Thomas Bernhard: (h)auteur de l'irritation
< o r d r e c h r o n o l o g i q u e >
9 février 1931 à Heerlen (Pays-Bas) - 12 février 1989 à Gmunden (Autriche)
« Je n'avais jamais voulu devenir que moi-même. » (Le Souffle)
« Mais estima-t-il, c’était une erreur de vouloir ignorer ce qui est ...
16 livres
créée il y a plus de 9 ans · modifiée il y a plus de 8 ansPerturbation (1967)
Verstörung
Sortie : 1989 (France). Roman
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 8/10.
Annotation :
« Nous vivons à l’époque des monologues. L’art du monologue est, il est vrai, un art infiniment supérieur à l’art du dialogue, dit-il. Mais quoique infiniment moins absurde que le dialogue, le monologue n’en est pas moins une absurdité.” Il fallait toujours s’attendre, quand on conversait avec un homme, “quand on se laisse aller, parce qu’on a subitement peur de devoir étouffer, à entrer en conversation avec un homme (avec soi-même !)”, à ce que cet homme mit tout en œuvre pour vous diffamer. “Cela peut se faire de la façon la plus insidieuse, la plus subtile, ou encore de la façon la plus grossière. Toujours, quand les hommes parlent ensemble, ils se diffament les uns les autres. L’art de la conversation est un art de la diffamation, l’art de la conversation avec soi-même est l’art de la diffamation le plus atroce qui soit. Toujours je pense, dit le prince, que mon interlocuteur cherche à me pousser dans son propre abîme alors que je viens à peine d’échapper à mon propre abîme. Les interlocuteurs cherchent à se pousser les uns les autres simultanément dans le plus grand nombre d’abîmes possible. Tous les interlocuteurs se poussent toujours les uns les autres dans tous les abîmes.” Il allait souvent au lit avec, dans la tête, une certaine mélodie classique ou encore en gestation, et quand il se réveillait, la mélodie était toujours là. “Dois-je supposer, dit le prince, que cette mélodie est restée continuellement dans ma tête durant la nuit entière ? Naturellement. Comme tu le sais, me dis-je toujours, il y a toujours tout et tout est toujours dans ta tête. Tout est toujours dans toutes les têtes. Seulement dans les têtes. Hors des têtes, il n’y a rien. Peu importe de quoi et avec qui je m’entretiens, dit le prince, je suis toujours au bout du rouleau du seul fait que je m’entretiens avec quelqu’un. »
« Il y a des hommes, dit-il, qui meurent avec la plus grande résolution et sont résolument morts une bonne fois pour toutes, c'est ainsi que j'aimerais mourir moi-même, mais la plupart des hommes meurent vaguement, vaguement pour la vue, vaguement pour l'esprit, ne sont jamais morts pour de bon. Quel que soit le motif de notre amusement, c'est toujours seulement la mort qui nous occupe, dit-il. Ce qu’il y a de plus spécifiquement humain, dit-il, c’est ce que tout s’accomplit dans la mort. »
L'Origine (1975)
Die Ursache
Sortie : 1975. Autobiographie & mémoires
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 8/10.
Annotation :
Récit autobiographique #1: Simple indication
1975
« C'est précisément ici, sur ce sol mortel qui m'a été donné à ma naissance que je suis chez moi et je suis plus chez moi dans cette ville (mortelle) et dans cette région (mortelle) que dans d'autres. Aujourd'hui, quand je parcours cette ville et que je crois que cette ville n'a rien de commun avec moi parce que depuis longtemps je ne veux avoir plus rien de commun avec elle, tout de moi (intérieurement et extérieurement) vient d'elle. Cette ville et moi nous formons une relation de toute la vie, une relation inséparable bien que terrible. »
« Les professeurs étaient seulement les agents d'exécution d'une société corrompue et au fond toujours ennemie de l'esprit, c'est pourquoi ils étaient eux-mêmes tout aussi corrompus et ennemis de l'esprit et leurs élèves étaient invités par eux à devenir des êtres tout aussi corrompus et ennemis de l'esprit que les adultes. »
« Les faits sont toujours des faits effrayants et nous n'avons pas le droit de les recouvrir de l'angoisse qu'ils nous donnent, de notre angoisse abondamment nourrie qui accomplit chez chacun sans interruption son travail maladif, nous n'avons pas le droit de falsifier ainsi toute l'histoire de la nature considérée comme l'histoire de l'homme, de transmettre toute cette histoire comme une histoire toujours falsifiée par nous parce qu'on a l'habitude de falsifier l'histoire et de la transmettre sous la forme d'une histoire falsifiée, tout en sachant que l'histoire entière n'est qu'une histoire falsifiée qui n'a jamais été transmise que sous la forme d'une histoire falsifiée. »
La Cave
Der Keller
Sortie : 1976 (France). Autobiographie & mémoires
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 9/10.
Annotation :
Récit autobiographique #2: Un retrait
1976
(selon moi, la partie la plus puissante de l'autobiographie)
« L'homme s'enfuit de la vie parce qu'il la connaît pour aller se réfugier dans la morte qu'il ne connaît pas. »
« J’ai tout écouté et je n’ai rien suivi. J’expérimente encore aujourd’hui, ne pas savoir comment cela finira, cela fascine l’homme seul que je recommence à être. Depuis longtemps je ne me suis plus interrogé sur le sens des mots qui ne font que tout rendre de plus en plus incompréhensible. La vie en soi, l’existence en soi, tout est lieu commun. Lorsque, comme je le fais à présent, nous nous remémorons le passé, tout se règle peu à peu de soi-même. A perpétuité nous sommes en compagnie d’êtres qui ne savent pas la plus petite chose sur nous, mais prétendent continuellement tout savoir sur nous ; nos parents et nos amis les plus proches ne savent rien parce que nous-mêmes, nous ne savons pas grand chose à ce sujet. Toute notre vie, nous sommes en train de nous explorer, nous allons sans cesse à la limite de nos moyens intellectuels et nous renonçons. Nos efforts finissent dans l’inconscience totale et dans une dépression fatale, sans cesse mortelle. Ce que nous-même nous ne nous risquons jamais à prétendre, parce que nous sommes nous-mêmes effectivement incompétents, d’autres se risquent à nous le reprocher en négligeant à dessein ou non de voir tout de notre personne physique et morale. Nous sommes constamment des êtres rejetés par les autres qui, chaque nouvelle journée, doivent se retrouver, trier, assembler leur morceaux, se reconstituer. Nous portons nous-mêmes, à mesure que nous progressons en âge, un jugement de plus en plus sévère et il nous faut accepter, du côté opposé, un jugement deux fois plus sévère. »
Le Souffle (1978)
Der Atem
Sortie : juin 2007 (France). Autobiographie & mémoires
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 8/10.
Annotation :
Récit autobiographique #3: Une décision
1978
« Je n'avais jamais voulu devenir que moi-même. »
« L’artiste, l’écrivain en particulier, qui ne va pas de temps en temps dans un hôpital, donc ne va pas dans un de ces districts de la pensée, décisifs pour sa vie, nécessaires à son existence, se perd avec le temps dans l’insignifiance parce qu’il s’empêtre dans les choses superficielles… L’artiste, l’écrivain qui, pour quelques raisons que ce soit, se défile devant ce fait est à priori condamné à l’insignifiance absolue. Si nous tombons malades de la façon naturelle et devons aller dans un pareil hôpital, nous pouvons dire que nous avons de la chance. »
Mes prix littéraires (2009)
Meine Preise
Sortie : mai 2010 (France). Récit
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 8/10.
Annotation :
1980 (année présumée de rédaction, publication posthume)
« Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs,
Il n’y a rien à célébrer, rien à condamner, rien à dénoncer, mais il y a beaucoup de choses dérisoires ; tout est dérisoire quand on songe à la mort.
On traverse l’existence affecté, inaffecté, on entre en scène et on la quitte, tout est interchangeable, plus ou moins bien rodé au grand magasin d’accessoires qu’est l’État : erreur ! Ce qu’on voit : un peuple qui ne se doute de rien, un beau pays — des pères morts ou consciencieusement dénués de conscience, des gens dans la simplicité et la bassesse, la pauvreté de leurs besoins… Rien que des antécédents hautement philosophiques, et insupportables. Les époques sont insanes, le démoniaque en nous est un éternel cachot patriotique, au fond duquel la bêtise et la brutalité nous sont devenus les éléments de notre détresse quotidienne. L’État est une structure condamnée à l’échec permanent, le peuple une structure perpétuellement condamnée à l’infamie et à l’indigence d’esprit. La vie est désespérance, à laquelle s’adossent les philosophies, mais qui en fin de compte condamne tout à la folie.
Nous sommes autrichiens, nous sommes apathiques ; nous sommes la vie en tant que désintérêt généralisé pour la vie, nous sommes, dans le processus de la nature, la mégalomanie pour toute perspective d’avenir.
Nous n’avons rien à dire, si ce n’est que nous sommes pitoyables, adonnés par imagination à une monotonie philosophico-économico-mécanique.
Moyens à fin de déchéance, créatures d’agonie, tout s’explique à nous et nous ne comprenons rien. Nous peuplons un traumatisme, nous avons peur, à juste titre nous avons peur, car nous apercevons déjà, bien que confusément, à l’arrière-plan: les géants de l’angoisse.
Ce que nous pensons l’a déjà été pour nous, ce que nous ressentons est chaotique, ce que nous sommes reste obscur.
Nous n’avons pas à avoir honte, mais nous ne sommes rien non plus et ne méritons que le chaos.
En mon nom et au nom des personnes distinguées en même temps que moi par ce jury, je remercie très expressément tous ceux ici présents. »
— Thomas Bernhard, Discours lors de la remise du prix d'État autrichien, 1968
Le Froid (1981)
Die Kälte
Sortie : janvier 2001 (France). Autobiographie & mémoires
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 9/10.
Annotation :
Récit autobiographique #4: Une mise en quarantaine
1981
« La vie n'est rien que l'exécution d'une peine, me dis-je en moi-même, il faut que tu supportes l'exécution de cette peine. À perpétuité. La vie est un établissement pénitentiaire avec très peu de liberté de mouvement. Les espérances se révèlent un faux raisonnement. »
« Notre vie durant, nous remettons à plus tard les grandes questions jusqu'à ce qu'elles soient devenues une montagne de questions et nous assombrissent. Mais alors il est trop tard. Nous devrions avoir le courage (envers ceux que nous devons interroger comme envers nous-mêmes) de les tourmenter sans ménagements, inexorablement, de questions, nous devrions ne pas les épargner, ne pas les tromper en les épargnant. Nous regrettons tout ce que nous n'avons pas demandé quand celui qu'il faut interroger n'a plus d'oreille pour ces questions, quand il est déjà mort. Cependant, eussions-nous posé toutes les questions, aurions-nous une seule réponse ? Nous n'acceptons pas la réponse, nous n'acceptons aucune réponse, nous ne le pouvons pas, nous n'en avons pas le droit, telle est notre disposition affective et intellectuelle, tel est notre ridicule système, tels sont notre existence, notre cauchemar. »
Un enfant (1982)
Ein Kind
Sortie : 1984 (France). Autobiographie & mémoires
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 7/10.
Annotation :
Récit autobiographique #5
1982
« Plus les gens deviennent cultivés, plus leur bavardage devient insupportable. »
Avant la retraite
Sortie : juin 1997 (France). Théâtre
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 6/10.
Annotation :
Théâtre
1982
« Mais ce dont il s’agit
C’est de perfectionner
le rôle que nous jouons
parfois nous ne comprenons pas cela nous-mêmes
alors nous sommes plongés dans le malaise
mais nous savons exactement ce que nous avons à faire
Toi c’est avec le fauteuil roulant
c’est au moins aussi cruel
que moi avec Rudolf
Nous ne pouvons pas faire autrement
nous nous mentons
mais que c’est beau en fin de compte
ce que nous faisons
en le jouant
et ce que nous jouons
en le faisant
Contrevenir à nos lois
n’est plus possible »
Goethe se mheurt (2013)
Goethe schtirbt
Sortie : 2013 (France). Récit
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 8/10.
Annotation :
Goethe se mheurt: 19.03.1982
Montaigne Un récit. 08.10.1982
Retrouvailles: 1982
Parti en fumée. Carnet de voyage pour un ami d'autrefois: 1983-84
« Car tous les matins, nous sommes obligés de nous rappeler que nous sommes le fruit de la terrible démesure de nos parents, qui nous ont engendrés dans une véritable mégalomanie procréatrice, nous jetant dans ce monde toujours plus atroce et répugnant que réjouissant et utile. Nous devons notre désarroi à nos géniteurs, notre impuissance, toutes les difficultés auxquelles, jusqu’à la fin de nos jours, nous sommes incapables de faire face. »
Le Naufragé (1983)
Der Untergeher
Sortie : 1983 (France). Roman
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 8/10.
Annotation :
Trilogie artistique #1: la musique
« Au fond, je hais la nature, disait-il encore et toujours. Moi-même, j’avais fait mienne cette phrase, et je me la dis aujourd’hui encore, et je crois bien que je me la dirai toujours, pensai-je. La nature est contre moi, disait Glenn dans la même optique que moi, de mon côté, je dis encore et toujours cette phrase, pensai-je. Notre existence consiste à être continuellement contre la nature et à procéder contre la nature, disait Glenn à précéder contre la nature jusqu’au moment où nous baissons les bras parce que la nature est plus forte que nous, nous qui, par outrecuidance, avons fait de nous-mêmes un produit de l’art. Nous ne sommes pas des hommes, nous sommes des produits de l’art, l’interprète au piano est un produit de l’art, une chose répugnante, dit-il pour conclure. Nous sommes ceux qui voulons continuellement échapper à la nature mais nous n’y arrivons pas, naturellement, dit-il, pensai-je, nous restons sur le carreau. Au fond, nous voulons être piano, dit-il, non pas homme mais piano, notre vie durant nous voulons être piano et pas homme, nous fuyons l’homme que nous sommes pour devenir entièrement piano, et pourtant cela échoue nécessairement, et pourtant nous ne voulons pas y croire, c’est lui qui parle. L'interprète au piano (il ne disait jamais pianiste !) est celui qui veut être piano, et je me dis d'ailleurs chaque jour, au réveil, que je veux être le Steinway, non point l'homme qui joue sur le Steinway, c'est le Steinway lui-même que je veux être. Parfois nous sommes proches de cet idéal, dit-il, très proches, spécialement quand nous croyons que nous sommes d'ores et déjà fous, quasiment sur le chemin de cette démence que nous craignions plus que tout au monde. »
Des arbres à abattre (1984)
Holzfällen
Sortie : 1985 (France). Roman
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(sous-titré: Une irritation)
Trilogie artistique #2: le théâtre.
« Des personnes comme la Joana se suppriment, pensai-je dans le fauteuil à oreille, tandis que des parasites comme les Auersberger vivent et vivent et vivent, et s’ennuient finalement à mourir leur vie durant, et deviennent plus vieux et plus vieux et encore plus vieux et ne sont que des gens inutiles. Des personnes comme la Joana finissent au bout d’une corde qu’elles se sont elles-mêmes nouée autour du cou, après quoi on les fourre dans un sac en plastique et on les enterre à moindres frais, tandis que des gens comme les époux Auersberger ne savent pas combien de dîners ils devront donner à combien de comédiens du Burg pour tromper leur ennui écœurant et leur insane cafard. Des gens comme la Joana n’ont que leur misère pendant des années et finissent par se suicider, tandis que des gens comme les Auersberger ont de tout en abondance et deviennent vieux et très vieux et ne sont rien du tout, pensai-je. »
« Être artiste en Autriche, cela signifie dans la plupart des cas se mettre à la disposition de l’État quel qu’il soit et se laisser entretenir par lui jusqu’à la fin de ses jours. La voie de l’artiste autrichien, aussi fréquentée que tortueuse, est celle de l’opportunisme, une voie pavée de bourses d’État et de prix, jonchée de médailles et de distinctions honorifiques au cimetière central. »
Maîtres anciens
Alte Meister - Komödie
Sortie : 1985 (France). Roman
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
(sous-titré: Comédie)
Trilogie artistique #3: la peinture
« Jusqu’ici, dans chacun de ces tableaux, soi-disant chefs-d’œuvre, j’ai trouvé un défaut rédhibitoire, j’ai trouvé et dévoilé l’échec de son créateur. Depuis plus de trente ans, ce calcul infâme, comme vous pourriez le penser, s’est révélé juste. Aucun de ces chefs-d’œuvre mondialement connus, peu importe leur auteur, n’est en vérité un tout et parfait. Cela me rassure, a-t-il dit. Cela me rend heureux. C’est seulement lorsque nous nous sommes rendus compte, à chaque fois, que le tout et la perfection n’existent pas, que nous avons la possibilité de continuer à vivre. »
Extinction (1986)
Un effondrement
Auslöschung - Ein Zerfall
Sortie : 1986 (Autriche). Roman
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
(Dernier roman publié, cependant d'après le demi-frère de TB, le Dr Peter Fabjan, le roman aurait été rédigé en 1980)
« Je méprise les gens qui sont constamment en train de photographier et qui se promènent tout le temps avec leur appareil photographique pendu au cou. Ils sont sans cesse à la recherche d’un sujet et ils photographient tout et n’importe quoi, même ce qu’il y a de plus absurde. Sans cesse ils n’ont rien d’autre en tête que de se représenter eux-mêmes et toujours de la façon la plus repoussante, ce dont ils n’ont cependant pas conscience. Ils fixent sur leurs photos un monde perversement déformé, qui n’a rien d’autre en commun avec le monde réel que cette déformation perverse dont ils se sont rendus coupables. Photographier est une manie ignoble qui atteint peu à peu l’humanité entière, parce qu’elle n’est pas seulement amoureuse de la déformation et de la perversité, mais qu’elle en est entichée et qu’en vérité, à force de photographier, elle prend à la longue le monde déformé et pervers pour le seul véritable. Ceux qui photographient commettent l’un des crimes les plus ignobles qui puissent être commis, en rendant la nature, sur leurs photographies, perversement grotesque. Sur leurs photographies, les gens sont des poupées ridicules, désaxées au point d’en être méconnaissables, défigurées, oui, qui regardent d’un air effrayé leur ignoble objectif, de façon idiote, repoussante. Photographier est une passion abjecte qui atteint tous les continents et toutes les couches de la population, une maladie qui a frappé l’humanité entière et dont celle-ci ne pourra jamais être guérie. L’inventeur de l’art photographique est l’inventeur de l’art le plus misanthrope de tous les arts. C’est à lui que nous devons la déformation définitive de la nature et de l’homme qui y vit, en la caricature perverse de l’une et de l’autre. Je n’ai encore jamais vu sur aucune photographie un homme naturel, autrement dit un homme véritable et vrai, comme je n’ai encore jamais vu sur aucune photographie une véritable et vraie nature. La photographie est le plus grand malheur du XXe siècle. »
Simplement complique
Sortie : juin 1997 (France).
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 8/10.
Annotation :
Théâtre
1986
« Nous désespérons très tôt
Tiré profit du désespoir
le désespoir
a fait de moi un génie
Là où le mensonge règne
le génie s'épanouit sans qu'on s'en rende compte »
« Mais lire est une absurdité
Gaspillage de temps
Passé deux années pleines
seulement avec Shakespeare
enfermé avec Shakespeare
et avec Schopenhauer
Nous ne tolérons rien d’autre
nous nous mettons au cachot avec Shakespeare
et avec Schopenhauer
Nous ne supportons même pas la musique »
« Les humains sont cruels mon enfant
et délire de pouvoirs
l’humanité entière délire de pouvoirs
où que nous regardions
nous ne voyons qu’une humanité délirant de pouvoirs
nous sommes au cœur d’un processus catastrophique de crétinisation »
« Nous n'avons cru en rien
mais tout pris pour vrai
De tout nous nous sommes laissé persuader
et nous l'avons recraché
recraché
recraché
recraché »
Place des héros
Heldenplatz
Sortie : juin 1997 (France). Théâtre
livre de Thomas Bernhard
Templar a mis 10/10.
Annotation :
Théâtre
1988 (l'ultime pièce de Bernhard)
« le monde n’est déjà plus en fait aujourd’hui qu’un monde détruit
en fin de compte insupportablement laid
on peut aller où on veut
le monde aujourd’hui n’est plus que laid
un monde de stupidité d’un bout à l’autre
tout est à l’agonie où qu’on regarde
le mieux serait de ne plus se réveiller
ces cinquante dernières années ceux qui nous gouvernent ont
tout détruit
et ce n’est plus réparable
les architectes ont tout détruit
par leur stupidité
les intellectuels ont tout détruit
par leur stupidité
le peuple a tout détruit
par sa stupidité
les partis et l’Église
ont tout détruit par leur stupidité
qui a toujours été une stupidité pleine de bassesse
et la stupidité autrichienne est une stupidité de bout en bout repoussante »
Thomas Bernhard et les siens
Sortie : novembre 2005 (France). Biographie
livre de Gemma Salem et G. Salem
Templar a mis 6/10.
Annotation :
SUR THOMAS BERNHARD
« Thomas Bernhard est un traître. Il a écrit un livre, Heldenplatz, où il dit du mal de l’Autriche et de nous, les Autrichiens. Il a dit que nous avions fait du mal aux juifs. Comme si le monde entier n’avait pas fait du mal aux juifs. Et vous, en France, aussi. »
« La seule fois où Thomas Bernhard m’a adressé la parole c’était un matin ici même, pour m’insulter. Il m’a traité de gros tas. Lui aussi passait beaucoup de temps au bistrot. »
« Quand il vivait chez nous, mon mari était souvent occupé à l’extérieur, moi aussi, et je demandais à Thomas de rester à la maison pour surveiller le chauffage. Mais il fuyait de la maison aussitôt et laisser le chauffage s’éteindre. On ne pouvait pas compter sur lui. C’était un irresponsable. Impossible de vivre en harmonie avec lui. Il nous a utilisés. Pompés. Et encore, avec plaisir. »
« La guerre de Thomas Bernhard contre les ennemis du dedans et ceux du dehors vaut bien une paix de l'esprit qui ressemble si souvent à une débâcle ou à une captivité. »