Une espèce rare : les albums-concept parfaits...

Oui, cette liste sera courte.
Deux raisons à cela.
La première, évidente, c'est que ces disques ne courent VRAIMENT pas les rue et que, une fois n'est pas coutume, je serai rigoureux dans la sélection sans me laisser aller à mes crises de nostalgie (aussi appelées "pré crises de la ...

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Liste de

5 albums

créee il y a plus de 11 ans · modifiée il y a environ 1 mois

I Am Sitting in a Room
7.6
1.

I Am Sitting in a Room (1981)

Sortie : 1981 (France). Spoken Word, Sound Art

Album de Alvin Lucier

toma Uberwenig a mis 10/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Description :
Lucier lit un texte décrivant le processus d'enregistrement : s'enregistrer, puis rediffuser l'enregistrement pour le réenregistrer...etc, jusqu'à disparition de sa voix pour qu'il ne reste que les traces de l'espace sonore, la résonance de la pièce, articulé par sa voix.

Le disque gagne légitimement sa première place ici, de par la magistrale résonance entre son concept, son mode opératoire et son contenu sonore.
Au gré des répétition, le texte lu par Lucier, tout d'abord simple description de son processus de création, devient ensuite ritournelle poétique, puis poésie sonore, jusqu'à sa disparition totale et annoncée, devenu désormais un outil fonctionnel destiné à articuler l'architecture secrète de cette fameuse pièce dans laquelle se déroule l'expérience sonore.
A Bruit Secret.

Et la mise en abîme est d'autant plus profonde que chaque diffusion du disque est comme l'invocation de cette architecture sonore, de ce lieu qui s'éloigne dans l'espace et dans le temps, car Lucier nous le dit explicitement : "I am sitting in a room different from the one you are in now".

Synergie, jeu de résonance et ligne de fuite, révélation au sens strict via un mode opératoire implacable, découverte d'une interzone où les sons, les couleurs, les formes se répondent et se confondent.

Du génie.

POURQUOI DANS CETTE LISTE ? : identité entre contenu, propos et support, les 3 éléments sont réunis!

Balance
7.6
2.

Balance (1998)

Sortie : 1998 (France).

Album de Merzbow et Ladybird

toma Uberwenig a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

Mon disque de coeur de cette liste, qui s'impose de par la perfection et la simplicité pure de son mode opératoire.

Annoncé presque comme une blague ("Incroyable! 3 albums en 1") on se retrouve avec 1 album de noise sur une enceinte, un karaoké étrange sur l'autre, et un véritable troisième album, le mélange des deux, qui transcende l'ensemble.
Simple, efficace, parfait. Juste parfait. Et en plus, la musique est bonne.

Et quand la musique est bonne...

POURQUOI DANS CETTE LISTE : concept simple et efficace justifié par le contenu musical qui offre véritablement un 3eme disque à l'auditeur. La dialectique illustrée, en somme.

From Here → Infinity
7.1
3.

From Here → Infinity (1987)

Sortie : 4 novembre 1987 (France). Leftfield, Minimal, Rock

Album de Lee Ranaldo

toma Uberwenig a mis 9/10.

Annotation :

Tout est dans le titre.
L'objet en question est le vinyle sorti en 1987. Beau disque transparent, la plupart des morceaux se termine en "locked groove", une boucle tournant à l'infini, faisant en sorte que ces morceaux ne se termine littéralement jamais... Déjà utilisées, jamais néanmoins les locked groove n'avaient été poussée dans ce retranchement poétique, étirant les morceaux, le lieu vers un infini annoncé dans le titre.

Ce disque a donc gagné sa place ici.

POURQUOI DANS CETTE LISTE : résonance poétique entre le propos artistique et le support vinyle.

Σ = a = b = a + b (EP)
6.4
4.

Σ = a = b = a + b (EP) (1969)

Sortie : 1969 (France). Abstract, Experimental, Electronic

EP de Éliane Radigue

toma Uberwenig a mis 8/10.

Annotation :

Le tout premier disque d'Eliane Radigue, "Sigma (A=B=A+B)" (1969), présentait deux disques 45t identiques avec sur chaque face une composition assez bruitiste et minimale (dans la logique des sons continus), destinés à être joués soit séparément, soit en même temps. Jusque là, sur le papier, pas mal, mais bon... Mais le disque pouvait (et devait) être joué à n'importe quelle vitesse, de 16 à 78 tours, offrant à chaque vitesse quelque chose de fondamentalement différent. Paradoxalement, plus la vitesse était rapide, plus le son semblait lent, car chaque vitesse mettait (évidemment) en avant d'autres élément dans l'épaisseur du son.
Du coup, si on fait la somme de tout ça, entre la dimension ludique de l'objet, la richesse quasi infinie des possibilités (car certaines platines vinyle à plateau Lenco avait un bras de variation de vitesse allant de 16 à 78 tours, permettant toutes sortes de vitesses intermédiaires), l'implication directe de l'auditeur dans le processus créatif, la mise en place des prémices du mix sauce DJ-ing, on a un objet qui danse avec la perfection (seul bémol : la laideur de la pochette, et la rareté du disque, édition limitée à 250 exemplaires et confinée au milieu des galeries d'art, réédité cela dit à 400 exemplaires en 2001 je crois (pas sûr de la date), pour les chanceux et les motivés) ).

(Un gros merci au Mélomane de l'Impossible Non-Sens, qui m'a notifié l'ajout de cette pièce dans la banque de donnée de SensCritique)

Sechs
5.

Sechs (1986)

Sortie : 1986 (France). Swing, Lounge, Jazz

Album de Die Tödliche Doris

toma Uberwenig a mis 8/10.

Annotation :

Die Tödliche Doris, un groupe rien moins que majeur dans les marges du punk, de la no wave, de l'indus, flirtant tant avec The Fall qu'avec DAF ou Einsturzende Neuebauten, sort cet album en 1986.
Mais deux ans auparavant, le groupe sortait le sobrement nommé Unser Debut, en 1984.
Deux ans séparent les albums et pourtant, tout les lie.

En effet, l'oeil exercé n'aura pas manqué de remarquer que les durées du premier morceau de chaque album étaient identique. Idem pour le second. Et le troisième...etc

Die Tödliche Doris a tout simplement créé un album invisible, secret, Die 9. Unsichtbäre LP, que l'on ne peut découvrir qu'en jouant ces deux albums en même temps.
Chaque morceau dont les deux moitiés sont réunies a un titre spécifique, bien qu'à l'époque, sur aucun des disques ne figure la moindre indication.

Dès le départ, Doris avait l'intention de créer cet album invisible, les deux ayant été enregistrés en même temps, malgré leur écart de date de sortie.

Peu après la sortie de Sechs, le groupe révélera la ruse à travers des tracts et autres diffusions, permettant au public de découvrir leur 5ème LP.

Tout transpire le génie et l'audace dans la démarche.
A aucun moment les albums séparés semblent être des versions "light", auxquelles il manque quelque chose, chaque oeuvre est entière, singulière, et pourtant, une fois les deux albums passés en même temps, la magie opère.

Depuis, un CD construit sur le même modèle que Balance de Merzbow/Ladybird est sorti, réunissant les deux faces de ce Janus sonique pour la première fois.
Et une réédition édition vinyle en coffret des deux albums (devenus rares et chers, à même titre que le CD susmentionné) est disponible.

POURQUOI DANS CETTE LISTE ? : outre l'audace de ce projet, comme par exemple l'attribution d'un numéro de catalogue à ce disque qui n'existe pourtant pas, c'est la perfection conceptuelle de la chose qui invite ce projet à la table des grands. Un disque invisible, immatériel, et pourtant réellement là, une sorte d'objet artistique auquel on a accès uniquement via un rituel d'invocation, comment ne pas le lister ici ?!!

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