Cover Les sulfuro films 2024
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42 films

créée il y a environ 1 mois · modifiée il y a 9 jours
12 jours
7.3

12 jours (2017)

1 h 30 min. Sortie : 29 novembre 2017.

Documentaire de Raymond Depardon

Annotation :

Le projet de Depardon est de ne représenter presque uniquement que la confrontation entre un patient de HP interné sans son consentement et un juge, devant statuer dans les 12 jours de la prolongation de son séjour en hôpital, le tout entrecoupé de plans lents ou fixes sur l’environnement du lieu.
Le procédé permet de découvrir, sans entrer dans les détails, les particularités des patients et des juges qui tentent de se faire les plus neutres possible, malgré certains gros coups de presse que la caméra choppe à la volée par des zooms sur des regards inquiets ou des gestes manqués. La tension est souvent palpable, les juges étant systématiquement amenés à prolonger les séjours en hôpital, contre la volonté donc des patients. Dans les bonus du film, Depardon insiste toutefois sur l’élégance de chacun de ces personnages que la caméra se doit de saisir en englobant leurs tocs ou leur décalage, et on se retrouve ainsi avec une petite compilation de trajectoires humaines.

Naissance d'une nation
6.2

Naissance d'une nation (1915)

The Birth of a Nation

3 h 10 min. Sortie : 22 octobre 1920 (France). Drame, Historique, Romance

Film de David Wark Griffith

Annotation :

Conçu en partie pour concurrencer les grosses productions françaises et italiennes, Naissance d’une nation fut un, sans doute le gros succès en son temps. Tout cela se voit clairement à l’écran, tant le grand spectacle prend de place dans le film. On s’attarde longuement sur les combats, les rassemblements de foules histoire de faire défiler les milliers de figurants, les costumes, les reconstitutions fièrement historiques annoncées dans des cartons introducteurs…
Le film est donc hyper raciste, surtout dans sa seconde partie. Il s’appuie de fait sur deux romans antiabolitionnistes de Thomas F. Dixon, The Clansman et The Leopard’s Spot, qui ont contribué à relancer le Ku Klux Klan au début du XXème siècle. Les Noirs, ou plutôt les acteurs blancs jouant ici les Noirs, sont ainsi clairement présentés comme inférieurs, chaotiques, lâches et incapables d’ériger un système politique autre que despotique et truqué. Les métis (ou encore une fois les acteurs blancs jouant les métis), produits d’un mélange interdit, sont méprisables et diaboliques en tous points, les abolitionnistes, des brutes idiotes et manipulables. L’histoire est complètement revisitée au profit d’une approche idéologique mais aussi d’une volonté de l’assujettir à une représentation spectaculaire, manichéenne, convenant aux codes moraux et esthétiques acceptables du moment. Ce mouvement général des blockbusters n’a pas connu de grosses évolutions depuis.

El Clan
6.3

El Clan (2014)

1 h 48 min. Sortie : 10 février 2016 (France). Thriller, Drame

Film de Pablo Trapero

Annotation :

El Clan se bâtit, comme beaucoup d’autres œuvres, en croisant plusieurs genres et techniques. Outre le pur thriller rythmé uniquement par les enlèvements et les assassinats, on a aussi affaire à une chronique familiale menaçant constamment d’exploser, une peinture historique discrète qui parvient tout de même à interroger sur les années post dictature en Argentine, ou encore un film psychologique sur les errements et égarements d’un jeune adulte pris (malgré lui ?) dans les mécaniques du crime.
C’est sans doute là qu’El Clan se montre le plus intéressant. Que penser d’Alejandro ? un malheureux p’tit gars pris en otage par son père et ses magouilles ? Un complice trop lâche pour dénoncer ou seulement se désolidariser, comme son petit frère, de l’entreprise familiale ? Le contexte de l’époque, où la justice reste à géométrie variable tracée par des militaires-mafieux, lui permet-il seulement un tel geste ? On a ainsi saisi à la pellicule les détails de l’hypocrisie d’une société déchirée et parano mais que le spectateur, aidé par le film peu bavard sur les éléments contextuels, sera tenté d’universaliser.

Scarface
7.6

Scarface (1983)

2 h 50 min. Sortie : 7 mars 1984 (France). Drame, Gangster

Film de Brian De Palma

Annotation :

Le film de mafieux QLF tant requis, mettant en scène le nerveux et tout petit Al Pacino qui quécro the world chico.
On a d’abord le portrait d’un mafieux sur fond d’un paysage de trafic et d’immigration cubaine aux States pendant les 80’s. Tony est un « peasant », comme ses collègues et compatriotes ont tendance à le qualifier, inélégant, têtu, bourrin, jurant comme un charretier (« fuck, fuck, fuck… »), entiché d’une morale brutale. C’est ce caractère qui lui donnera cependant la niaque nécessaire pour gravir le sommet, virer les rivaux, accumuler le cash… mais qui ne suffira pas à le tirer de la grosse décadence pleine de drogue, de luxe kitcheux et de spleen rance dans lequel s’enfoncent invariablement tous les barons de ce petit monde, à l’exception peut-être des serpents les plus venimeux (Sosa).
Un travail de sape du rêve américain par la bande s’opère alors. Même le banditisme le plus bas du front ne mène pas à un mode de vie louable ou même souhaitable. Il aboutit dans le meilleur des cas à un luxe dégoulinant qui empêtre même l’individu le plus roublard. Le baroud d’honneur de Tony ne se fait ainsi qu’après avoir buté le bon Manny, perdu sa petite sœur et aspiré 10 kilos de coke pur. Au-delà du portrait de dur balafré, il y a un vice rampant le long du système même qui n’épargne aucun compétiteur de la course aux big dollars et qui se dévoile de plus en plus au fur et à mesure que l’on progresse dans le film.

Fast fashion : Les dessous de la mode à bas prix
7.3

Fast fashion : Les dessous de la mode à bas prix (2021)

1 h 32 min. Sortie : 10 mars 2021 (France).

Documentaire TV de Gilles Bovon et Edouard Perrin

Annotation :

Documentaire très Arte game – voix off, ambiance thriller mondial, journalistes qui se font bolossés – sur l’industrie de la fast fashion et des boîtes qui détiennent ce label : Inditex (propriétaire de Zara), Boohoo (propriétaire de PrettyLittleThing), H&M et co. Le film est segmenté de manière assez rigide, une première partie sur l’historique, une deuxième sur le marketing de la fast fashion, une troisième sur les conditions de travail, une quatrième sur l’impact environnemental.
On découvre ainsi un système né en Espagne dans les années 60-70, imaginé notamment par le couturier Amancio Ortega, patron aujourd’hui d’Inditex et parmi les plus grosses fortunes mondiales, qui a pour cœur de rendre la mode, jusqu’alors élitiste et hors de prix, accessible à tous. Pour cela, il suffit de copier les grands modèles et de les monter à la va-vite. Les marques sortant de ce moule n’hésitent d’ailleurs pas à « fortement s’inspirer » des modèles de concurrents et de les reproduire quasiment à l’identique. Leur énorme succès repose alors sur un déploiement sans cesse renouvelé de nouveautés dans leurs magasins, piégeant les consommateurs dans une économie du désir où ils sont en permanence appelés à se saper différemment.
Surconsommation va alors de pairs avec exploitation. La fast fashion impose des rythmes de productions déchainées à ses sous-traitants, qui recrutent principalement auprès des populations défavorisées et immigrées, y compris en Europe où de véritables centres du travail informel se sont développés (enquête ici à Leicester, en Angleterre). Les conditions y sont exténuantes, avec des périodes d’essai non payées, des heures à rallonge selon la nécessité de la boîte et bien sûr des salaires bien en-dessous du smic ou de son équivalent. Des marques comme PrettyLittleThing (et dont le patron, fringué comme un mafieux pakistanais, lâche ses gardes du corps sur les malheureux journalistes) s’y approvisionnent, bien que le tout s’est ralenti pendant la période du Covid.
Et on termine sur l’opération de greenwashing en cours autour du polyester, soi-disant plus écologique, mais dont la production génère une très forte pollution (enquête ce coup-ci en Inde, dans une usine dont les riverains attrapent tous des maladies graves).
[Suite dans les commentaires]

Le Cas Richard Jewell
7

Le Cas Richard Jewell (2019)

Richard Jewell

2 h 11 min. Sortie : 19 février 2020 (France). Biopic, Drame, Policier

Film de Clint Eastwood

Annotation :

Papy Clint ressort le bon vieux combat de l’Américain moyennement moyen (quoiqu’un brin atypique) aux prises avec ses propres institutions. Il a visiblement fait le coup plus d’une fois (dans cette veine, je n’ai vu qu’American Sniper) bien que la cible ici, le FBI et plus généralement le milieu de la police et de la sécurité étatsunien, a le droit à un traitement plus léger, moins consubstantiellement pourri que gangrené par des individus aux caractères de chiottes, obtus, obsessionnel et dont l’agent à moitié bouffon en offre un bon exemple. Difficile alors d’affirmer si l’appareil d’État est essentiellement foireux ou s’il est dégradé par des parasites intestinaux. L’analyse des médias m’a l’air bien plus plate – les merdias y sont bons qu’à faire du scoop d’abord, et le personnage de la journaliste se paye le luxe d’être aussi insupportable qu’incohérente, elle pourtant si acharnée contre Jewell, et dont la culpabilité propulserait la carrière, renverse entièrement son avis en 1 minute montre en main.
Les persos principaux ont cela dit pas mal de saveur. Richard Jewell d’abord, calme, modéré à l’ascèse dans ses émotions, altruiste à en être envahissant tout en étant en parallèle obsédé par les armes et la sécurité. Le film égraine progressivement ces traits de caractère, épaississant son protagoniste au fur et à mesure. Les autres têtes d’affiche sont déjà plus schématiques. L’avocat Bryant est une grande gueule, combatif, rentre-dans-le-tas, surtout là pour faire pendant à Jewell et permettre à l’affaire d’avancer dans le bon sens. Bobi, la mère de Jewell, fait office de mère-grand perturbée dans ses habitudes, d’où émotions et décharges lacrymales.
Un film sur l’humain contre le système donc, auscultant notamment quelles formes peut prendre ce dernier dans un régime démocratique moderne et libéral. Force, mais aussi faiblesse du film, le combat de Richard Jewell contre ce pouvoir contemporain demeure toujours intéressant à analyser, mais se heurte un peu à un traitement cinématographique plutôt routinier, avec des jeux de lumière pas hyper inspirés et des plans plan-plan.

Le Corbeau
7.9

Le Corbeau (1943)

1 h 32 min. Sortie : 28 septembre 1943. Drame, Policier

Film de Henri-Georges Clouzot

Annotation :

Réalisé en pleine Occupation, financé par la boîte de production lancée par Goebbels, Continental Films, le film partait pas vraiment pour recueillir les suffrages après la Libération, et il fut ainsi taxé d’anti-français et son réalisateur disgracié pour son tableau pas vraiment idyllique de la société rurale eud’chez nous.
Le Corbeau demeure cela dit facilement universalisable dans sa représentation générale de l’hypocrisie et de la délation qui enveloppe si facilement un petit village « d’ici ou d’ailleurs ». Les lettres anonymes ne sont finalement que l’acmé d’une atmosphère mauvaise, où chacun à sa rancune, son vice, son petit secret et surtout sa proportion large à dénigrer, rabaisser, accuser et condamner autrui à partir de tout ou rien. Même le « bon » docteur Germain, brutal, pédant et pas toujours très ouvert et compréhensif, n’apparaît pas tellement comme un phare de vertu pouvant guider les malheureux figurants et spectateurs. C’est d’ailleurs cette tentation viscérale qu’a semblé vouloir démontrer le corbeau himself, le docteur Vorzet, confer son petit monologue dans l’école. Cette diffusion d’une méfiance bête et exacerbée se traduit également par un étirement du ressort policier, l’identité du coupable étant sans cesse projetée d’un individu à un autre jusqu’au responsable, présumé seulement, et qui échappe même par sa mort aux traditionnels aveux.
On notera une défense de l’avortement, portée par Germain mais sincère, assez balaise au vu du contexte, notable aussi pour sa crudité allant en sens inverse de l’esprit dépeint par le film.

La Passion d'Adolf Wolfli, une biographie de rêve

La Passion d'Adolf Wolfli, une biographie de rêve

1 h.

Documentaire de Pierre Koralnik

Annotation :

En vrai, vu "La biographie inventée", le docu-fiction sur Bolano.
Des hauts et des bas dans cette adaptation, parfois plus une transposition, du bolanisme, inséparable de la forme littéraire, à l’environnement cinématographique. La recherche des traces d’un individu à la fois banal et impossible, ayant tout vécu et peu agi, prend de l’ampleur sans jamais se combler. On donne corps à un fantôme qui restera mort, comme c’est en partie le geste de Bolano dans ses romans et nouvelles. Néanmoins, le documentaire-fiction a tendance à un peu marquer le trait et à paradoxalement amoindrir ce qui faisait la subtilité à l’écrit. Le coup du duel contre le critique ou de la manifestation estudiantine réprimée m’ont l’air mis à mal par des trucs très cinoche, caméra qui sautille, guitare grésillante, effets sonores cheapos. Heureusement, la moelle du film reste les entretiens, là où il s’en sort le mieux tout en restant très fidèle à son matériau de base.
La Biographie inventée entend sinon suivre de près les textes de l’auteur, de trop près peut-être, si bien qu’on aura le droit à une référence pour presque chacun d’eux. Si Les Détectives sauvages, dans sa forme même, demeure l’œuvre canonique, le connoisseur pourra s’enorgueillir de repérer des signes d’Étoiles distantes (Wieder), du Troisième Reich (Le Balafré bossant dans une cité balnéaire), 2666 (les disparus de la frontière mexicano-américaine), Nocturne du Chili (l’hôtel particulier accueillant réceptions mondaines et séances de torture) … et sans doute Entre parenthèses, pour les théories artistiques glissées ici ou là. On reste donc globalement sur un film à destination des happy few, susceptible de laisser sur la borne d’arrêt d’urgence les non-initiés. Faire de Bolano un auteur ésotérique me paraît pas le meilleur des hommages.

Element of Crime
6.4

Element of Crime (1984)

Forbrydelsens element

1 h 44 min. Sortie : 30 janvier 1985 (France). Policier, Drame, Thriller

Film de Lars von Trier

Annotation :

Le premier film de Lars von Trier, déjà généreux en termes de tueur en série et d’origine du Maaaaaaaal.
On est ici à la recherche d’une science-fiction post-apo expérimentale, déambulant dans un pays, plein de miséreux et de sacs plastiques, portant le nom évocateur d’ « Europe » et ne filtrant qu’à travers une teinte ocre et jaune agressive et nocturne. C’est sombre, c’est triste, tout le monde a envie de se suicider, ce qui autorise von Trier à sortir les plans symboliques furieusement stylisés, histoire de marquer le spectateur.
L’amateur un peu branleur de S-F et de polar relèvera l’influence pleinement assumée des thrillers hallucinés et traumatisés des années 70. Le coup de l’enquêteur enquêtant sur un tueur qui n’est autre que lui-même a déjà, si je n’écris pas de bêtises, été pondu par Philip K. Dick dans je-ne-sais-plus-lequel de ses romans.

Ça commence aujourd'hui
7.3

Ça commence aujourd'hui (1999)

1 h 57 min. Sortie : 12 mars 1999 (France). Drame

Film de Bertrand Tavernier

Annotation :

A la croisée de quelques allées de marronniers – film sur les profs, dans la misère du Nord – Ça commence aujourd’hui s’en tire grâce à sa trajectoire jamais déviée de documentaire-fiction. Le portrait de directeur d’école permet surtout de se ménager une porte pour accéder à des vies prises dans leurs carcans socio-économiques. La majorité des acteurs sont ainsi des amateurs, jouant des rôles parfois assez proches de leur réalité.
On n’échappe certes pas à un côté catalogue que peuvent avoir certains films à volonté ouvertement sociale tout comme ceux jouant les infiltrés dans l’Éducation Nationale – scène de tension avec des parents d’élèves, scène de l’inspection, scène de ménage avec le beau-fils « qui fréquente des voyous »… Ce dispositif donne toutefois du rythme au long-métrage et suffisamment d’ampleur pour saisir son propos sous plusieurs coutures.

Rome, ville ouverte
7.6

Rome, ville ouverte (1945)

Roma città aperta

1 h 43 min. Sortie : 13 novembre 1946 (France). Drame, Guerre

Film de Roberto Rossellini

Annotation :

Découverte du tout puissant Rossellini avec le premier volet de la « Trilogie de la guerre », réalisé avec de tous petits moyens et considéré par les experts cinéphiles comme il nonno du néoréalisme italien.
On se concentre ainsi sur la grande misère d’une ville en état de guerre en attente d’être en état de siège, les Alliées n’étant plus très loin. Tout est rationné, tout le monde a faim et a peur de l’occupant. On va resserrer bien vite sur les actions de résistance, ponctuelles ou organisées, par des adultes et des partis ou par des enfants déters. On oubliera pas non plus la cruauté teutonne, avec la mort de la mère.
Beaucoup de points communs autant que de différences avec La Grève d’Eisenstein. On a ici une alliance naturelle entre les Italiens de tous horizons – communistes, royalistes, prêtres, civils, militaires, fascistes – contre l’envahisseur qui vient se la jouer race des seigneurs, si bien que l’officier SS ne pourra pas s’appuyer sur les antagonismes entre les deux persos principaux (un rouge et un cureton dans un bateau) et que les chemises noires seront incapables d’exécuter le prêtre dans la scène finale. Union indéfectible d’un peuple là où le film soviétique accentuait sur l’union indéfectible d’une classe.

John Wick
6.4

John Wick (2014)

1 h 41 min. Sortie : 29 octobre 2014 (France). Action, Thriller, Policier

Film de Chad Stahelski et David Leitch

Annotation :

Pas hyper convaincu perso. L’ambition de Make a feuquïngue action movie ouizaoutte script ne parvient pas, tout au contraire, à effacer des immanquables du genre, délavés mais pas invisibles au point de plaider à une absence de parti pris et d’un référencement serein et impartial. Ainsi les mafieux sont russes, les gosses de riches des têtes à claques, les balles illimitées et les villes au nord-est des États-Unis. C’est finalement la sensation de déjà-vu, même pour moi qui ne suis pas tellement consommateur du genre, qui prédomine.
Et histoire d’être chiant jusqu’au bout, je n’ai pas trouvé la chorégraphie incroyable, ronflante surtout à force de se vouloir froide et millimétrée.
Bon point pour le film cela dit, le retour de John Wick « aux affaires » suit une montée en puissance vraiment marrante.

De battre mon cœur s'est arrêté
6.9

De battre mon cœur s'est arrêté (2005)

1 h 47 min. Sortie : 16 mars 2005 (France). Action, Policier, Drame

Film de Jacques Audiard

Annotation :

De ce que j’ai pu en voir, Jacques Audiard a une obsession pour la vitesse dans ses films. Les scènes ne s’appesantissent que très rarement et il faut impérativement qu’il « se passe quelque chose » à l’écran. Cela aboutit à des longs métrages exigeants, un peu éreintants, sans que cela ne vienne brusquer une quelconque intrigue réduite bien souvent à portion congrue, le panorama étant visiblement le terrain d’expression fétiche d’Audiard Jr. Et c’est là où erreur et confusion s’abattent sur De battre mon cœur s’est arrêté. A force de vouloir trop étreindre, Audiard embrasse mal des clichés et de gros gréements de scénario qu’on peine à imaginer documentaires. Ainsi, les mafieux sont encore russes, l’amour cruel, torride et infidèle, et les immigrées chinoises pauvres et allophones peuvent devenir des stars nationales de conservatoires en l’espace de 2 ans. Je n’ai aucun doute que le milieu immobilier soit un vrai bacille de magouilles, mais qu’une de ces entreprises fonctionne littéralement comme un réseau criminel à coup de battes de base-ball et d’expulsions manu militari sans présence policière me paraît un chouïa exagéré. En fait, j’ai l’impression qu’il a fusionné différentes affaires et anecdotes sales du secteur pour faire les fondations, les murs porteurs et le plafond de la boîte Seyr.
J’avoue avoir un peu lâché vers les trois quarts du film, car à force de ne pas comprendre où il voulait aller, je me suis perdu dans une impasse.

Piranha 3D
5

Piranha 3D (2010)

1 h 28 min. Sortie : 1 septembre 2010 (France). Comédie, Épouvante-Horreur

Film de Alexandre Aja

Annotation :

Beauf, certes. Je n’ai pas la culture pour apprécier en quoi Piranha 3D est un hommage aux vieux films catastrophes plus ou moins amateurs, disparus des écrans aujourd’hui, et déjà en 2010. J’y ai malheureusement vu plutôt un cousin pas si éloigné des Sharknado et autres productions ostensiblement cheap et régressives parce que wé on n’en a rien à foutre, on fait des nanars, mais malins +. Le côté bricolage, débrouille et créativité disparaît alors totalement au profit d’une industrie du gras, aspergeant de connerie ses personnages et en déversant des litres dans la gueule de ses clients. Ça se sent, se voit, s’imagine et se devine à chaque seconde du film, même si j’avoue que j’ai bien ri à la scène conclusive.

Le Gangster, le flic & l'assassin
6.7

Le Gangster, le flic & l'assassin (2019)

Akinjeon

1 h 49 min. Sortie : 14 août 2019 (France). Policier, Action, Gangster

Film de Lee Won-Tae

Annotation :

Un thriller détente avec ce qu’il faut de bagarres, de gags en peau de banane, de tension et de poursuites en bagnoles. Ma Dong-soo (le gangster, que je suis persuadé avoir vu ailleurs) rafle la vedette sans contestation envisageable, avec sa dégaine de gorille bodybuildé mais très stone, attendant en permanence l’étincelle de trop pour exploser. Le label « thug-gangster » est ainsi délivré, au point que le flic, le comique de toutes situations, se retrouve progressivement dépassé dans l’acting, au même titre que l’assassin, très psycho, rejouant ce que les tueurs en série tarax ont déjà joué au cinéma, chacune de ses rencontres se terminant par un homicide ou une tentative d’homicide dans les plus brefs délais.
On excusera en outre une « morale » bien bouffonne à la fin. L’état de droit ? Mais pour quoi faire ma bonne dame ! Au billot les michans ! et sans cassages de couilles judiciaires je vous prie.
Malgré la bonne ambiance criminelle qui se dégage du film, j’ai été pas mal déçu, mais plus par ma faute. Assez vite, dès l’alliance conclue entre gangsters et policiers, j’ai cru voir avec clarté au travers du film une scène où l’assassin, confronté au flic, propose un contre-deal à celui-ci, son aide pour faire tomber la mafia. Gros dilemme alors : qui est le plus néfaste ? Un psychopathe qui tue au hasard et de façon régulière ou un chef de gang qui n’hésite pas à organiser assassinats, tortures, corruptions, pressions et combats de rue pour asseoir sa domination sur un milieu certainement encore moins net à l’intérieur qu’à l’extérieur ? Méditations tortueuses et cornéliennes alors pour le petit flic « que rien n’effraie ». Mais cette scène resta à l’état de projection de l’esprit...

L'Année du Dragon
7.3

L'Année du Dragon (1985)

Year of the Dragon

2 h 14 min. Sortie : 13 novembre 1985 (France). Policier, Drame

Film de Michael Cimino

Annotation :

Le film se construit sur la double trajectoire de ses persos. D’un côté Joey Tai emprunte pas mal de traits à Scarface, même mafieux qui a faim et qui doit frapper avec la même force pour s’installer au sommet de sa communauté, les Cubains laissant la place au Chinois. De l’autre, Stanley White, flic raciste, désabusé mais roublard et déterminé, va tout faire pour faire tomber Tai et pourquoi pas la Triade de Chinatown. On suit ainsi la ballade de ces deux électrons libres dans un milieu normé et rigide (la hiérarchie mafieuse pour Tai, la police et la vie quotidienne de bon citoyen américain pour White) qui vont triompher (ascension de Tai et trafic de drogue à grande échelle, enquête résolue pour White) avant de se faire rattraper par la réalité de leur monde (suicide de Tai pour échapper à son arrestation, échec de White à mettre le grappin sur toute la Triade, trop bien installée). On a donc le parcours de deux outsiders dont la victoire est en sursis.
L’année du dragon aime sinon jouer sur les ressorts du noir pour lever le voile sur les dessous d’une société soit-disante respectable, le Chinatown « tranquille » mais en vérité gangrené par la pègre. La scène dans l’usine de soja, fonçant dans cette direction, s’impose ainsi comme un gros moment du film.

Nocturnal Animals
7

Nocturnal Animals (2016)

1 h 56 min. Sortie : 4 janvier 2017 (France). Drame, Thriller

Film de Tom Ford

Annotation :

Tout repose sur la tension sèche entre les deux récits croisés, d’un côté le milieu culturel et d’affaire grand bourgeois, de l’autre un thriller en terrain hostile bourré de psychopathes. Les accointances sont bien sûr nombreuses, les deux mondes paraissent ainsi impitoyables, règne du succès social et économique dans le premier, viols et meurtres dans le second.
Il paraît que le film s’inspire fortement de David Lynch, dont je connais très mal la filmographie. En tout cas, il se montre assez souple pour autoriser plusieurs lectures. Le roman, et donc toute la partie thriller, n’est-il qu’un moyen de culpabiliser Madame pour avoir jeté son premier mari ? Sa reste une piste facile à suivre grâce aux échos lâchés ici ou là (Susan et sa mère qui juge l’ex-mari trop faible, avis que partage le tueur à propos de l’anti-héros du roman, joué par le même acteur que l’ex-mari). Petite revanche aussi puisque la femme violée du thriller et Susan sont Amy Adams dans le casting. Pareille pour cette histoire de fille, violée et assassinée aussi, envoyant à l’avortement de Susan. En fait, Nocturnal Animals compte beaucoup sur son acting pour plonger son spectateur dans le doute ou lui faire (croire qu’il) voit(re) clair dans l’embranchement des scènes.

Le Monde selon Amazon
6.5

Le Monde selon Amazon (2019)

1 h 11 min. Sortie : 8 octobre 2019. Société

Documentaire de Adrien Pinon et Thomas Lafarge

Annotation :

Le documentaire dresse un panorama général, manquant peut-être de détails et d’effets de zoom pour enrichir son propos, sur le cas Amazon, firme la plus riche détenu par le milliardaire le plus riche (du moin à l’époque).
Comme le veut une tradition apparemment bien ancrée de documentaire socio-économique, on va alterner les espaces et les problématiques afin d’obtenir une synthèse du phénomène. On commence ainsi en Inde, dernier « grand marché » où Jeff Bezos ne s’est pas enraciné, et où il ferraille avec plusieurs concurrents (dont un transfuge à sa propre société et une succursale d’Ali Baba) et surtout avec l’inquiétude des nombreux marchands et livreurs indiens, en sueur devant l’appétit de la boîte. Ce malaise économique est identifié par le film comme un des ressorts les plus tendus ayant propulsé Modi et son programme protectionniste à la présidence, les commerçants ayant suffisamment de poids pour se constituer en niche d’électeurs.
Les conditions de travail pénibles et sans âme noircissent également l’ombre d’Amazon. Un détour en Allemagne s’impose alors pour suivre une grève les dénonçant. Le problème a l’air tellement grave qu’Amazon n’a d’ailleurs pas autorisé les journalistes à filmer l’intérieur de ses entrepôts et qu’un de ses pionniers a préféré se retirer du projet.
Et c’est en passant par les États-Unis que le documentaire déploie son axe d’attaque : en quoi Amazon, par le biais de ses nombreuses succursales traitant notamment de la distribution de réseau internet, et tout en s’affranchissant des partenariat et des relations classiques employeurs/employés (syndicats…) par son organisation et la volonté affichée de son patron, s’impose comme un monopole sur différents niveaux ? L’entreprise est alors partout, traite directement avec des chefs d’États et peut les faire plier au bras de fer.
La synthèse se matérialise alors dans la ville de Seattle, QG de Bezos, dont la recherche de main d’œuvre qualifiée (ingénieurs, informaticiens, commerciaux…) et la politique urbanistique privée à entraîner une gentrification sans précédent, faisant exploser le nombre de mal-logés et de sans abris. Amazon n’a alors pas hésité à saboter la politique sociale de la mairie, encourageant à des manifestations anti-taxes et bloquant des fonds, pour promouvoir son propre projet de logement, court-circuitant l’administration locale et laissant la population mal logée dans l’expectative.

Psychose
8.3

Psychose (1960)

Psycho

1 h 49 min. Sortie : 2 novembre 1960 (France). Thriller, Épouvante-Horreur

Film de Alfred Hitchcock

Annotation :

Gros classique vu pour la culture G et pour la culture polar qui commence a m’intéresser. Psychose a, encore aujourd’hui, pour originalité de monter un polar en abîme. On est témoin du meurtre, on sait que c’est Norman Bates qu’a tué et qu’il est foufifou dans sa tête, mais on demeure dans le doute sur la nature de sa folie, sur l’identité de sa mère, sur la manière dont vont se recoller les morceaux éparpillés à travers le film. Un petit côté pré-Colombo mine de rien.
Hitchcock est doué pour faire passer en douceur une lourde atmosphère de paranoïa, dans le motel à moitié hanté bien sûr mais finalement partout ailleurs. Cela s’incarne par des personnages secondaires, l’homme d’affaire – cowboy grande gueule et libidineux, le flic aux sunglasses qui pue déjà le psychopathe. Ça s’encrasse encore quand on découvre que l’écrasante majorité des persos ont plus ou moins quelque chose à se reprocher, vol, mensonge, mœurs légères… Si Bates et son manoir apparaissent comme le point folie du film, on navigue en pleine société pourrie, où la confiance est bien souvent une erreur et la curiosité fatale.
L’enquête à la Agatha Christie projette ainsi un pessimisme rance, dont même la bonne volonté des héros et la résolution de l’affaire (quoique l’intervention du psychiatre nous révèle en demi-teinte qu’elle ne sera jamais totalement classée, la psychose de Bates persistant à jamais en lui) ne pourrait venir à bout. Il faudrait que je le revois mais j’ai l’impression qu’on est bien loin du voyeurisme bon enfant de Fenêtre sur cour.

A Dark, Dark Man
6.6

A Dark, Dark Man (2019)

Tchiorniy, tchiorniy tcheloviek

1 h 50 min. Sortie : 14 octobre 2020 (France). Drame, Policier

Film de Adilkhan Yerzhanov

Annotation :

A Dark, Dark Man rappelle immanquablement le style des films dramatiques russes et surtout leur rythme trèèèèèèèèèèèèès leeeeeeeeeeeeeeeeeennnnnnnnnnnnt, dans le silence le plus infini qui soit. On a même droit, et plus que jamais, à une portion généreuse de désespoir, en suivant les traces d’un pourri évoluant dans un milieu pourri et un monde indifférent. Le genre « western moderne des steppes » du film sublime cette atmosphère à l’aide soutenue de larges plans saisissant ces contrées de vent et de vide.
Pour autant, et Adilkhan Yerzhanov a à cœur de le rappeler dans son interview bonus, des touches de fantaisies sont pailletées sur ce grand tableau noir, noir, à travers le jeu de « l’idiot » et de sa copine, à qui on veut mettre une affaire de meurtre et de pédophilie sur le dos mais dont l’innocence enfantine éclate constamment, à travers des plans inattendus, des objets ou des couleurs qui n’auraient pas du être là. Voilà qui fait balancier au rôle de la journaliste, pas à sa place, pas assez solide pour affronter ce pays, possédant des références qui ne trouvent aucun écho ici (« Montesquieu ? ») mais essayant quand même à mener sa tâche à terme, contre, puis à travers le Dark, Dark Man.

Voyage au bout de l'enfer
8.3

Voyage au bout de l'enfer (1978)

The Deer Hunter

3 h 03 min. Sortie : 7 mars 1979 (France). Drame, Guerre

Film de Michael Cimino

Annotation :

Gros classique du film de guerre mais qui en impose avant tout par son éclectisme. Le Vietnam sous la mitraille ne prend finalement qu’une infime partie du long-métrage, et on verra plutôt du pays ses geôles aquatiques vietcongs, l’errance de plus en plus paniquée de ses civils et de ses soldats face à une guerre aveugle, ses cités pleines de lucres et de stupres attendant l’invasion, et bien sûr ses roulettes russes au milieu de paris, prisées au nord comme au sud, créant un troublant effet miroir.
Cimino verse aussi dans le social, et pas à demi. La carrière du soldat moderne, de son engagement à ses désillusions et ses incurables stigmates, donne le fil conducteur « naturelle » pourrait-on dire de l’œuvre, mais n’est que la corde la plus grosse dans tout un entrelacement de pistes et d’intrigues, dont le destin et les rites de la communauté russe américaine, en pleine Guerre Froide, n’en est pas la moindre. Les complexes relations entre les amis et les familles – Nick qui devient taré, Stan le chelou, Axel et John les bons potes toujours au bord du coma éthylique – remplissent aussi à grands traits un tableau déjà riche.
Voyage au bout de l’enfer est ainsi un film généreux tout en se permettant des scènes contemplatives, limite austères, et dont les deux plus marquantes sont sans doute celles des chasses au cerf, réussie puis avortée.

Le Traître
7.2

Le Traître (2019)

Il traditore

2 h 33 min. Sortie : 30 octobre 2019 (France). Biopic, Policier, Drame

Film de Marco Bellocchio

Annotation :

Un peu par la bande au début, puis de façon de plus en plus affirmée, Bellocchio fait opérer un effet de basculement à son perso principal, le mille fois équivoque Tommaso Buscetta, traître à la Cosa Nostra et/ou voyou alla vita. Durant la première heure, on voit bien que c’est chaud pour lui, entre les grandes purges chez les hommes d’honneur et la torture au Brésil. Il est quelque part contraint de trahir, pour sauver sa peau et celle de sa famille, d’autant plus que le milieu mafieux, incarné par Toto Riina – sorte de Don Corleone râblé – et sa famiglia, n’apparaît pas sous son meilleur jour. Vient se rajouter une autre composante sympathique du personnage, son côté bon vivant, désireux de mourir de sa belle mort et pas dans de bêtes règlements de compte. C’est ainsi que les diverses scènes de procès (sauf la dernière) se révèlent être des succès pour lui.
Et puis, poum patatra, on apprend du sale à son encontre, qu’il continue à escroquer et magouiller en douce, qu’il profite bien de son statut de témoin-traître pour remplir le tiroir-caisse, qu’il reste finalement un Siciliano vero, comme le brandit l’ultime séquence du film, revenant sur un de ses assassinats de jeunesse, seul passage où on le verra l’arme au poing.
On a sinon un document-fiction assez solide sur la guerre interne de la Cosa Nostra dans les années 80 et de son grand démantèlement lancé la décennie suivante par il giudice Falcone. Un regard singulier aussi sur l’univers mafieux, très paysan, très local (les Siciliens sicilianisant), plutôt beauf, loin des costards-cravates de la pègre new-yorkaise.

Happy people : un an dans la Taïga
7.8

Happy people : un an dans la Taïga (2011)

Happy People : A Year in the Taiga

1 h 30 min. Sortie : décembre 2011 (Allemagne).

Documentaire de Werner Herzog et Dmitry Vasyukov

Annotation :

Le documentaire pirate d’Herzog, produit à partir de séquences tirées d’un autre documentaire qui semble avoir une mouture de reportage télé. Le réalisateur allemand modifie l’ordre des scènes et ajoute ses commentaires.
Le résultat, c’est le saisissement d’une vie possible à la Thoreau, loin des villes, des technologies et de la fureur du monde. On randonne sur des superficies de plusieurs milliers de kilomètres. On chasse, et on affirme que cette relation à l’animal et moins violente, moins cruel que les standards de l’élevage, industriel qui plus est. On digresse sur les chiens, de chasse comme de traîneau, on admire leur endurance hors normes (le chien qui court après son maître en motoneige toute une journée) et on se lamente de leur courte espérance de vie.
Un documentaire sur une quasi fusion magnifiée entre l’homme et la nature, insistant sur la joie et la beauté de ce mode de vie. A mon sens, le film se fait trop discret vis-à-vis des moyens technologiques qui mine de rien abondent (motoneige, hélicoptère, objets en plastique…) et ce malgré les pièges et bateaux artisanaux. Certes, on reste loin de la consommation du quidam moyen, Mais la vie dans la taïga ici décrite présuppose quoi qu’on en dise le renfort non négligeable de techniques et de machines, atténuant les rêveries d’un rapport 100 % nature au monde.

Enquête sur un scandale d'État
6.2

Enquête sur un scandale d'État (2021)

2 h 03 min. Sortie : 9 février 2022. Drame, Thriller

Film de Thierry de Peretti

Annotation :

Enquête sur un scandale d’État parvient à jouer et à gagner sur deux tableaux. D’un côté, le naturalisme très social : on va voir ce qui se passe du côté de la grande police, celle de la drogue et des stratégies à grande échelle, du journalisme d’enquête bien ancré dans une réalité contemporaine (ça bosse à Libération, ça entretient des contacts avec le monde de l’édition et ça a pour but eschatologique de publier). De l’autre, on navigue en plein thriller paranoïaque, parce que chaque image, chaque geste et dialogue laisse ouverte la porte de l’interprétation. Jusqu’où l’honnête mais peut-être trop honnête Hubert Antoine a trempé dans les affaires de trafic qu’il brandit à tout bout de champs, jusqu’où la droiture morale dont il se revendique cède le pas à la vendetta personnelle ? Et jusqu’où Stéphane Vilner s’intéresse à l’affaire comme un véritable nœud empoisonnant la République, à moins qu’il ne la considère que comme un scandale à exploiter pour buzzer ? Tout semble vrai, mais pas totalement, si bien que le film dépeint un monde où la pourriture se fait sentir tout en restant invisible, où le fin mot et la vérité claire n’existent pas.
Le projet de de Peretti passe ainsi le thriller politique sous un filtre original, optant pour le vraisemblable et l’ancré tout en noyant une possible vérité dans les plus noires profondeurs. On est ainsi invité à jeter un nouveau regard sur l’actualité, presque de manière générale, forcément polyphonique et constamment aux prises avec le doute.

Into the Abyss
7.5

Into the Abyss (2011)

1 h 47 min. Sortie : 24 octobre 2012 (France). Policier, Drame

Documentaire de Werner Herzog

Annotation :

A travers la question de la peine de mort en général et au Texas en particulier, Werner Herzog dépeint a dark world of United States, ses classes prolétarisées sans espoir, sa violence banalisée, ses villes tristes où rampe un mal fait de mal-être et de pauvreté. C’est pas la grosse joie, et tout à l’air de tomber sur les pauvres protagonistes du documentaires un peu du ciel, comme ça. Pourquoi Michael Perry et Jason Burkett ont-ils tué trois personnes de sang-froid ? Pour voler une voiture ? Que c’est-il passé lors de leur arrestation où une fusillade à éclater ? Pourquoi le premier est condamné à mort et pas l’autre ? On restera coincé dans un brouillard épais, n’autorisant aucune réponse satisfaisante. Si ce n’est l’existence d’une vraie malédiction pesant sur l’humanité, étasunienne qui plus est.
Quelques lueurs d’espoir cela dit, parce qu’on est dans une histoire de mort mais aussi de vie. Parce Jason Burkett, malgré la perpétuité qu’il a prise, a trouvé l’amour. Parce que le père de celui-ci, ancien drogué, ancien alcoolique, ancien criminel, actuellement en taule, croit en une forme de pardon, espère un jour pouvoir effacer ses fautes. Gros moment d’honnête dureté avec l’entretien de Fred Allen, chargé pendant près de dix ans d’exécuter les condamnés, jusqu’à ce qu’il craque, démissionne et s’oppose à la peine capitale.

Faits divers
7.7

Faits divers (1983)

1 h 48 min. Sortie : 1 juin 1983.

Documentaire de Raymond Depardon

Annotation :

Début un petit peu d’une trilogie « police/justice », qui sera complétée des années plus tard par Délits flagrants et 10ème chambre. On suit le travail des flics du 5ème et 6ème arrondissements, au commissariat ou à bord de leurs camionnettes d’intervention, sans commentaire aucun bien que les « sujets » du documentaire interpellent à plusieurs reprises la caméra.
Bien vite, c’est la routine qui prédomine. Routine du commissariat où on attend beaucoup, où on se sert café sur café, routine des affaires toujours plus compliquée, où victime et coupable se mélangent, dialoguent, se repoussent, emblématiquement dans l’affaire de viol traitée chez l’inspecteur, routine des opérations où on arrive trop tard, où le képi se retrouve impuissant, face à une agression, voire face à la mort. On se retrouve ainsi avec une succession de portraits d’inculpés, de victimes, de policiers, de laisser-pour-comptes (le couple de SDF dans la cave, la vieille folle, la voleuse-mendiante…) qui viennent se perdre dans le paysage des premières années 80, baignant encore un peu dans mai 68 mais où se dessine également une méfiance de l’autre, qu’il soit en uniforme ou pas, un refus de cohabiter.
La méthode Depardon, réexploitée à fond dans les deux opus suivants de la « trilogie », s’impose donc déjà, ce que rappelle le réalisateur lui-même dans son interview un peu auto-glorificateur (lui qui a réalisé ce que les anglo-saxons N’ONT PAS ET N’AURONT JAMAIS).

Into the Wild
7.2

Into the Wild (2007)

2 h 28 min. Sortie : 9 janvier 2008 (France). Biopic, Road movie, Drame

Film de Sean Penn

Annotation :

Je partais bon client, surtout vis-à-vis du propos, et pourtant ça m’a massivement soûlé. Ce que je retiens surtout, c’est une grasse lourdeur qui ankylose tous les aspects du film, du surjeu constant des acteurs, à commencer par le protagoniste à baffer de A à Z, à la découpe au hachoir des scènes, se succédant en vrac en enfilant tous les clichés du genre. Tout va trop vite par là-dessus, et le film affirme et impose mais ne suggère jamais. La scène du pourrissement de la viande immédiatement dévorée d’insectes et de vers après qu’un mauvais rayon de soleil s’est posé dessus, en est significatif. Pire peut-être, Into the Wild a un côté pré-Instagram, avec un découpage très vidéo faisant miroité le quotidien fantasmé d’un baroudeur moderne. C’est ici la scène de la pomme qui massacre l’esprit et la patience du spectateur. Bref, tout ça sonne assez faux, et tout paraît en toc, notamment la mort de Chris dramatisée à plus en pouvoir (« regardez comme il est mâîgre et pâle ! »), ce qui est salement ballot pour une prétendue ode à la liberté et à l’authenticité. En outre, mais cela est peut-être du à l’aspiration biographique de l’œuvre, c’est bien dommage que la philosophie et l’art de vivre dépeintes ici ont pour moteur central un bête mal-être fiston-pôpa-môman. On ne s’arrête sur les réflexions de Chris, boostées par Thoreau et compagnie, que pour faire de la figuration intellectuelle.

Délits flagrants
7.8

Délits flagrants (1994)

1 h 49 min. Sortie : 12 octobre 1994. Policier

Documentaire de Raymond Depardon

Annotation :

Les personnes prises en flagrants délits sont amenées selon la procédure de la préfecture de police jusqu’au palais de justice pour être interrogées et informées de la suite de leur jugement par un substitut du procureur. C’est cette courte confrontation, intermédiaire entre interpellation et le passage au tribunal, qu’a voulu représenter Raymond Depardon à travers une douzaine de cas, chacun donnant à voir deux personnages, l’interpellé (un arnaqueur indic de la police, un paysan immigré, un drogué en manque, un étudiant en art, une voleuse dépressive…) et le substitut dont la personnalité inscrit la modalité du dialogue qui se noue. Cela dit, chaque échange s’achève sur une mise en accusation de l’interpellé, et selon le témoignage de Depardon, très peu des séances au tribunal se conclut sur une relaxe.
Des histoires se dessinent à travers cet échange, invariablement filmé en plan fixe embrassant les deux concernés, en particulier celle, sur laquelle on s’étale un peu plus, d’une jeune junky contrainte à la prostitution, prise dans une affaire de vol de voitures, au caractère bien trempé et la langue bien pendue. Cette saisie de toute une existence et d’un système les menant devant la justice fait toute la puissance du procédé documentaire déployé ici, en mode voir tout l’intérieur de la maison en regardant par la petite fenêtre.

There Will Be Blood
7.7

There Will Be Blood (2007)

2 h 38 min. Sortie : 27 février 2008 (France). Drame

Film de Paul Thomas Anderson

Annotation :

Derrière sa mise en scène vraiment sympa, découpée en chapitres pensés et travaillés, There will be blood s’affirme de façon quasi dialectique comme un western économique, retraçant la genèse du capitalisme pétrolier et, de manière plus globale, du développement des entreprises version deuxième révolution industrielle à travers une série de prédations, d’opportunités plus que forcées et de compromissions avec les puissances locales, ici l’Église de la troisième révélation d’Eli Sunday. L’introduction presque muette s’avère une bonne illustration de ce projet, limite un résumé du film entier, avec ce qu’il faut de louche, de sournoisement indicible, pour faire comprendre que ce qui nous est montré est incomplet, partiellement faux, car plongé dans un contexte bien plus vaste.
La complexité torve de Daniel Plainview restera donc totale, et bien que le perso soit vraisemblablement pourri jusqu’au trognon, le mal qui l’anime et le ronge demeureront mystérieux. Est-ce une cupidité dévorante ? Est-ce que Plainview est dès le départ complètement tarax ? Ou n’est-il peut-être qu’un pion aveugle et idiot d’un système se déroulant presque sans lui, pouvant le remplacer à tout moment par un autre requin, et pourquoi pas un curé par exemple, les prophéties d’Eli Sunday ne reposant finalement que sur l’argent à tirer du noir et visqueux liquide ? Quoi qu’il en soit, Plainview, tout comme Sunday, se monte un film dans sa tête, celui du pionnier, du défricheur, qui omet bien vite l’armée d’ouvriers à son service et le bain technologique et économique dans lequel il demeure immergé pour bâtir sa propre mais fictionnelle légende.

10e chambre - Instants d'audience
7.9

10e chambre - Instants d'audience (2004)

1 h 45 min. Sortie : 2 juin 2004.

Documentaire de Raymond Depardon

Annotation :

Fin de la trilogie justice de Depardon, faisant surtout suite directe à Délits flagrants, et qui se termine fatalement au tribunal.
On retrouve le cadre fixe, concentré sur les acteurs de la scène judiciaire, imposé en grande partie par les contraintes techniques de filmer à l’intérieur d’un tribunal finalement assez exigu, où tout a une place inamovible. Ce dispositif a cependant l’intérêt de resserrer sur les persos, leurs défenses, leurs émotions, le rôle qu’ils s’imposent à jouer d’autant plus savoureux que la justice française, dans ce cadre, a également une dimension prescriptif et autoritaire, presque éducatifs, la juge devant rappeler fermement à l’accusé ses devoirs et les lois auxquelles il doit se plier. Ça donne, comme souvent chez Depardon, une galerie de portraits assez complète.
Les interpellations vont de la conduite en état d’ivresse au trafic de drogues, en passant par des refus d’obtempérer et du vol à la tire. Se dessinent alors différents rapports à la justice, entre les habitués du barreau, menacés par la prison, aux zounêtes citoyens mal à l’aise dans cet atmosphère, où ils ne s’imaginaient pas être accusés. Au fil des douze scènes, des histoires se mettent en place, les relations entre coupables et victimes s’éclaircissent (l’affaire de harcèlement) et on obtient, depardonnerie des depardonneries, un paysage bigarré de la société et de ses acteurs face à leur justice.

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