Enfin. Il est là. Ou plutôt, ils sont là. Les deux premiers "livres" de 1Q84 (le troisième est pour l'an prochain), le roman phénomène de Haruki Murakami. 1 500 pages, qui ont fait chavirer de plaisir le Japon avant l'envahissement progressif du monde. La structure narrative de 1Q84 est d'emblée familière aux lecteurs de l'auteur de Kafka sur le rivage : deux récits parallèles avec deux héros, un homme, une femme, qui, a priori, n'ont rien à voir l'un avec l'autre, sauf que, peu à peu, certains éléments et événements vont les rapprocher, un peu, pas beaucoup, pas encore passionnément, certainement à la folie, à moins que ce ne soit pas du tout. Tout est placé sous le signe de la dualité dans le Livre 1 de 1Q84 : deux histoires, deux êtres solitaires à deux visages: Tengo, qui donne des cours de mathématiques, écrit en espérant être publié, et se voit proposer de remanier le roman d'une mystérieuse jeune femme de 17 ans ; Aomamé, professeur de stretching et masseuse, qui, à l'occasion se fait justicière ninja en tuant des hommes qui martyrisent le sexe féminin. Deux mondes commencent aussi à cohabiter, l'un bien réel, en l'année 84 ; l'autre, décalé, situé lui en 1Q84, et qui a, comme singularité, de posséder deux lunes. Le talent de Murakami est celui d'un hypnotiseur : avec lui, tout dérèglement à la normalité semble logique (enfin presque), tout glissement suggestif vers le bizarre paraît couler de source. Dualité toujours : le réalisme le plus crû, en particulier sur le plan sexuel, y côtoie des aspects fantastiques, à peine perceptibles au début, qui ne font que prendre de l'importance. Autre caractéristique de 1Q84, évidemment double, d'une part, celle d'explorer l'intérieur des êtres, leur âme, leurs rêves, leurs pensées les plus intimes, leurs souvenirs d'enfance ; d'autre part, celle de s'ouvrir au monde, dans ce qu'il a souvent de plus sordide : viols, pédophilie, fanatisme religieux et, plus globalement, perte des valeurs. Murakami, c'est le chaud et le froid, le yin et le yang, le fromage et le dessert. L'auteur a l'art de la digression et ne se prive pas de citer moult références. Aussi bien Orwell, d'ailleurs, que Tchekhov, Janacek, Dickens ou Hitchcock. Et le miracle est que rien ne semble hors sujet, pris que l'on est dans l'arachnéenne toile tissée par le romancier. Son écriture est simple, épurée, on pourrait presque dire effacée, et participe à cet envoûtement d'un livre qui, au bout de 535 pages, n'a livré que bien peu de clés pour accéder au fin mot de l'histoire, dont on se doute qu'il restera, quoi qu'il arrive, nimbé de mystère. Suite, mais pas fin, dans le Livre 2, juillet-septembre.

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le 10 janv. 2017

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