Le Congrès que le Parti socialiste a tenu à Poitiers en juin 2015 marque une étape symbolique dans l’histoire de la social-démocratie française car le parti y a explicitement admis que la gauche n’était plus en situation d’hégémonie culturelle. Partant de ce constat, Gaël Brustier dresse un état des lieux sévère de la déliquescence actuelle du PS qui, non content d’avoir cédé aux sirènes du libéralisme, semble avoir renoncé au combat culturel et abandonné toute prétention à livrer une véritable vision du monde. « Dominer culturellement implique d’être capable de créer un univers d’idées, de symboles et d’images dans lesquelles un peuple se reconnaît. La gauche n’en est plus capable. » D’où l’intérêt de revenir à Gramsci, qui avait compris qu’aucune domination politique n’est possible sans domination culturelle, et que c’est cette bataille-là qui doit servir de préalable indispensable à toute bataille électorale. Or, dans le parti de Hollande, « tous les courants (ou presque) se sont soustraits à l’obligation de dire explicitement qui ils comptaient représenter et qui ils comptaient combattre ».


Dans ce bref pamphlet, Brustier, rappelant l’itinéraire et les idées du révolutionnaire italien, pointe les erreurs du PS : son parti pris en faveur du projet européiste (envisagé comme une idéologie de substitution au vieux socialisme) alors qu’il n’existe pas aujourd’hui de bloc historique européen au sens gramscien ; son atlantisme, qui apparaît aujourd’hui comme un anachronisme ; son refus de débattre avec les opposants, préférant toujours la rhétorique de l’évidence aux échanges d’arguments ; sa sous-estimation du réveil de la France conservatrice annoncé par la Manif pour Tous. A « l*’acuité stratégique* » d’une partie de la droite, la plus grande partie de la gauche répond par « un phénomène de persistance rétinienne » : image éloquente.


L’auteur parsème son texte de quelques pistes politiques qu’il conviendrait de suivre comme l’extension de la notion de service public, notamment dans le domaine culturel, ou l’égalité scolaire par le haut avec rétablissement de l’enseignement des humanités. « L’ère de la domination culturelle néolibérale est en passe de s’achever. Les droites, conservatrices ou national-populistes, se sont adaptées. La social-démocratie, elle, n’a pas changé. » Et elle ne changera pas, selon lui, tant qu’elle préférera rêver avec Hillary Clinton qu’avec Pablo Iglesias et qu’elle préférera clamer « Yes we can ! » que « Podemos ! ».

David_L_Epée
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le 13 déc. 2018

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