Repérages en vue d'un rapport rationnel à la connaissance

Annotation :

Ce sont là les notes d'un cours au Collège de France. Comme la plupart des cours de Bourdieu, c'est donc un ouvrage plus facile d'accès que la plupart de ses livres et articles.
A partir des concepts fondamentaux de la sociologie bourdieusienne (champ, capital, habitus), Bourdieu se penche sur la question des conditions de possibilité du progrès de la connaissance scientifique. L'intérêt des positions de Bourdieu est de montrer d'une part que ces conditions de possibilité sont sociales et objectives, et pas du domaine de l'idée, et d'autre part à ne pas admettre, au prétexte que des logiques sociales y président, que ce progrès est illusoire ou arbitraire. Ainsi, si les connaissances scientifiques progressent, ce n'est pas parce que ce progrès est inscrit en elles-mêmes, mais parce que le champ scientifique jouit d'une autonomie relative vis-à-vis des autres champs et notamment du champ du pouvoir, autonomie qui n'est pas une donnée mais le produit de luttes. Cette autonomie tient à ce que seuls valent dans le champ scientifique les jugements scientifiques qui s'expriment dans le contrôle des pairs (l'autonomie la plus visible s'exprimant selon Bourdieu dans le cas de la production mathématique contemporaine, où seuls sont capables de discuter la validité d'un résultat ceux qui ont le moins intérêt à ce que le résultat soit bon). Ces thèses bourdieusiennes sont elles-mêmes le produit d'un travail empirique en sciences sociales, sciences sociales qui sont elles-mêmes loisibles d'une telle analyse (en tenant compte du fait que l'autonomie relative des sciences sociales est moins socialement assurée que celles des autres sciences : cela ne change rien au statut épistémologique de leurs énoncés, mais cela change la structure du sous-champ qui leur correspond), ce qui vient justifier l'exigence de réflexivité mise en avant dans le titre. Bourdieu revient ainsi sur une proposition qui traverse l'intégralité de ses écrits : la réflexivité, c'est-à-dire la possibilité pour les sciences sociales de se prendre elles-mêmes pour objet, est une des conditions de la vigilance épistémologique quant aux énoncés qu'elles produisent.

Annotation :

Les thèses de Popper sont souvent critiquées, mais rarement explicitées en tant que telles pas ceux qui vivent de cette critique. Il faut dire que l'ouvrage est assez difficile : il discute de façon assez serrée un nombre relativement vaste de domaines sur lesquels la plupart des gens n'ont vraisemblablement pas toutes les cartes en main pour le suivre.
Une première partie, à mon sens la plus facile et la plus importante, tourne autour de la critique de l'induction, de la proposition de Popper d'utiliser comme critère de démarcation entre connaissance scientifique et énoncés métaphysiques la falsifiabilité (critère dont l'intérêt résulte de l'asymétrie logique entre énoncés universels et énoncés singuliers). Elle est remarquablement intéressante et argumentée, et ne demande à mon sens pas beaucoup de connaissances préalable (autres que le maniement des outils élémentaires de la logique).
Un chapitre traite spécifiquement des questions liées à l'usage du formalisme probabiliste : de tels énoncés ne sont en effet pas falsifiables (et pas vérifiables non plus, mais c'est le cas de tous les énoncés universels). C'est une partie assez technique : Popper y développe une fondation axiomatique (pas toujours très claire à mon sens) du calcul stochastique, discute ensuite l'usage possible de ce formalisme dans des énoncés scientifique, en rabattant la métaphysique et la logique (les énoncés probabilistes ne sont pas falsifiables) sur une méthodologie (quelles règles se donner pour agir comme s'ils l'étaient). Ce chapitre est notamment nécessaire pour comprendre celui qui suit, qui s'attache à l'interprétation des fondements de la mécanique quantique (et notamment à l'interprétation du principe d'incertitude de Heinsenberg). Ces deux chapitres là sont, je crois, les plus exigeants quant aux connaissances préalables qu'ils exigent. Il me paraîtrait ainsi difficile de les aborder sans avoir une relative maîtrise du formalisme probabiliste (pas forcément dans sa version axiomatique à la Kolmogorov mais au moins tout ce qui touche aux probabilités "classiques"), ou en ignorant tout de la physique moderne (la discussion du principe d'incertitude de Heisenberg est vraisemblablement illisible pour qui ne connaît pas ledit principe et quelques rudiments de physique quantique).
Le dernier chapitre, sur la corroboration des hypothèses scientifiques, ne présuppose plus que le lecteur possède telle ou telle connaissance, mais s'appuie sur l'ensemble des chapitres précédents.

Annotation :

Un livre assez pénible à lire, et qui n'est pas pleinement satisfaisant à certains égards (Popper critique ainsi les thèses de Wittgenstein qui tendent à réduire le problème de la connaissance au problème de la signification). La question traitée par Wittgenstein (celle de la signification) est néanmoins essentielle.

Annotation :

La présence de cet ouvrage peut paraître incongrue, je l'admets. Je la tiens pourtant pour justifiée, si ce n'est essentielle : c'est que pour entretenir un rapport rationnel à la connaissance et aux idées, il faut toujours se souvenir que le monde n'est pas fait d'idées, et partant que les idées ne le changent pas.

Annotation :

Un ouvrage présent ici en raison de sa critique vigoureuse de l'androcentrisme dans les sciences sociales modernes, critique qui ne vient jamais sombrer dans un plat relativisme mais toujours dans la nécessité d'offrir une vue exacte des violences misogynes.

Annotation :

C'est dans ce livre que Bourdieu et Passeron entreprennent d'analyser l'ensemble des obstacles épistémologiques et méthodologiques au progrès d'une science sociale. Le propos s'appuie explicitement sur les thèses de Bachelard et Canguilhem, avec une insistance très forte sur la nécessité de la vigilance et du contrôle épistémologique. Comme souvent dans les ouvrages bourdieusiens, le coût d'entrée n'est pas nul, mais le jeu en vaut la chandelle.