impliquant un méga rebondissement, incarne complètement le programme des auteurs à propos de leur saga. Damian Lake fait pour le coup office d’ennemi à la 007 et Manning d’adversaire du grand-échiquier-qu’est-en-fait-le-monde. Tous les ingrédients sont là pour la grosse tambouille.

Un été cruel - Criminal, hors-série
8.2

Un été cruel - Criminal, hors-série (2021)

Cruel Summer

Sortie : 30 juin 2021 (France).

Comics de Ed Brubaker et Sean Phillips

Annotation :

Bien dans le ton de Criminal, notamment pour son attache dans la fin du XXème siècle niveau/ambiance (on est ici en 1988). Dans la postface, Ed Brubaker explique d’ailleurs que l’avantage de placer l’intrigue à cette époque révolue et de pouvoir mettre en place un braquage à l’ancienne, là où la finance est bien plus numérisée en post 2000.
La forme s’adapte au format plus volumineux qu’à l’accoutumée du bouquin, et on croise ainsi les histoires et les persos, avec pour centre de gravité le subtil et maniéré Teeg Lawless dont on raconte ici la fin.
Pas de dépaysement donc, flingue, névrose, misère of USA et fômme fôtôle se retrouvent à leurs emplacements attendus.

Remina
6.9

Remina (2020)

Sortie : 15 décembre 2020 (États-Unis).

Manga de Junji Itō

Annotation :

Du cosmique Junji Ito qui, malgré un premier chapitre qui trace vers l’intrigue, met du temps à démarrer niveau mise en scène et dégueulasseries haut de gamme. On aurait aimé plus de dessins autour de Remina qui bouffe des planètes. Heureusement on se rattrape dès le chapitre 2, tentacules, langue râpeuse et globuyeux au menu. Le côté « social » du livre, sur les mouvements de foule, est certes bien neuneu, mais permet d’aboutir à de grands morceaux de gloire Itesques, notamment la poursuite aérienne à travers la Terre entière propulsée par la langue de Remina. L’esthétique de la surface de la planète, peu explorée, est cela dit bien marquante. Et le final, désespéré, grandiloquent et bouffon comme il se doit, reste dans la tradition personnelle du monsieur.

Caelum Incognito - Bolchoi Arena, tome 1
7.3

Caelum Incognito - Bolchoi Arena, tome 1 (2018)

Sortie : 19 septembre 2018.

BD franco-belge de Boulet et Aseyn

Annotation :

Lu tome 1 à 3.
Très inspiré dans le dessin comme dans le rythme et le découpage par les rétro mangas à la Akira, Bolchoï Arena se place également sous le signe de Philip K. Dick, avec son doute permanent, distillé notamment par la mise en page, de ce qui tient du réel et du virtuel, et en quoi le virtuel peut rejoindre le réel (le coup du Bolchoï qui avait calculé sans erreur à quoi ressemblait la planète Tychée dans la vraie vie).
Résultat : derrière son rythme hyper haletant et globalement très bourrin, la BD propose une expérience assez originale, entre micro philosophie, aventure baston-détente et univers graphique bigarré, très référencé jeux vidéo (les avatars) et en même temps teinté de réalisme du futur, pas trop éloigné du monde d’aujourd’hui, ainsi que d’une science-fiction spatiale très sense of wonder (les indispensables cadrages écrasant des planètes)

Fondu au noir
7.6

Fondu au noir (2017)

The Fade Out

Sortie : 29 novembre 2017 (France).

Comics de Ed Brubaker et Sean Phillips

Annotation :

Les gros polars d’Ed Brubaker et de son pote Sean Phillips ont toujours une construction et une forme identifiables – la narration en focalisation interne, comme dans un roman noir classique, suivie presque à chaque case dans des cartons – et surtout déjà vus. Le Hollywood pourri de l’après-guerre n’est certainement pas un univers totalement inconnu du lecteur moyen. Mais ce respect obséquieux des codes du genre assure l’efficacité de la BD sous forme d’enquête sociale rassemblant les pièces éparses du puzzle les unes après les autres, et de manière suffisamment désordonnée pour susciter surprise, interrogation et doute. L’époque prend vie grâce à ses archétypes à la fois contextualisés (Maccarthysme, après-guerre…) et assez indépendants du cadre pour vivre leurs propres aventures, si bien que le scénariste communiste, le chef bourrin de la sécu, le réalisateur allemand ou la starlette couverte de sang et de paillettes prennent de l’épaisseur et s’échappent ainsi de la toile de fond.
Fondu au noir m’apparait ainsi comme une des meilleures brubakeries, car elle parvient à jongler avec tous ces éléments tout en donnant un angle documentaire-pamphlétaire pas con – et adéquat avec le style du noir.

Les Amateurs
7.4

Les Amateurs (2011)

The Making Of

Sortie : 9 novembre 2011 (France).

BD de Brecht Evens

Annotation :

La recette de Panthère est déjà là : des couleurs pétantes, caractérisées, qui prennent l’ascendant sur le dessin et la lumière, un ton faussement album jeunesse (le perso principal à visage de chat) quoique bien moins appuyé, et un gros malaise planqué derrière cette ambiance d’apparence joviale et bon enfant. Cela dit, l’ambivalence vient contrebalancer ce mal-être larvé en portant un regard parfois froid et distancé, parfois plein d’amour (l’épilogue) sur le petit monde des artistes amateurs, tous fauchés et globalement tarés. Piterjan, anti-héros du récit, illustre le tout avec des dialogues très conciliants, gorgés d’optimisme, où il est difficile de percevoir où s’arrête la sincérité pour céder la place à l’hypocrisie, et un caractère égoïste, souvent pédant (ses manœuvres pour abandonner sa femme, son attention associée à son absence de considération pour Valentijn…) Ce jeu de reflets déformants entre ce qu’on veut qui soit et ce qui est réellement, entre l’apparence et la vérité souvent plus noire, mais qui vient parfois paradoxalement renforcée l’apparence, semble être à la barre – du moins dans les deux BD lues jusqu’à maintenant – de l’art de Brecht Evens.

5 est le numéro parfait
7.2

5 est le numéro parfait (2002)

Sortie : novembre 2002 (France).

BD (divers) de Igor Tuveri (Igort)

Annotation :

Je crois que ce que j’aime surtout dans le polar, ce sont les grandes fresques sociales dans lesquelles viennent se perdre les péripéties des détectives, criminels et mafieux, quand l’affaire à résoudre et le mystère du « qui qui qu’a tué » passent au second plan au profit d’une peinture contextuelle d’une époque ou d’un milieu.
Malgré son ancrage dans le Naples des années 70, Cinq est le numéro parfait reste rivé à son intrigue et à son cadre narratif – le retour des vieux flingueurs dans le business au nom d’une sombre histoire de vengeance. Sans doute cela manque-t-il d’explications, de plans d’ensemble et d’interventions de narrateurs extérieurs pour donner un paysage détaillé della città del Sud. L’intérêt se trouve bien plus dans le dessin, souvent minimaliste, aux couleurs toute en blanc et bleu, sobre et mesuré, et dans la mise en scène, elle aussi en retenu. Malgré cela je trouve que ces histoires de mofiosi mafiosant ne parviennent pas à se sublimer dans une dimension plus vaste.

Le bleu est une couleur chaude
7.4

Le bleu est une couleur chaude (2010)

Sortie : 1 avril 2010 (France).

Roman graphique de Jul' Maroh

Annotation :

Comme cela a souvent été noté par les critiques, Le bleu est une couleur chaude se présente plus comme une histoire d’amour somme toute classique – passion, séduction, trahison – que comme un pamphlet militant. La grande force de la BD réside peut-être là, d’habiller avec des formes hypers convenues un propos non-conventionnel du point de vue des mœurs. La découverte de sa condition lesbienne se glisse aisément dans une découverte générale de sa sexualité, à l’âge charnier de l’adolescence. La faiblesse de tout ça est que le récit propose finalement très peu de surprises, la faute à mon avis à un refus de plus en plus visible au fil des pages de traiter la question gay sous un angle plus ouvert et multiple, social, économique et/ou culturel.
Un truc bouffon cela dit : la scène de découverte par les parents de la sexualité de leur fille. Depuis quand, qu’on soit homo ou pas, on va chercher une brique de lait à poil à minuit 30 dans la cuisine de la famille de sa copine ?

Forgotten Blade
6.2

Forgotten Blade (2022)

Sortie : 10 mars 2023 (France).

Comics de Tze Chun et Toni Fejzula

Annotation :

Il y a une tendance maintenant assez repérable dans le comics pour un dessin aux couleurs pétantes et saturées, à l’aquarelle ou simili aquarelle, submergeant le trait d’encre dans une lumière aux éclats variables, misant à fond sur la profondeur, le monumental, le flashy illuminant et brouillant la perception. Dustin Nguyen ou Sean Murphy incarnent ce mouvement notamment. Il faudra donc ajouter Toni Fejzula qui pousse la formule jusqu’à la turbo folix dans Forgotten Blade, envahi par le rouge, l’orange, le brun… où les couleurs plus froides, vert et bleu surtout, arrachent la rétine d’autant plus qu’elles apparaissent étrangères à cet univers graphique. Le résultat est un monde qui parait complètement, totalement autre, à la limite de l’inhabitable, où campent donc avec justesse des architectures impossibles, tout sauf ergonomiques, parfois géantes, parfois bordéliques, souvent les deux.
Aucun souci alors à narrer là-dedans une histoire à la Conan le barbare, faite de héros guerrier taciturne, de tyrannie et surtout de sang et de monstro-magie, avec une bonne cuiller de désespoir confinant parfois au métaphysique pour agrémenter.

Sous le signe du Capricorne - Corto Maltese, tome 2
8

Sous le signe du Capricorne - Corto Maltese, tome 2 (1970)

Suite Caribeana

Sortie : octobre 1971 (France).

BD (divers) de Hugo Pratt

Annotation :

Le charme des Corto Malteseries – l’aventure et l’action oui, mais tranquille, sans quête ni devoir, qu’on peut abandonner en cours de route – resurgit d’autant plus sous les chauds tropiques du Capricorne, Amérique du Sud ou Caraïbes (pas toujours facile à définir). L’expérience de lecture en devient assez originale. On se laisse porter paresseusement par ces ballades maritimes ou insulaires, si possible réchauffé par un petit rayon de soleil pointant derrière la fenêtre, en se demandant à peine si les péripéties lancinantes et aléatoires de Corto et la team vont aboutir ailleurs que nulle part.

Batman: Curse of the White Knight
7.7

Batman: Curse of the White Knight (2019)

Sortie : 2 octobre 2020 (France).

Comics de Sean Murphy

Annotation :

Un peu la même impression qu’à la sortie de White Knight. OK, c’est cool de renverser la Batworld jusqu’au déracinement, de jouer à fond sur l’hétérogénéité des personnages bien moins monolithiques que d’habitude (pour ce qui est du Joker / Jack Napier et d’Harley Queen du moins), de ressortir un Batman crépusculaire en fin de règne, mis devant ses propres limites, sa propre ambivalence… mais le traitement du tout ne me convainc pas des masses. Les mises à mort (Gordon, quasi tous les méga-méchants) ont quelque chose de gratuites et vite fait, moins perçues comme un élément d’évolution du récit que d’une manière d’effacer tel ou tel perso afin qu’il ne nous emmerde plus, parce qu’on ne sait pas trop quoi faire de lui. La malédiction ancestrale de Gotham, avec ses chevaliers, ses traîtres de capes et d’épées et son joker vampire, ravive un côté série B, certes inhérent au Batverse, mais qui menace toujours de faire basculer celui-ci dans la lourdeur.
Restent le dessin de Sean Murphy, à la fois sombre et léger, très forts pour les mises en scène, faisant la part belle aux couleurs veloutées et aux ombres chatoyantes.

Parasite
7.9

Parasite (1989)

Kiseijū

Sortie : 26 novembre 2002 (France).

Manga de Hitoshi Iwaaki

Annotation :

Venu, j’avoue, avec déjà en tête des comparaisons avec Junji Ito. Bien que les bleurgo monstres soient présents, Hitashi Iwaaki ne propose pas de sglurgo étalage comme son collègue pour s’en tenir à une horreur certes organique mais plus conventionnelle, grotesque mais dans une certaine limite, plus centrée sur le gore et des règles de mutations et de déformations correctement définies. Une fois qu’on a vu un parasite, on enregistre leurs formes et leurs singularités, ce qui fait qu’on est plus tellement surpris par ça par la suite.
Parasite se veut plus intellectuel, en se fixant sur un état de paranoïa en expansion, mettant chaque nouveau personnage rencontré dans le doute, sur sa nature et sur sa manière de réagir face à un parasite. Les tronches froides, souvent passives, aux traits manga 90, viennent renforcer cet aspect. Cette dimension réflexomax de la saga est globalement bien menée, axée sur des personnages clefs, dont le couple Sinishi-Migi, protagonistes de leur état, mais peut-être surtout sur Reiko Tamura, le parasite scientifique, intrigué par les origines et les évolutions de son espèce et de l’humanité. Dommage d’ailleurs de le dégager finalement assez vite, aux trois quarts environ de l’intrigue.
L’évolution de Shinishi, en tant qu’adolescent et que porteur de Migi, compose l’autre rang de vertèbres du manga, et avance un peu comme un shonen classique : héros teubé, acquisition de toujours plus de pouvoirs et de puissances, allégeance à un but qui semble juste.

La Princesse du Château sans fin
7.3

La Princesse du Château sans fin (2020)

Mugen no Shiro no Princess

Sortie : 25 février 2022 (France).

Manga de Shintarō Kago

Annotation :

Outre qu’un max de drogues est requis pour le lire correctement, La princesse du château sans fin propose une variation originale, zarbi + et conceptuelle (chaque réalité dans sa tour) sur le thème de l’histoire et de toutes ses possibilités, comme une succession d’assassinats d’acteurs politiques, seigneurs et intrigants, ouvrant à un changement de paradigmes relativement peu conséquent, le cycle de la violence et des crimes de pouvoirs se bouclant à l’infini. Concrètement, on se retrouve ainsi avec un manga sec, cru, ouvert sur le désespoir et l’abîme (le monde s’effondre sans trop de pressions). Les circonstances économiques (famine dans un château, pas dans l’autre) et technologiques (développement des fusils dans un château, pas dans l’autre), minorées dans cet univers, sont pourtant bien celles qui vont entraîner les mutations qui précipiteront la FIN DU MONDE.
A classer parmi les œuvres absurdes, grotesques, mais aussi très ordonnées, avec leurs règles internes strictes et rigides, provoquant les conneries et les glorgueries avec logique. Les doubles têtes viennent ainsi trouver leur justification dans ces lois.

Clear
5.9

Clear (2023)

Clear

Sortie : 29 mars 2023 (France).

Comics de Scott Snyder et Francis Manapul

Annotation :

Un polar techno S-F (comme Blade Runner, et comme Neuromencien ? à vérifier), rempli d’enquêtes, de meurtres et tout mais avec un grand renfort de turbo technologies du futur qui viennent parfois briguer le centre des investigations. Si on reste dans la BD, on trouvera surtout des parallèles avec Tokyo Ghost pour le brocardage sur le numérique et sa virtualité, dans une dimension cela dit plus soft, sans outrance.
La grosse référence demeure certainement Matrix et tout son vrai monde horrible caché sous les simulations. Là-dessus, les filtres, la colonne vertébrale narrative du comics et qui semble d’ailleurs le point de départ de son écriture, proposent une alternance sympa entre les thèmes, les couleurs, les genres… même si les auteurs les ressortent un peu systématiquement pour les scènes d’action. Dans le même registre, les robots finalement humains dans le true world matrixise le sujet.
Polar polarisant, les stéréotypes du genre – gentil privé à la mâchoire carrée, méchant riche, blond et prétentieux - ne nous seront pas épargnés, du même qu’un abus de twists, avec des persos morts finalement pas morts mais qui meurent quand même.

Bayou Bastardise, L'intégrale
6

Bayou Bastardise, L'intégrale (2023)

Sortie : 6 octobre 2023.

BD franco-belge de Armand Brard et Romain Maufront (Neyef)

Annotation :

Du Label 619 un peu comme on se l’imagine et se le représente avant d’ouvrir le livre, trash, flashy et aux prises avec une misère pittoresque en grandes pompes. Les codes du southern gothic sont respectés, et les marais sombres et mystérieux côtoient la civilisation techniciste, le vaudou onirique à toutes les sauces le rêve américain meurtri et les white/black trash la version cheap du Ku Klux Klan. De la drogue et de la criminalité aussi, parce que Label 619.
On notera un travail marrant sur la langue, passant par une tentative de reproduire un idiome non francophone, mais en même temps chargé en formes françaises, au croisement de plusieurs traditions. Cette conception plurielle de la culture est d’ailleurs le grand angle d’attaque de la BD, assemblant un bayou mosaïque, bigarré et indéfinissable, à la fois sud des États-Unis et nord des Caraïbes.
Au dessin, Neyef modifie son approche par rapport à Hoka hey ! Les vastes paysages dégagés cèdent la place aux persos cartoon ambiance dessin animé.

Primordial
6.7

Primordial (2021)

Sortie : 28 octobre 2022 (France).

Comics de Jeff Lemire et Andrea Sorrentino

Annotation :

Rien à redire sur le dessin de Sorrentino, son trait arrondi ou très photo flouée selon les circonstances, ses morceaux de cases perdus comme autant de traces et de réminiscences le long des pages, le mélange entre abstrait et figuratif… Tout ce qui a fait le nom de cet auteur.
Au scénario, Lemire s’en sort avec une intrigue sympa mais un peu facile. C’est la guerre froide, et c’est donc le bon moment pour déchaîner espions, agents doubles et KGB. OK pour la peinture du grand mal originel de la vie et du monde qui semble être le thème des thèmes et pour Lemire et pour Sorrentino, mais on aboutit à cette conclusion de façon bien cahotante et un peu forcée, parfois sentimentaliste pour pas lourd (« Mais professeur, ce n’est qu’un chien. » « NON, C’EST MA FILLE ! »). On aura en outre peu d’éléments à propos de la conquête spatiale, pourtant sujet martelé dès la couverture. Le comics se permet d’ailleurs des friandises, comme une uchronie où l’URSS sort victorieuse en Europe.
L’atmosphère est sinon très 2001, l’odyssée de l’espace, pleine d’entités inconnues à formes schématiques.

Do A Powerbomb!
7.8

Do A Powerbomb! (2022)

Sortie : 9 juin 2023 (France).

Comics de Daniel Warren Johnson

Annotation :

Y a pas mal de BD sur le catch quand on y réfléchit, entre Mutafukaz, André le géant ou encore un chapitre de Hellboy. Faut dire que l’esthétique du sport-spectacle a l’air de pas mal stimuler l’imagination des bédéastes, au dessin comme à l’écriture. En témoigne Do a power bomb !, doté d’un trait ultra dynamique, vraiment agréable à suivre dans son mouvement et dans sa saisi des gueules roublardes et braillardes, ainsi que d’un scénario tout en outrance sans être vulgaire, ouvert sur une diégèse bariolée, pleine de sous intrigues teubées faussement épiques et de coups d’éclat gratuits.
Complément inaliénable de cet univers ou ajout de l’auteur, on sent toutefois un peu la BD portée sur le rétro et le référencement du passé. L’atmosphère très kitscho-épique renvoie dans son agencement à un espace-temps très 90-2000. D’ailleurs le catch s’est périmé maintenant non ? Renvoyé à l’état de divertissement télé, dépassé par le MMA et les nouveaux théâtres grandiloquents du numérique ? Mine de rien, on retrouve logé au creux du comics un drôle de parfum in memoriam, comme une retranscription du fun d’antan.

Le Baron
7.1

Le Baron (2020)

Sortie : 28 octobre 2020.

BD franco-belge de Jean-Luc Masbou

Annotation :

Tout en restant dans la lignée du trait De Capes et de Crocs, le dessin de Jean-Luc Masbou, vif, coloré et doucement caricatural, vient parfaitement coller à un univers merveilleux de contes, planté dans une nature dégagée, presque primitive et inviolée (les vastes forêts d’Allemagne) et peuplés des archétypes de référence : le capitaine d’infanterie étourdi, le garde-chasse bonne pâte, le colporteur jeune et curieux… On comprend sans trop de difficultés la lecture proposée de l’ambiance et des aventures estampillées « baron de Munchhausen ».
Jean-Luc Masbou se prête alors dans ce contexte à une biographie fictive et ouvertement incomplète du baron, dans laquelle on interroge la place de ses histoires et inventions : quelle place prennent-elles dans sa vie ? En sont-elles le prolongement ? En seront-elles le souvenir et la postérité ? Assez sagement, une problématique est ainsi posée dès la première page. Comment un menteur absolu peut-il recréer sa propre histoire ? Toute la bédoche peut se lire à cette lumière, surtout peut-être les saynètes dessinées de façon pittoresque (théâtre de marionnettes, gravure stylisée, ambiance russe…)

Sunny
8.3

Sunny (2010)

Sanī

Sortie : 21 novembre 2014 (France).

Manga de Taiyō Matsumoto

Annotation :

Sans ligne directrice, Sunny charrie un peu moins d’une cinquantaine de nouvelles lâchement reliées les unes aux autres par le microcosme du foyer, ses personnages, ses règles et son contexte. On se laisse ainsi porter d’une minipéripétie à l’autre, uniformément diluée dans une ambiance enfantine torturée, mi-heureuse, mi-douce-amère. Le dessin, par plusieurs aspects dans les canons du manga, infuse toutefois cette atmosphère par des traits proches de l’album pour enfant, surtout quand il s’agit de figurer les visages, aux bouches crachotantes en harmonica.
Haruo, l’ange victime en quête d’attention derrière le masque de brutasse, a tendance à tirer toute la couverture à lui, de nombreuses saynètes le mettant, directement ou indirectement, en scène. On finit cela dit par s’attacher à tous les personnages, d’Adachi l’éducateur gentil flic à Kiiko la râleuse de soixante ans cinquante ans en avance. Et on vient taper dans les 6 tomes de la série par petits bouts, ne la suivant certes pas comme une intrigue pleine de rebondissements et d’aventures, mais heureux d’y retrouver ses résidents.
Une analogie avec Bonne nuit Punpun s’impose, même si le manga de Taiyou Matsumoto s’affirme bien plus à travers sa pudeur et son grand calme, acceptant et digérant toutes colères.

Goodnight Paradise
7.3

Goodnight Paradise (2018)

Sortie : 21 avril 2021 (France).

Comics de Joshua Dysart et Alberto Ponticelli

Annotation :

Le duo d’auteurs se lance sur un thème à la fois hors-piste et très USA, à savoir les déclassés du rêve américain, errant judicieusement et ironiquement à Venice Beach, cœur du Los Angeles à paillette. Le thème, ancien, a déjà été étudié, si je ne dis pas de bêtise, par James Ellroy, et par les membres de la Beat et consorts.
Goodnight Paradise offre une approche somme toute classique, dans les cadres du noir et du polar. Son parti pris original va se déployer plutôt dans son protagoniste SDF, paumé et plus ou moins psychotique, peu concerné (par abandon ? par oubli ? par évitement ?) par son fils venu lui rendre visite, mais s’insérant toutefois dans un réseau de marginaux créant une forme de société parallèle, avec son altruisme, ses règles et ses crimes. Le dessin chercherait-il à retransmettre tout ça dans un crayonné volontairement brouillon par instant, notamment quand il s’agit de représenter des gueules en vrac ? Possiblement, bien qu’il me semble un peu vide et sans caractère par moment.

Fire Punch
7.3

Fire Punch (2016)

Faiapanchi

Sortie : 21 juin 2017 (France).

Manga de Tatsuki Fujimoto

Annotation :

Après avoir compulsé Adieu Eri, poursuite de l’analyse du finoumène Tatsuki Fujimoto avec l’œuvre qui l’a fait connaître à l’international.
Avec le recul des 8 tomes, Fire Punch semble miser sur un syncrétisme des genres, bien qu’une dominante sombre et désespérée se fait largement sentir, surtout à la fin. La saga commence quoi qu’il en soit par une avalanche de tabous déboutés (apocalypse, cannibalisme, consanguinité) traités avec un mélange de sérieux et de burlesque. Dans le même registre, on entre en turbo vitesse dans le manga baston epic malade avec l’introduction de l’élément très perturbateur : l’incinération du héros, dont les chairs se reconstituent instantanément après avoir été consommées. Le voilà donc condamné à brûler pour l’éternité ! Ou du moins après avoir dompté la douleur en dix ans d’entraînement !
L’équation tragédie et manga aventure boum boum vient en outre accueillir un bon lot d’humour, parfois beauf (le guerrier en slip), souvent plus sophistiqué, à travers les nombreuses références et le personnage de Togata, rêvant de réaliser un film sur Agni. J’ai d’ailleurs trouvé ce traitement du méta assez malin, débarquant un peu de nulle part à la fin du tome 1, jouant sa partition sur plusieurs chapitres en imposant une narration certes déjà vue mais efficace dans cette perspective, puis se retirant subitement, avec le retrait puis la mort de Togata.
Cette alternance des tons et des genres permet à la BD de ne jamais manquer de souffle et de toujours pouvoir s’offrir un renouvellement. Cela dit, le rythme appuyé que s’impose la série fait toujours envisager la panne d’inspiration, et on arrive au bout du tome 8 en se disant qu’il ne fallait qu’un chapitre de plus pour arriver à saturation.

Alors, tout tombe : Première partie - Blacksad, tome 6
7.4

Alors, tout tombe : Première partie - Blacksad, tome 6 (2021)

Sortie : 1 octobre 2021.

BD franco-belge de Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido

Annotation :

Lu dans la foulée le tome 2.
Pour la première fois, la saga s’essaie au diptyque, ce qui implique un autre traitement en matière de rythme. Les auteurs misent pour ça sur un usage du suspense plus étiré, avec des cases fatales mais sans dénouement, judicieusement placées à la fin des pages ou du premier tome. De façon inédite, on fait également référence au Blacksadverse en convoquant des personnages secondaires apparus dans d’autres enquêtes.
Toujours rien à reprocher au dessin. Les animaux anthropomorphiques tirés d’un Disney de roman noir s’imposent encore comme le gros apport saveur de la saga. Le scénar, reposant sur un imbroglio de corruptions municipales, syndicales et mafieuses, demeure aussi bien dans la forme que dans le fond dans la lignée de ses précurseurs.

Buzzelli - Oeuvres 1
8.2

Buzzelli - Oeuvres 1 (2018)

Sortie : janvier 2018 (France).

BD (divers) de Guido Buzzelli

Annotation :

Lu ce coup-ci "Annalisa et le diable" et "L'interview"
Deux œuvres du Buzzelli qui agitent de grosses réflexions sur le geste de l’auteur et sur l’autorité qu’il détient sur ses créations. En quoi celles-ci se détachent du pouvoir de l’artiste, par l’appropriation qu’en fait le public, par les inspirations et les modèles dont elles sont issues, ou tout simplement par leur liberté vis-à-vis de la personnalité même de l’auteur, qui peut les avoir créé dans un authentique élan d’« enthousiasme », exalté par une idée créatrice le dépassant complétement ? Quoi qu’il en soit, chez Buzzelli, l’artiste semble n’avoir quasiment aucune prise sur ses créatures, tant celles-ci sont promptes à l’insulter/l’assassiner/le déchirer.
Toujours sinon ce gros malaise de l’Italie des années 70, faussement sereine et innocente, en proie à une inquiétude grandissante s’infiltrant par le biais d’un onirisme cynique et cauchemardesque.

L'Amour et la Mort
7.5

L'Amour et la Mort (1998)

Shibito no Koiwazurai

Sortie : 1 février 2023 (France).

Manga de Junji Itō

Annotation :

Du Junji Ito tout ce qu’il y a de plus Junji Ito, en cela dit plus lent et plus posé au démarrage. On garde les dégueumonstres, qui figurent ici sous les traits de revenants baveux et énucléés, en réserve sur de nombreuses pages avant de les lâcher en horde sur le dernier tiers. On a également droit à une fin pas totalement désespérée et pessimiste, ce qui s’avère suffisamment rare pour être signalé.
Très Junji Itesque aussi la contamination de la ville en forme de lente démence de plus en plus pouacre. Le jeu du « racontez-moi-mon-avenir » se répand à un point où un guilcho se cache derrière un journal, un livre ou un cartable à chaque coin de rue.
Les autres récits, mettant notamment en scène la famille bizarroïde de tarax, les Hikizuri, sont un peu plus détentes, tout en conservant l’ambiance horreur obligée.

Saint-Elme
7.8

Saint-Elme (2021)

Sortie : octobre 2021.

BD franco-belge de Serge Lehman et Frederik Peeters

Annotation :

New thriller version BD franco-belge, avec une couche, finalement assez légère ici, de fantastique et de science-fiction, narré sous la forme d’une fresque convoquant un paquet de personnages, en règle générale perchés (les faux frères détectives privés Sangaré, le Derviche tarax, le mystérieux hôtelier - ancien militaire – montagnard…), sans qu’aucun d’entre eux ne devienne le « principal ». Cet esprit polar mosaïque du turfu est partagé dans les grandes lignes par Le Dernier Atlas.
Gros big up là-dessus pour les couleurs, complétant voire envahissant le dessin. Elles viennent donner un supplément d’âme aux enquêtes de rue, aux foules tumultueuses… et sont les premières à la manœuvre pour planter le paysage aux villes science-fictives, aux montagnes fantastiques et aux grottes radioactives.
Deux réserves toutefois : 1) le tome 5, l’ultimo, remplit un peu trop bien son rôle de dernier tome --) on flingue un peu en vrac tout un tas de persos si possible secondaires et/ou méchants, histoire de très vite arriver pour tout le monde à une conclusion à peu près satisfaisante. 2) Quelques facilités de scénario un peu lourdes, le bon personnage passant au bon moment dans le bon couloir entendant la seule et unique conversation qui permettra de faire progresser l’intrigue.
De façon peut-être paradoxale, je ne vois pas du tout Saint-Elme en série, tant la saga s’appuie sur un appareillage de médium BD.

Chumbo
7.6

Chumbo (2023)

Sortie : 30 août 2023.

Roman graphique de Matthias Lehmann

Annotation :

Si Chumbo prend la forme d’une fresque familiale, avec ses déchirements et ses drames tressés au fil de l’actualité qu’elle traverse, la BD prend à plusieurs reprises ses distances avec les infos contextuelles qu’elle distille, ne basculant jamais, sans doute pour des raisons de narration ou tout simplement de projet artistique, dans le documentaire. Là-dessus, le dessin encré, assez journalistique, régulièrement compartimenté dans des petites cases, mène sur une fausse piste. Certes, le lecteur prendra le pouls des tensions politiques, des différents cadres dans lequel s’imbrique le Brésil de la seconde moitié du XXème siècle… mais il restera rivé sur les faits et gestes de Wallace, leurs petites grandeurs et leur longue décadence (car tout cela n’est pas d’une gaîté hyperbolique).
Dans ce registre, tout empeste le capiteux pessimisme dans un parfum de désaveu pour la société brésilienne. Le père Wallace est un con, tout comme son fils cadet, l’aîné un boulet, quoi que bonne patte, les filles suivent et se conforment à la situation du moment… Chaque chapitre fait danser sa suite de lâches, de sycophantes et de profiteurs, dans un arrière-plan où règnent instabilité, violence et pauvreté.

Beta... Civilisations volume II - Alpha Beta Gamma, tome 3
7.7

Beta... Civilisations volume II - Alpha Beta Gamma, tome 3 (2022)

Sortie : 31 août 2022 (France).

BD (divers) de Jens Harder

Annotation :

Toujours très client du projet, d’autant plus qu’il prend ici une dimension mathémarrante : 2 000 ans d’histoire en 2 000 images.
Jans Harder fait des choix pour remplir ses représentations et il l’assume en postface. Passé le Moyen Âge, on est ainsi beaucoup en Europe et aux Etats-Unis. Certains événements (seconde guerre mondiale…) prennent une place conséquente par rapport à leur longévité. Plusieurs aires sociales et culturelles ne sont éclairées que sous un angle d’approche. Ces limites sont cependant intégrées au programme, car la série des Alpha…, Bêta…, c’est avant tout la proportion d’un auteur, dans le cadre de son environnement intellectuel, à se représenter et à raconter une œuvre trop biggest pour lui, à savoir l’HISTOIRE DU MONDE.
Pour autant, et comme c’était déjà le cas dans une moindre mesure pour les tomes précédents, je trouve les textes souvent trop longs, voire même en trop, orientant trop la lecture des images, ayant recours de plus à des analyses de surface stéréotypées. L’œuvre aurait gagné, je pense, à ne parfois disposer que quelques mots clefs, voire pas de mots du tout.

Les experts en tout
6.6

Les experts en tout (2015)

Les Experts (en tout)

Sortie : 21 janvier 2015 (France).

BD franco-belge de Anouk Ricard

Annotation :

Je suis venu surtout pour l’humour débilo-gamin prétendant au professorat. Même si on n’est pas trop mal servi sur ce buffet (« Les doigts dans le nez ! Sauf le pouce ! »), la BD, peut-être trop adulte, se voulant trop paradoxal dans son approche, n’a pas vraiment réussi à combler mes attentes initiales. En outre les sujets, et les gags dans la foulée, s’avèrent avoir été soumis préalablement à surexploitation. On en a vu/lu/entendu des blagounes sur l’art contemporain kon konpren pa ou sur la mode mais ça change tout le temps OMG. Pas de surprise et de nouveauté en ce rivage.
Mais bon, j’aime bien le dessin sommaire et l’anthropomorphisme à grosses têtes.

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