On the row
Cette année, sur ma table de chevet...
[ Pour les autres années c'est ici :
2011 = https://link.infini.fr/OTR11
2012 = https://link.infini.fr/OTR12
2013 = https://frama.link/OTR13
2014 = https://frama.link/OTR14
2015 = https://frama.link/OTR15
11 livres
créée il y a 2 mois · modifiée il y a 2 joursLe Dernier Été en ville (1973)
L'ultima estate in città
Sortie : 4 février 2021 (France). Roman
livre de Giancarlo Calligarich
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Rome, années soixante. Le monde de la télé, des journaux, les étudiantes volages, les garçons trop sensibles et romantiques. La nuit, les cafés, le farniente qui flirte avec l’ennui, l’ennui avec le vide, le vide avec le vertige. Ah forcément, c’est tellement cinématographique, tellement chargé d’images et de sons, que Calligarich n’a plus grand-chose à faire pour que l’imagination de ses lecteurs et lectrices vagabonde. Un peu comme ces livres d’enfants en trois dimensions, qui se transforment en décor jaillissant au moment où on tourne un page. Mais néanmoins, l’auteur ne se laisse pas non plus complètement submerger par ce contexte sur référencé, il en joue, il s’en distancie par moment, il s’offre le luxe de nager à contre courant, notamment en confiant la voix narrative à son personnage principal, qui a mesure que le livre avance, se transforme de désabusé en écorché.
« Mais c’est toujours pareil, si on est ce que l’on est, ce n’est pas grâce aux personnes que l’on a rencontrées mais à celles que l’on a quittées. »
Histoire d'une domestication (2019)
Sortie : 19 août 2024 (France). Roman
livre de Camila Sosa Villada
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Après les Vilaines, Sosa Villada continue son cheminement aux côtés d’une héroïne trans, mais en changeant diamétralement d’univers et de dispositif. Fini le roman choral dans le monde bariolé des prostituées portègnes, un splendeurs et misères des temps modernes, poétique et butal : pour ce deuxième roman (paru en Argentine la même année), la romancière revient à un récit plus conventionnel (même si elle opte pour une déconstruction temporelle qui ne parvient qu’à moitié à remplir sa tâche) et raconte plutôt les Illusions perdues d’une actrice ultra connue qui doit lutter sur tous les fronts : discrimination, vie conjugale, maternité, vieillissement. CSV choisit de camper un personnage particulièrement désagréable, et sur ce point-là elle mène bien sa barque : ni apitoiement, ni fausses excuses, les facettes sont suffisamment subtiles pour qu’on suive son parcours sans jamais l’aimer ni non plus vraiment la détester. Mais ce parti-pris a une contre-partie : toutes ces facettes, creusant toujours avec courage là où ça fait mal, finissent par noyer un peu le roman, qui se répète, fait du sur place, saigne de partout sans aucun espoir de cicatrisation. L’autrice ne cherche pas notre assentiment, position inhabituelle que je trouve très valeureuse pour ma part. D’où une sorte de sentiment désemparé au cours de la lecture que je pourrais ainsi résumer : « C’est fort mais c’est lassant. C’est lassant mais c’est fort ».
MANIAC
Sortie : 4 septembre 2024 (France). Roman
livre de Benjamin Labatut
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Il y a toujours un petit danger avec les œuvres à concept, ou disons à construction structurelle forte, c’est qu’elles se laissent un peu dévorer par le principe qui la soutien. Mais je trouve que Labatut s’en sort très bien : l’idée directrice de ne présenter le personnage pivot du livre – la mathématicien Von Neumann, à l’origine des ordinateurs – qu’à travers les différents témoignages de ceux et celles qui l’ont cotoyé n’est une gageure de taille (l'idée n'était ni difficile à avoir ni facile à ùettre en oeuvre), mais il semble se rire des embûches grâce à un sens aigu du montage et du dialogue intérieur. L’avantage, outre l’effet « all about Eve », c’est que ça place l’oeuvre en train de s'écrire au centre de la problématique générale : quels sont les rapports entre la réalité et un concept chargé de la résumer/représenter et à partir de quel moment on risque toujours de basculer de la représentation au remplacement. D’où la coda du livre, quelques décennies après la mort du génie tourmenté, autour de la lutte entre le champion Sedol et Alpha Go, la première intelligence artificielle spécialisée dnas le jeu de go. Faite ainsi, par collages et analogies, la démonstration n’en devient que plus implacable, sans didactisme aucun
Paresse pour tous (2021)
Sortie : 6 mai 2021. Roman
livre de Hadrien Klent
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
C’est un peu schizophrène ce truc : d’un côté l’histoire est marrante, et les arguments développés par le héros, prix nobel d’économie qui s’improvise candidat à la présidentielle, pour justifier son goût du farniente à l’échelle d’un pays, plutôt emballants (disons qu’on a vraiment envie d’y croire), mais de l’autre coté c’est vraiment pas bien écrit. Le style est plat, ce qui est déjà problématique, mais surtout la façon de présenter tout ça ne décolle jamais, et suit un schéma particulièrement scolaire et appliqué. Du coup on aimerait s’arrêter, mais aussi continuer, mais aussi s’arrêter (malin d’avoir situé ça à Marseille)… Dans ces conditions, j’en viens même à me demander si le roman était la forme la plus idoine. En tout cas il aurait fallut quelque chose de plus inventif que ce déroulé convenu, comme pré-mâché pour une sitcom à venir.
1977 (2008)
77
Sortie : 5 mars 2020 (France). Roman
livre de Guillermo Saccomanno
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Evidemment, la période noire de la dictature de Videla et consorts (celle de 1976-83, à ne pas confondre avec la dictature de 43-46, ou celle de 55-58, ou celle de 66-73, on finirait par s’y perdre face à tous ces généraux putschistes et fascistes ) est l’évènement le plus représenté dans la littérature argentine de ces trente dernières années, tant le traumatisme lié à la persécution politique, au climat de terreur et aux adoptions forcées a marqué la nation tout entière. Comme si la littérature, encore plus que le cinéma, était le catalyseur de tous les cauchemars, les non-dits, les refoulements qui hantent l’Argentine depuis lors. Dans ces conditions, à chaque auteur ou autrice de trouver sa spécificité ou son point de vue, comme récemment Enriquez et ses virées dans le roman d’horreur gothique (Notre part de nuit). Saccomano, lui, choisit des expédients moins sanguinolents, mais parvient néanmoins à tricoter un roman original sur ce thème si souvent traité, notamment en choisissant de laisser parler à la première personne un narrateur particulièrement velléitaire, en marge et peu engagé, qui cherche à disparaître, à se fondre dans le décor, à se faire oublier, plutôt qu’à lutter contre le Mal qui s’insinue partout. Le pays entier semble baigner dans une atmosphère nocturne et poisseuse, étrange et feutrée, où le silence et les silhouettes furtives finissent par être plus inquiétantes d’être si inexorables et pourtant fuyantes. Le roman se développe sur des grandes plages de vide, et l’anxiété naît, comme dans les vieux films d’épouvante, d’un hors champ qui reste dans l’ombre. Quelque chose quelque part va surgir, mais où et quoi, c’est à peine si on aura le temps de le pressentir avant de disparaître dans l’oubli, ce châtiment au carré qu’a inventé l’ennemi pour durer même après son éradication.
Bristol (2025)
Sortie : 2 janvier 2025 (France). Roman
livre de Jean Echenoz
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
Je ne sais même pas si je peux parler de déception, parce qu’à faire les comptes ça faite très longtemps que le seul crédit que je donne encore à Echenoz est de savoir faire des livres courts. Au moins c’est pas trop pénible à lire. Ca fait pas bézef. Ouais mais bon, on espère quand même toujours un peu, on se dit c’était passager (un passage de 25 ans, ça fait beaucoup!), quelqu’un va lui dire et il va se reprendre (un éditeur ou une éditrice chez Minuit ? Ah ah ah la bonne blague). Bref, non seulement le deuil a du mal à se faire, mais là ça en devient quasiment nécrophile, à ressortir le cadavre pour vérifier, le re-rentrer, et le ressortir au livre suivant. Va falloir arrêter monsieur Chaiev, fermez le frigo, passez à autre chose et n’en parlons plus.
Écrit sur de l'eau...
Sortie : 1908 (France). Roman
livre de Francis de Miomandre
Chaiev a mis 9/10.
Annotation :
On est ici un peu dans la famille des oubliés de la Belle époque, encadrés en amont par les Décadents et en aval par les Surréalistes. Miomandre est frère de Toulet, Boylesve, de la Ville de Mirmont ou Tinan : ces stylistes élégants plus légers que leurs ainés (mais non moins mélancoliques) et plus nonchalants que leurs successeurs (mais non moins écorchés) qui ont comme politesse du désespoir une sorte d’humour tendre et faussement détaché. Le roman de Miomandre file à toute vitesse sur les pas de Jacques de Meillan, jeune poète marseillais qui n’écrit pas, amoureux impénitent et fils d’un père hableur éternellement ruiné. Comme dans un film de la Nouvelle Vague (sauf qu’ici ce n’est pas la caméra stylo mais le stylo caméra) le narrateur nous embarque à ses trousses le temps de quelques épisodes joyeux et foutraques, racontés et commentés avec une verve taillée dans la plus parfaite ironie, celle qui fait de chaque gifle une caresse, et de chaque caresse une gifle.
« Et puis je t'assure, pour peu que tu aies aimé les femmes, la mer, les couchers de soleil, la littérature symbolique, les relations au hasard et les petits animaux familiers et que tu aies trouvé, en toutes ces formes de tes désirs, les désillusions et les mécomptes que la Providence te permit d'en retirer pour ton perfectionnement moral, tu te retrouveras dans le héros de ce livre. Si tu aimes t'attarder quand tu es en route et ne regarder que les magasins du trottoir de gauche quand tu suis fidèlement, sans en rien voir, le trottoir de droite, si tu connais les charmes du loisir et de la divagation, tu goûteras mon livre. Il ne demande aucun effort pour être lu. Que tu l'ouvres par le milieu, il te sera aussi intelligible que si tu l'abordes au premier chapitre. Pareil à l'éternité, il n'a ni commencement ni fin, mais il est moins long. »
L'Énigme de la Blancarde
L'Énigme de la Blancarde
Sortie : 19 octobre 2005 (France). Roman
livre de Jean Contrucci
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
Suite des tentatives d’épuisement d’un lieu (oups, pardon Georges), avec un coup pour rien. Pas méchant, même pas forcément mauvais, mais on a un peu l’impression d’avoir à faire à de la littérature IA vingt ans avant l’heure : c’est un peu fade, un peu convenu, et franchement sans personnalité ou aspérité. J’imagine que ça fait passer le temps, mais bon alors dans ces cas là je préfère regarder les flots et leurs reflets sur le Vieux Port, ou la pleine lune derrière l'épaule de la Bonne Mère. Ah si une chose à mettre au crédit de ce polar plan plan : c’est marrant d’avoir quelques instantanés du Marseille Belle Epoque, c’est pas si fréquent et plutôt bien distillé. Mouais.
Un sacré bout de chemin (1937)
A Long Way from Hom
Sortie : 7 juin 2022 (France). Récit, Biographie
livre de Claude McKay
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Cette façon qu’a Mc Kay d’écrire à la va comme je te pousse est d’autant plus efficiente qu’elle ne semble pas particulièrement étudiée ou calculée. Aucune pose, aucune stratégie, ou plutôt la stratégie du lâcher prise, avec la grâce qui découle d’un tel oxymore. Oui c’est foutraque et tout hirsute, comme l’était aussi Banjo, mais de toute façon qu’il s’agisse d’un roman ou comme ici d’une autobiographie, l’idée est plus de capter des secousses et des vibrations – la vraie nature dont se revendique Mc Kay est d’être poète. Bon et puis il y a quand même cette chance de découvrir à travers le texte tout un pan complètement escamoté de l’histoire sociale et littéraire du début du siècle, celle d’un écrivain noir qui se promène, de Frank Harris à Trotsky, de la Jamaique à Marseille dans les remous politiques et sociaux d’un Occident déboussolé et furieusement classiste/raciste. McKay s’en amuserait presque, car il est de nature bonhomme, mais c’est aussi un écorché vif qui a choisi ses propres moyens de lutter, ceux du témoin lucide ni dupe ni soumis.
Un linceul n'a pas de poches (1937)
No Pockets in a Shroud
Sortie : 1946 (France). Roman
livre de Horace McCoy
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
Amère, cruelle déception. Gallimard a beau avoir ressorti une version revue et corrigée de la vieille traduc à trou (un grand classique de la Série Noire du temps de Duhamel qui rabotait sans aucun problème histoire de ne jamais dépasser les 250 pages) y’a vraiment pas grand-chose pour sauver le bouquin. Et pourtant ! Mc Coy est un authentique gaucho (non pas à cheval, de ceux qu’on achève bien, mais à gauche quoi) et il s’empare d’un sujet en or, bien décidé à clamer haut et fort la collusion scandaleuse entre journalistes, ruffians et politiques corrompus. A tel point d’ailleurs que le livre paraitra en Angleterre d’abord, personne n’ayant le courage de le sortir dans les Etats Unis de 1936. Ouais mais voilà, un roman ça reste un roman, et quand il est à ce point là mal écrit, ben pour moi plus rien ne tient. Sans compter que je passais mon temps à penser à ce que Steinbeck en aurait fait, forcément la mouise pour Horace. Des dialogues insipides, des scènes qui patinent, une maitrise très aléatoire des temporalités romanesques, passé 30 pages j’ai vécu un calvaire pour arriver au bout, malgré toute la sympathie gênée que j’avais pour l’entreprise.
Morceaux de prose (1917)
Sortie : août 2008 (France). Recueil de nouvelles
livre de Robert Walser
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Toute l’oeuvre, et peut être même toute la vie, de Walser est en morceaux. Il fait partie, à côté de Kafka, de ces poètes absolus du fragment, ces éclats, ces tessons qui coupent traitreusement tous ceux qui tentent de les prendre en main, lecteur aussi bien qu’auteur. Plus la prose semble simple à circonscrire et plus elle échappe à la compréhension : Walser est un tisseur de nuages déjà bientôt effilochés. C’est cet état gazeux de l’esprit qu’il sait capturer sans l’abimer, sans le dénaturer. Et plus il dit qu’il dit et plus il s’efface, quand d’autres fois, pour faire bonne mesure, plus il s’efface et plus on sent sa présence aussi implacable que sans importance.
« Que la vapeur vous soit légère ! », comme disent les Russes.