Top 10 Albums selon Keith Morrison

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Une évidence. Rien n'égalera jamais "Hounds of Love", son audacité, son génie, sa beauté pop inouïe. Je ne dis pas cela de façon péjorative ou pédante pour dire "la musique c'était mieux avant", car non, la musique n'était pas mieux avant, cette liste le prouve. Mais "Hounds of Love", et la discographie monstrueuse de Kate Bush en général, est un chef-d'oeuvre pur et personne ne pourra proposer quelque chose qui ressemblera à ça et c'est un fait. Kate Bush a redéfini ce que la musique pop pouvait être avec cet album et à quel point celle-ci pouvait donner lieu à une escapade dans un imaginaire fort de surréalisme et qui parle de choses pourtant bien réelles. C'est grandiose, tout simplement.

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Un album qui, de façon très douce, m'a accompagné à travers mes années lycée et, forcément, à travers des moments très formatteurs de ma vie, en questionnant la superficialité et le ridicule du monde qui nous entoure et en laissant apparaître l'amour comme la seule chose qui importe dans cette existence. La magie de Frank Ocean, c'est qu'après m'avoir épaulé et guidé pendant plusieurs années avec "channel ORANGE", il est réapparu en 2016 à un moment très important de ma vie - peut-être le plus important ? - avec deux albums qui ont pris le relai et continuent de m'accompagner tous les jours. Une voix qui a été très présente devenant une sorte d'épaule sur laquelle je peux toujours m'appuyer quand j'en ai besoin.

"Whoever you are. Wherever you are… I’m starting to think we’re a lot alike. Human beings spinning on blackness. All wanting to be seen, touched, heard, paid attention to." écrivait Frank Ocean sur son Tumblr - 2012, quelle époque ! - quelques jours avant de révéler "channel ORANGE" - et lui-même - au monde entier. Et en effet, il semblerait que l'on ait tous beaucoup de choses en commun.

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Un petit album de folk qui, lorsque je l'ai écouté en 2015, m'est apparu comme cette petite chose fragile mais sympathique et douce, puis qui, au fil des années, a fini par prendre énormément de sens et m'a frappé différemment. Je suis persuadé que très peu d'artistes, de réalisateurs, d'auteurs ou de musiciens ont réussi à représenter le deuil de cette façon. C'est un album profondément troublant et terriblement touchant. Une oeuvre très personnelle, très intime, mais qui réussit à parler à tout le monde car même si Sufjan Stevens parle d'un événement particulier dans sa vie, il chante aussi quelque chose que l'on connait tous. Le tout dans un décor musical sublime, où la folk onirique de l'artiste américain devient un spectacle de subtilité et de justesse saisissant.

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Je sais que "A Seat at the Table" n'a pas été créé pour moi. Je sais que je n'aurais jamais les mêmes expériences que Solange. Je sais que les sujets qu'elle aborde sur cet album sont très loin de mon quotidien. Je sais qu'il y a des choses que je ne comprend pas, ou du moins que je n'ai pas forcément saisi, sur ce disque. Des choses que je ne comprendrai probablement jamais car je ne suis pas à la place de Solange. Mais j'ai quand même dû trouver quelque chose dedans car c'est un album vers lequel je retourne constamment. Plus qu'une oeuvre engagée, "A Seat at the Table" est une ode à la vulnérabilité et à la façon dont cette vulnérabilité peut devenir une force. Je trouve ça important de se le rappeler, que des fois nous n'avons pas envie de "ressentir ces nuages de métal" mais qu'ils sont quand même là, comme un poids que l'on doit supporter, surmonter, et qui nous empêche d'être nous, d'être tout ce que l'on pourrait être. "A Seat at the Table" est une expérience incroyable, tellement vulnérable mais tellement honnête et humaine, mettant en musique des choses très simples mais qu'on ne dit que trop rarement car elles nous semblent évidentes, mais elles ne le sont pas vraiment. C'est un album vulnérable, vous l'aurez compris, mais qui est habité par une fierté puissante. Être fier d'être soi, être fier d'être vulnérable. Putain ce que c'est beau.

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Tout comme "A Seat at the Table", "Freetown Sound" parle d'expériences qui ne sont pas les miennes et de choses que je ne peux pas comprendre entièrement. Mais au delà de ça, "Freetown Sound" est une véritable célébration à laquelle tout le monde est invité. Tout comme "A Seat at the Table" encore une fois - assez dingue que ces deux disques soient sortis la même année - "Freetown Sound" est marqué par une profonde vulnérabilité, cette impression de ne jamais vraiment trouver sa place dans ce monde. Mais au lieu de seulement mettre cela en lumière, le troisième opus de Blood Orange le célèbre. Balançant des vérités douloureuses sur une musique pop-R&B explosive, joyeuse et colorée, Dev Hynes créé un contraste frappant qui rend des pensées et des questions pesantes en quelque chose de beau, en quelque chose dont nous devrions être fiers et s'estimer heureux d'avoir. Des choses qui font de nous... nous. Le tout délivré à plusieurs voix sur les productions les plus éclatantes de sa carrière.

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Un parfum de liberté s'émane de ce disque à la fois triste, doux et beau. Une folk délicate mais infiniment puissante nous enveloppe et nous transporte ailleurs. Le spleen de Justin Vernon s'était déjà exprimé sur "For Emma, Forever Ago" dans une version organique enregistrée dans une petite cabine dans le fin fond du Winsconsin. "Bon Iver, Bon Iver" voit le musicien et sa mélancolie sortir des bois pour découvrir le monde, se confronter à celui-ci, à sa douleur, à sa beauté. Par conséquent, la folk de Bon Iver évolue elle aussi, s'enrichissant de nombreuses couches sonores pour devenir cette chose assez paradoxale entre une musique simple, atmopshérique et légère, qui frappe juste et directement, et une tornade qui nous emmène dans un voyage intense où les émotions de Justin Vernon se font ressentir intensément. C'est une des plus belles choses qui soit parvenue à mes oreilles. Un album auquel je pense tous les jours et qui est une source de réconfort inépuisable. Car parfois quand on est triste, entendre quelqu'un exprimer sa tristesse est la seule chose dont on a vraiment besoin. Et personne n'exprime son spleen mieux que Justin Vernon.

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Sad boys forever. <3

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Grandir n'est pas quelque chose de facile, mais c'est un passage obligatoire, auquel on ne peut pas échapper. Quelle chance alors d'avoir un album comme "Ctrl" qui nous fait nous sentir beaucoup moins seuls et qui réussit à apporter un peu de beauté à cette période très étrange. "Ctrl" parle de ça : de devoir grandir, de ne pas réussir à la faire, d'avoir l'impression de le faire mal. Car si pour certains le passage à l'âge adulte peut être un moment émancipateur à travers lequel on se trouve, pour beaucoup de personnes c'est un moment de confusion très fort. "How could it be? 20 something, all alone still, not a thing in my name / Ain't got nothin', runnin' from love, only know fear" chante SZA sur la dernière piste de son premier album. Et comme ça, elle a tout dit. Elle ne nous a pas donné de réponse à "comment grandir ?", "comment surmonter ce moment ?" et, surtout, "est-ce qu'il y a une bonne façon de grandir ?". Elle nous dit juste que elle aussi a du mal à grandir. Elle aussi fait des erreurs, a l'impression de se trouver et de trouver des repères puis les perd et se retrouve face à une confusion extrême. Elle aussi voit tout changer autour d'elle, les gens qu'elle aimait, les choses qu'elle prenait pour acquis. Elle aussi a l'impression d'être en retard, et putain qu'est-ce que ça fait mal de ressentir cela. Avec "Ctrl", SZA dit juste "moi aussi" de façon parfois très assurée et, des fois, c'est tout ce qu'on a besoin d'entendre.

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Que dire de plus sur ce mastodonte qu'est "My Beautiful Dark Twisted Fantasy" ? Un album qui semble mettre tout le monde d'accord, le public comme la critique, les fans de hip-hop comme ceux qui n'en écoutent pas. Le sixième opus de Kanye West est son meilleur. C'est indéniable, désolé. Il s'agit d'un des disques les plus dingues qui existent. La démesure, l'opulence, l'audacité, le génie et l'égocentrisme, aussi, à leur paroxysme. "My Beautiful Dark Twisted Fantasy", c'est surtout un album qui m'a ouvert énormément de portes. Un album qui m'a fait aimer la musique encore plus et qui m'a montré qu'elle pouvait être quelque chose d'encore plus grand, d'encore plus fou que ce que je connaissais. C'est un album qui m'a donné envie d'écouter tout, de m'intéresser à tout, de tout aimer, de tout respecter (en matière de musique et d'art uniquement, bien sûr). Je lui en suis énormément redevable et je l'aime toujours autant aujourd'hui que lorsque j'avais 16 ans et pensais que le monde m'appartenait. "Can we get much higher?" Je ne crois pas.

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J'ai eu 16 ans, j'ai été adolescent, j'ai vécu ce moment où tout est nouveau et incroyablement excitant et en même temps où un tout petit truc peut sembler être la fin du monde. Franchement, quelle chance d'avoir pu vivre ces moments de joie intense et de peine inconsolable. Quelle chance, aussi, d'avoir pu les vivre au moment où Lana Del Rey, chanteuse connue pour mélanger sa mélancolie exagérée avec une urgence de vivre en total désaccord avec l'image que beaucoup ont d'elle, a percé et était partout. Je n'imagine pas mon expérience du lycée sans sa musique. "Ultraviolence" est arrivé juste après cette période, littéralement le moment où tout cela s'est achevé (si ça vous intéresse, c'était le premier jour de mes épreuves du bac). C'était un album moins prononcé, plus sombre, assez difficile d'accès en réalité, très lourd et loin des envolées de violons pop mélodramatiques et des beats hip-hop de "Born to Die". C'est une sorte de trip à travers un Los Angeles fantômatique, une plongée dans un univers étrange, entre rêve et réalité, rappelant un film de David Lynch. C'était une métaphore parfaite pour ce que je vivais aussi. Ce qui arrive après des années où l'on vit dans le moment présent et ressent tout à 200%. Cette conclusion qui n'en est pas une où l'on se dit "so now what?", tout ce qu'il nous reste à faire étant d'érer sans but dans les ruines de la naïveté précieuse que l'on vient de perdre. Ca paraît grave déprimant comme ça, ça l'est mais c'est pas si mal en réalité. C'est un passage important, pas le meilleur mais décisif. Un entre-deux. Et "Ultraviolence" dans la discographie de Lana Del Rey, c'est aussi ça. Un entre-deux.