Typologie raisonnée et fantaisiste des dépressions musicales

Annotation :

Le dandy baroque, qui se complaît dans une déploration élégiaque et lyrique de sa propre désespérance. La mort de Didon et son magnifique tétracorde descendant est un idéal compagnon de l'auditeur raffiné et averti, qui nous dit, de son fauteuil, l'air hautain et méprisant, que son malheur vaut bien le nôtre, sinon plus.

"Forget my fate."

Annotation :

Pour la Sarabande bien sûr. Hymne plombant du cinéphile averti, qui aura forcé sur le Barry Lyndon et pour qui les variations multiples sur un même thème orchestrées dans le film sont d'autant de clous enfoncés dans son marasme. Point de paroles, un peu de clavecin suffit amplement, avec toute la dimension itérative, litanique et donc hypnotique que peut porter l'ensemble. Le dandy cinéphile dépressif est un obnubilé.

Annotation :

Celui-là se complaît dans une forme particulièrement narcissique de déprime : le simple fait de savoir que l'oeuvre, célébrant une mort, est inachevée puis complétée post-mortem ouvre en lui une béance contemplative en vases clos : Mozart y célébrait-il sa propre mort imminente ? La mort repliée sur elle-même, quoi de plus déprimant ? Non, vraiment, la grandeur et la noirceur de cet opus font de son écoute un subtil mélange de complaisance et de mélancolie altière.

Annotation :

Pour les maladifs, les condamnés, les hypocondriaques en tous genres. Un soupçon de romantisme et vous apprécierez outre mesure ce voyage dépouillé aux confins de la solitude et de la souffrance. Pas une oeuvre facile, sûrement la plus poignante de son compositeur dont la santé épousait l'humeur musicale. Plus largement, l'oeuvre de chevet de ceux qui broient du noir, l'hiver au coin du feu. Seuls.

Annotation :

Ceux qui choisiront cette oeuvre de mister Strauss aiment crier leur désespoir sur tous les toits. Didon à côté c'est une introvertie. La musique est sublime, forcément sublime, mais la souffrance individuelle partagée en grande pompe est elle une vraie souffrance ? Il y a du théâtre dans l'affliction de ces gens-là.

Annotation :

Un succédané convaincant des mélodies souvent déchirantes et intimistes de la grande dame brune. Pour les souffreteux solitaires, humbles et introvertis. Vous les croiserez peut-être dans un de leurs moments de souffrance, dans le métro, le casque sur la tête et la larme à l'oeil. Mais ils seront fermés, car leur peine ne se partage pas.

Annotation :

La version virile, masculine et peut-être parfois un peu beauf de la déprime selon Barbara. Rappelons qu'elle a commencé par reprendre Brel et Brassens, deux figures tutélaires et pas franchement rigolardes. Ceux qui se reconnaissent dans cette humeur aiment l'amour fou, la violente déchirure sentimentale, mais aussi l'alcool, les putes, la saleté et la misère.
Nan Jef, t'es pas tout seul.

Annotation :

Atrabilaires et cyniques en tous genres, désabusés mes amis, bienvenue dans le cirque nonchalant, débonnaire et je-m'en-foutiste du pote Alain. Ainsi va la vie, à tous ceux qui aiment lui dire merde sur fond d'arrangements pour cordes sophistiqués. Dandys du nouveau siècle en quelque sorte.

Annotation :

Je connais mal la madame, mais rien que pour "Il est mort le soleil" et "Mamy Blues", tout ce que représentent de souffrances et de malheurs contenus et sauvagement libérés ces deux chansons, elle se devait d'être ici, pour tous ceux qui expriment à travers la musique un mal être qui ne veut pas dire son nom.