1. La perfide Albion domine le monde, entretenant en Europe un équilibre favorable à ses intérêts. Grâce à l’anti-glace, cette ressource miraculeuse tombée du ciel, elle a pris la tête de la Révolution industrielle, imposant sa suprématie dans les domaines technologique et commercial, non sans susciter la jalousie de ses voisins.
    Alors que l’on s’apprête à inaugurer en Belgique la nouvelle réalisation de l’ingénierie britannique, un paquebot terrestre gigantesque, la Prusse et l’Empire français entrent en guerre, menaçant le statu quo établit après le congrès de Vienne. Confrontés au militarisme de Bismarck et au nationalisme français, les Britanniques doivent trancher entre les deux puissances continentales. Ils disposent pour cela d’une arme de destruction massive : l’obus à anti-glace.
    Entretemps, par un malheureux concours de circonstances, le jeune diplomate Ned Vicars se trouve plongé au cœur du conflit. Enlevé par un terroriste français, il est projeté hors de l’atmosphère terrestre à bord du Phaéton, un engin conçu par l’ingénieur Josiah Traveller. En compagnie du savant, de son domestique et du journaliste George Holden, le voilà embarqué dans un voyage imprévu vers la Lune.


Même s’il fait appel à une forte dose de sense of wonder, Anti-Glace évolue aux antipodes du précédent roman de Stephen Baxter paru au Bélial’. Avec ce titre, l’auteur britannique nous amuse avec un habile pastiche vernien et wellsien, écrit dans l’esprit et le style de l’époque, mariant à la fois la fantaisie rétrofuturiste et l’uchronie.
Et pourtant, les choses débutent de manière bien sombre. En guise de préambule, il nous invite en effet au siège de Sébastopol, au plus près des tranchées et de la boucherie résultant des assauts infructueux. Face aux horreurs de l’ancien monde, Baxter oppose ceux de l’âge de l’anti-glace naissant. Un baptême de mauvais augure pour une humanité en proie à ses démons séculaires.
Pour autant, malgré cette ouverture dramatique qui n’est pas sans rappeler le bombardement d’Hiroshima, à aucun moment l’auteur ne se départit de son sens de l’humour. Conscient de l’aspect caricatural des personnages, il prend le parti de s’en amuser, usant et abusant des poncifs avec une constance inébranlable. Il suffit pour s’en rendre compte de dresser la liste des passagers du Phaéton. Entre Ned Vicars, parfait candide à qui l’on aimerait bien botter les fesses, Josiah Traveller, génie scientifique anarchiste et misanthrope (non non, il n’y a pas contradiction dans les termes), Pocket, son domestique passe-partout affligé d’un vertige congénital, l’opportuniste reporter George Holden et le fourbe terroriste français, la matière romanesque s’avère particulièrement chargée. On se croit revenu à l’époque des romans feuilletons et du merveilleux scientifique où les auteurs ne craignaient pas d’abuser des ficelles les plus grossières pour distraire le lectorat. Le procédé permet de masquer l’un des points faibles de Baxter : le traitement superficiel des personnages. Ici, il ne s’embarrasse pas de profondeur psychologique et déroule son histoire sans chercher la vraisemblance dans les rebondissements.
Derrière le pastiche, on retrouve également en creux les thématiques habituelles de l’auteur. Son goût pour la conquête spatiale et, bien sûr, sa foi dans la science et le progrès, même si l’humanité en dévoie l’usage pour satisfaire ses plus bas instincts. Sur ce dernier point, en paraphrasant le célèbre roman d’Ursula Le Guin, Anti-Glace peut être qualifié d’uchronie ambiguë.


Avec Anti-Glace, Stephen Baxter nous gratifie d’un roman léger, mélange d’uchronie et d’aventures, qui divertit au moins autant qu’il rend hommage aux fondateurs du genre.
Signalons aussi l’excellent travail réalisé sur la couverture par Manchu et Philippe Gady pour la présente édition. Le duo fournit un écrin adapté à ce roman que l’on peut rattacher sans trop mégoter au courant steampunk, dans la plus pure acception du terme, du moins à mes yeux, celle inventée par Tim Powers, James Blaylock et K.W. Jeter.


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le 2 juil. 2014

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