L’histoire débute en novembre 1918. Ce n’est pas l’armistice, pas encore. On en est encore à attendre l’armistice. Dans les tranchées, les derniers assauts, les derniers carnages. Les dernières chances de s’illustrer pour les gradés… et tant pis pour les misérables truffions qui, depuis bientôt 4 ans, ne sont plus que de la chair à canons.



La guerre n’était rien d’autre qu’une immense loterie à balles réelles dans laquelle survivre quatre années tenait fondamentalement du miracle



Le livre s’ouvre sur le 2 novembre 1918 et l’assaut de la côte 113. Dans le rôle du gradé sans scrupules, laissez-moi vous présenter le Lieutenant d’Aulnay-Pradelle, plus intéressé par le coup d’éclat que par la côte 113. Dans les rôles de truffions, je vous propose Albert et Édouard.


Albert se retrouve pris au piège dans un trou d’obus. En levant les yeux, il aperçoit Aulnay-Pradelle qui n’a manifestement aucune intention de l’aider, bien au contraire. Albert se retrouve alors enterré vivant, à côté d’une tête de cheval mort… puis il est sauvé in-extremis par Edouard. Albert est sauvé, mais Édouard est grièvement blessé, il y a perdu sa mâchoire et sa joie de vivre.


« Au revoir là-haut », raconte leurs histoires : celle d’Albert le miraculé et d’Édouard la gueule cassée, improbables frères d’armes que tout oppose - caractère éducation, position sociale… - mais que les hasards de la guerre a rapproché, mais aussi, évidemment, l’histoire du détestable Aulnay-Pradelle.


On les suivra après la démobilisation, au fil des lendemains qui déchantent. La Société n’est pas indifférente, mais elle a d’autres problèmes à régler et, surtout, chacun voudrait pouvoir oublier les années noires.


Aulnay-Pradelle, fidèle à lui-même, devient un profiteur de paix quand Albert et Édouard tentent bien que mal d’y survivre. De leur indéfectible amitié naitra l’idée d’une spectaculaire escroquerie, d’une arnaque aussi géniale qu’amorale…


« Au revoir là-haut », c’est donc un très bon Goncourt. Une histoire passionnante, servie par une écriture vivante et quelques personnages hauts en couleurs. Attention, ça secoue ! C’est à la fois un roman d’une tristesse infinie et une chronique douce-amère et ironique, non-dénuée d’humour. Surtout, c’est une leçon de vie magistrale qui questionne la notion de moralité et la dette immense de la Patrie envers une génération sacrifiée mais qui revient aussi, de manière plus intime, sur le deuil des survivants et les regrets d’un père repentant.

zemoko
9
Écrit par

Créée

le 3 mars 2020

Critique lue 134 fois

1 j'aime

Arnaud Malon

Écrit par

Critique lue 134 fois

1

D'autres avis sur Au revoir là-haut

Au revoir là-haut
nm-reader
9

Les héros sont bien plus utiles quand ils se taisent

"Le pays tout entier était saisi d'une fureur commémorative en faveur des morts, proportionnelle à sa répulsion vis-à-vis des survivants." Cette courte phrase, située en milieu de récit, résume on ne...

le 14 déc. 2013

28 j'aime

Au revoir là-haut
Olivier_Paturau
4

Critique de Au revoir là-haut par Olivier Paturaud

Au revoir là-haut prend le parti de faire le récit d'un pan mal connu de l'histoire de la Grande Guerre : comment les démobilisés auraient été abandonnés par l'Etat au lendemain de l'armistice ...

le 13 nov. 2013

18 j'aime

8

Au revoir là-haut
PierreAmo
10

Paroles de Poilus qui se rebiffent (lu grâce au projet d'adaptation par Albert Dupontel)

(Remarques écrites en 2016 juste après sa lecture émouvante, corrigées en 2020). La litanie de noms et références n'est pas de moi, ce n'est pas mon name-dropping: ils ont été cités de manières très...

le 16 janv. 2016

17 j'aime

3

Du même critique

Ce qui ne me tue pas
zemoko
9

Ce n'est pas du Stieg Larson... mais c'est un très bon roman

Est-ce que c'est du Stieg Larson ? Non, bien évidemment que non. Est-ce que c'est grave ? Pas tant que cela... Bon, d'accord, le fait d'avoir lu les premiers "Millenium" voici déjà quelques années a...

le 21 sept. 2015

11 j'aime

2

Temps glaciaires
zemoko
9

Commissaire, ne changez pas, restez comme vous êtes !

Disclaimer : je suis fan de Fred Vargas et j'adore l'Islande... donc, attention, ma critique et la note que je donne à ce livre sont sans doute biaisés. Vous êtes prévenus. Ceci étant dit, j'ai...

le 16 mars 2015

11 j'aime

1

Ecoute la ville tomber
zemoko
8

Une ville en plein burn-out

« Écoute la ville tomber » est le premier roman de Kate Tempest dont on me dit quʼelle serait une rappeuse anglaise déjà connue et reconnue dʼune trentaine dʼannée (ce que je veux bien le...

le 21 mars 2018

8 j'aime