Une déambulation sobre et gourmande dans la plus belle ville du monde.

La place Saint-Pierre dans Habemus papam est l'exception qui confirme la règle : les grands monuments qui font la renommée mondiale de Roma sont à peu près absents des films de Nanni Moretti, et donc logiquement de ce livre. Ce qui intéresse le cinéaste, c'est la vie romaine, or, les vieilles ruines sont muettes. Nanni Moretti confiait dans Caro Diario vouloir réaliser un film où seraient montrés les différents quartiers résidentiels de la ville : Prati, La Garbatella, Gianicolense, Monteverde, ... Tel le protagoniste de Bianca, "incapable de prendre part à la vie", je me "limite à en être un observateur peu discret." Aussi comme Nanni, j'aime pénétrer dans les cours intérieures. Elles sont nombreuses à Roma et dans chacune, il y a comme une atmosphère unique. J'aime échanger quelques mots avec les habitants. Complice de Nanni Moretti, mes aspirations rejoignent celles de Dezső Kosztolányi, un autre amoureux de la Botte et de Roma. Le poète hongrois expliquait à un ami italien que son attirance, certes non étrangère à l'architecture, à l'art, à la culture, au soleil, résidait ailleurs : "Ce que je viens chercher surtout, c'est la vie, c'est votre vie ; je viens la vivre au milieu de vous, dans ses manifestations les plus spontanées, les plus pleines."

Une leçon tirée d'Aprile : "De la mémoire des expériences personnelles gravées en nous pour toujours, et des événements publics, qui à la longue s'évaporent et se dissolvent." devrait encourager le touriste à réviser sa façon de visiter Roma. Est-il plus précieux en effet de faire le circuit "des choses à voir", de faire un selfie devant le Colosseo, ou bien de se perdre dans les rues de La Garbatella et de se poser au caffè letterario qu'on rencontre par hasard ? La Garbatella justement, le coeur à gauche (remarquer la déconcertante évidence), c'est le quartier préféré de Nanni Moretti. Construite dans les années 1920, La Garbatella est charmante et ne déçoit pas les espérances que le petit livre m'a donné. Contrairement au Trastevere, le quartier ne souffre pas du flux touristique et conserve son authenticité. Mais si tu passes en soirée par le Trastevere, le crochet au Nuovo Sacher, la salle de cinéma nommée d'après la pâtisserie favorite de Nanni Moretti, vaut sans doute le détour. À propos de Sachertorte, lorsque je suis passé devant la vitrine de Dolci desideri, pâtissier qui recueille les bonnes grâces du réalisateur, je n'ai trouvé qu'un panneau m’avertissant de la fermeture pour vacances durant le mois d'août. Cela constitue ma seule réserve au petit guide cinéphile. En attendant, la meilleure Sachertorte que j'ai mangé, c'était au café Braunerhof à Wien.

Aragne-souriante
7

Créée

le 13 août 2023

Critique lue 7 fois

Critique lue 7 fois

Du même critique

Electrocuting an Elephant
Aragne-souriante
1

La fée électricité

L'Histoire Sans la moindre forme de procès, le roi Babar est exécuté par un ingénieur sadique. Le capitaliste fait montre de virilisme ou Edison compare son anatomie avec un mâle en musth Le baron...

le 11 août 2023

3 j'aime

Thomas Bernhard
Aragne-souriante
7

Une existence contre la Nature

Thomas Bernhard (1931-1989) est un auteur majeur. Sa vie fut une succession de tentatives pour échapper à l'air catholico-national-socialiste typiquement autrichien, un air mortel pour les poumons,...

le 8 févr. 2025

2 j'aime

6

Le Pain et la Rue
Aragne-souriante
7

Film d'apprentissage

Des ruelles, quelques passants, un chien et un enfant : il ne faut pas grand-chose pour nourrir un spectateur attentif. C'est à Satyajit Ray il me semble que l'on doit le précepte suivant : il n'est...

le 6 sept. 2022

2 j'aime