Spicilège

n. m. "recueil de notes, de textes"

Anthologie personnelle de passages qui m'interpellent, glanés çà et là dans l'immense champ des textes

Liste de

10 livres

créee il y a environ 2 ans · modifiée il y a 4 mois

Cicéron
6.9

Cicéron (1940)

Sortie : juin 2020 (France). Biographie, Histoire

livre de Stefan Zweig

Bihir a mis 7/10.

Annotation :

« Le lendemain, un spectacle ignoble attend le peuple de Rome. À cette chaire d'où Cicéron avait tenu ses discours impérissables, pend, livide, la tête du dernier avocat de la liberté. Un gros clou rouillé traverse le front d'où sortirent des milliers de pensées ; livides et amères, les lèvres qui formèrent avec la plus grande beauté le son métallique de la langue latine, sont inertes ; les paupières bleuâtres, fermées, couvrent l'œil qui veilla sur la République durante soixante ans, et les mains qui ont écrit les lettres les plus splendides de l'époque se déploient avec impuissance.
Cependant, aucun des réquisitoires que cet extraordinaire orateur a prononcés de cette tribune contre la brutalité, la rage du pouvoir et de l'anarchie, ne condamne avec plus d'éloquence l'éternelle injustice de la violence que sa tête muette, assassinée : le peuple se presse avec crainte tout autour des Rostres profanés, puis repart dans l'ombre, accablé de honte et de tristesse. Nul n'ose la moindre contestation - la dictature règne ! - mais ils sentent leur cœur se serrer et, troublés, ils baissent le regard devant ce symbole tragique de leur République crucifiée. »

L'Œil et l'Esprit
7.3

L'Œil et l'Esprit (1961)

Sortie : 11 avril 1985 (France). Essai, Philosophie

livre de Maurice Merleau-Ponty

Bihir a mis 8/10.

Annotation :

« Le mot d'image est mal famé parce qu'on a cru étourdiment qu'un dessin était un décalque, une copie, une seconde chose, et l'image mentale un dessin de ce genre dans notre bric-à-brac privé. Mais si en effet elle n'est rien de pareil, le dessin et le tableau n'appartiennent pas plus qu'elle à l'en soi. Ils sont le dedans du dehors et le dehors du dedans, que rend possible la duplicité du sentir, et sans lesquels on ne comprendra jamais la quasi-présence et la visibilité imminente qui font tout le problème de l'imaginaire. Le tableau, la mimique du comédien ne sont pas des auxiliaires que j'emprunterais au monde vrai pour viser à travers eux des choses prosaïques en leur absence. L'imaginaire est beaucoup plus près et beaucoup plus loin de l'actuel : plus près puisqu'il est le diagramme de sa vie dans mon corps, sa pulpe ou son envers charnel pour la première fois exposés aux regards, et qu'en ces sens-là, comme le dit Giacometti : " Ce qui m'intéresse dans toutes les peintures, c'est la ressemblance, c'est-à-dire ce qui pour moi est la ressemblance : ce qui me fait découvrir un peu le monde extérieur. " Beaucoup plus loin, puisque le tableau n'est pas un analogue que selon le corps, qu'il n'offre pas à l'esprit une occasion de repenser les rapports constitutifs des choses, mais au regard pour qu'il les épouse, les traces de la vision du dedans, à la vision ce qui la tapisse intérieurement, la texture imaginaire du réel. »

L'Idiot de la famille
8.7

L'Idiot de la famille

Sortie : 1972 (France). Essai

livre de Jean-Paul Sartre

Bihir a mis 9/10.

Annotation :

« Quand les pères ont des projets, les enfants ont des destins »

« Gustave, lui, s’il ne croit pas, ce n’est pas seulement que la religion catholique apparaît à son érudition comme une confession singulière, localisée dans l’espace et dans le temps et dont la signification présente est fonction d’une longue histoire, c’est aussi qu’il a bu du vin plus fort : par quoi il faut entendre que certains poèmes et même que certaines proses ont donné un aliment plus substantiel à son instinct religieux. Même quand lorsqu’il n’y était pas question de Dieu ? Surtout quand on ne parlait pas de Lui. Aucun dogme, alors, ne rétrécissait Son Immensité ; le Sacré, innommable, innommé, luisait entre les mots, entre les lignes, dans le grand silence qui se refermait sur l’œuvre, la dernière page tournée. »

« Flaubert écrit pour un Occident chrétien. Et nous sommes tous chrétiens, aujourd'hui encore ; la plus radicale incroyance est un athéisme chrétien, c'est-à-dire conserve, en dépit de sa puissance destructrice, des schèmes directeurs - pour la pensée, fort peu ; pour l'imagination, davantage ; surtout pour la sensibilité - dont l'origine est à chercher dans les siècles de christianisme dont nous sommes bon gré mal gré les héritiers. Ainsi, quand bien même nous voudrions changer le monde et le délivrer du grand corps pourrissant qui l'encombre, quand nous refuserions d'empoisonner les âmes avec une morale du salut et de la rédemption, lorsqu'un auteur un peu chinois nous montre un saint qui s'ignore et qui meurt dans la désolation, nul doute que nous soyons ému dans notre plus enfantine pénombre : pour un instant, chrétiens dans l'imaginaire, nous marchons. »

La Nouvelle Héloïse
6.7

La Nouvelle Héloïse (1761)

Sortie : 1761 (France). Roman, Récit

livre de Jean-Jacques Rousseau

Bihir a mis 8/10.

Annotation :

« Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme, avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et, pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité, et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Être existant par lui-même il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas. »

Paracelse

Paracelse

Sortie : 19 mai 1998 (France). Biographie, Philosophie

livre de Alexandre Koyré

Bihir a mis 8/10.

Annotation :

« La Vie et la Nature - voilà les grands thèmes de la philosophie paraceliste, ainsi que de toute philosophie de la Renaissance, la vie et la nature, ou plutôt la vie-nature, car la nature est la vie, et la vie est l’essence la plus profonde de la nature. Le monde est vivant, vivant dans toutes ces parties, petites ou grandes, et il n’y a rien en lui qui ne le soit : les pierres et les astres, les métaux, l’air et le feu. Tout est vivant et l’univers en son entier est un fleuve éternel de vie. »

« La nature, c’est cette force vitale et magique qui, sans cesse, crée, produit et lance dans le monde ses enfants. La nature peut tout, car elle est tout, et tout ce qui se passe et tout ce qui se crée dans le monde est nature et produit de la nature. »

Du Bellay et le sacré

Du Bellay et le sacré (1978)

Sortie : 24 janvier 1995 (France). Essai, Histoire, Littérature & linguistique

livre de Gilbert Gadoffre

Bihir a mis 7/10.

Annotation :

« En lisant l’Odyssée d’Homère dans la perspective d’une herméneutique déjà ancienne mais revigorée par l’humanisme, Du Bellay avait trouvé les figures poétiques de son destin personnel et de la condition humaine.
Car l’Ulysse des Regrets est une figure poétique plus qu’une projection biographique, et la personne qui dit je, l’exilé chagrin, las d’errer, sarcastique, dont les nostalgies s’accordent si bien aux stéréotypes du Romantisme, n’est pas davantage le personnel réel qu’on a voulu y voir. »

Madame Bovary
7.1

Madame Bovary (1857)

Sortie : 1857 (France). Roman

livre de Gustave Flaubert

Bihir a mis 10/10.

Annotation :

« Il s’était tant de fois entendu dire ces choses, qu’elles n’avaient pour lui rien d’original. Emma ressemblait à toutes les maîtresses ; et le charme de la nouveauté, peu à peu tombant comme un vêtement, laissait voir à nu l’éternelle monotonie de la passion, qui a toujours les mêmes formes et le même langage. Il ne distinguait pas, cet homme si plein de pratique, la dissemblance des sentiments sous la parité des expressions. Parce que des lèvres libertines ou vénales lui avaient murmuré des phrases pareilles, il ne croyait que faiblement à la candeur de celles-là ; on en devait rabattre, pensait-il, les discours exagérés cachant les affections médiocres ; comme si la plénitude de l’âme ne débordait pas quelquefois par les métaphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l’exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

« Léon enfin avait juré de ne plus revoir Emma ; et il se reprochait de n’avoir pas tenu sa parole, considérant tout ce que cette femme pourrait encore lui attirer d’embarras et de discours, sans compter les plaisanteries de ses camarades, qui se débitaient le matin, autour du poêle. D’ailleurs, il allait devenir premier clerc : c’était le moment d’être sérieux. Aussi renonçait-il à la flûte, aux sentiments exaltés, à l’imagination, — car tout bourgeois, dans l’échauffement de sa jeunesse, ne fût-ce qu’un jour, une minute, s’est cru capable d’immenses passions, de hautes entreprises. Le plus médiocre libertin a rêvé des sultanes ; chaque notaire porte en soi les débris d’un poète. »

Les Travailleurs de la mer
7.7

Les Travailleurs de la mer (1866)

Sortie : 1866 (France). Roman

livre de Victor Hugo

Bihir a mis 8/10.

Annotation :

« La rêverie, qui est la pensée à l’état de nébuleuse, confine au sommeil, et s’en préoccupe comme de sa frontière. L’air habité par des transparences vivantes, ce serait le commencement de l’inconnu ; mais au delà s’offre la vaste ouverture du possible. Là d’autres êtres, là d’autres faits. Aucun surnaturalisme ; mais la continuation occulte de la nature infinie. Gilliatt, dans ce désœuvrement laborieux qui était son existence, était un bizarre observateur. Il allait jusqu’à observer le sommeil. Le sommeil est en contact avec le possible, que nous nommons aussi l’invraisemblable. Le monde nocturne est un monde. La nuit, en tant que nuit, est un univers. L’organisme matériel humain sur lequel pèse une colonne atmosphérique de quinze lieues de haut, est fatigué le soir, il tombe de lassitude, il se couche, il se repose ; les yeux de chair se ferment ; alors dans cette tête assoupie, moins inerte qu’on ne croit, d’autres yeux s’ouvrent ; l’Inconnu apparaît. Les choses sombres du monde ignoré deviennent voisines de l’homme, soit qu’il y ait communication véritable, soit que les lointains de l’abîme aient un grossissement visionnaire ; il semble que les vivants indistincts de l’espace viennent nous regarder et qu’ils aient une curiosité de nous, les vivants terrestres ; une création fantôme monte ou descend vers nous et nous côtoie dans un crépuscule ; devant notre contemplation spectrale, une vie autre que la nôtre s’agrège et se désagrège, composée de nous-mêmes et d’autre chose ; et le dormeur, pas tout à fait voyant, pas tout à fait inconscient, entrevoit ces animalités étranges, ces végétations extraordinaires, ces lividités terribles ou souriantes, ces larves, ces masques, ces figures, ces hydres, ces confusions, ce clair de lune sans lune, ces obscures décompositions du prodige, ces croissances et ces décroissances dans une épaisseur trouble, ces flottaisons de formes dans les ténèbres, tout ce mystère que nous appelons le songe et qui n’est autre chose que l’approche d’une réalité invisible. Le rêve est l’aquarium de la nuit. »

Notes nouvelles sur Edgar Poe
4.3

Notes nouvelles sur Edgar Poe (1857)

Sortie : 1857. Biographie

livre de Charles Baudelaire

Annotation :

« Pour lui, l’imagination est la reine des facultés, mais par ce mot il entend quelque chose de plus grand que ce qui est entendu par le commun des lecteurs. L’imagination n’est pas la fantaisie ; elle n’est pas non plus la sensibilité, bien qu’il soit difficile de concevoir un homme imaginatif qui ne serait pas sensible. L’imagination est une faculté quasi divine qui perçoit tout d’abord, en dehors des méthodes philosophiques, les rapports intimes et secrets des choses, les correspondances et les analogies. »

Richard Wagner et Tannhäuser à Paris

Richard Wagner et Tannhäuser à Paris

Naissance de la musique moderne

Sortie : 1861 (France). Essai

livre de Charles Baudelaire

Bihir a mis 7/10.

Annotation :

« J’ai souvent entendu dire que la musique ne pouvait pas se vanter de traduire quoi que ce soit avec certitude, comme fait la parole ou la peinture. Cela est vrai dans une certaine proportion, mais n’est pas tout à fait vrai. Elle traduit à sa manière, et par les moyens qui lui sont propres. Dans la musique, comme dans la peinture et même dans la parole écrite, qui est cependant le plus positif des arts, il y a toujours une lacune complétée par l’imagination de l’auditeur. »

Bihir

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