L'actualité littéraire, en tant que telle, ne m'intéresse pas. Il y a une grande quantité de livres qui sortent continuellement et certains obtiennent des prix plus ou moins prestigieux qui échappent à ma vigilance. Sans raison particulière, je me souviens en revanche très bien avoir été intrigué par l'attribution en 2013 du prix Goncourt à Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre. L'écrivain, célèbre pour ses thrillers, était ému et parlait bien de son sujet à mille lieues de son travail habituel puisqu'il évoque ici l'époque qui suit immédiatement la fin de la première guerre mondiale. Le roman commence d'ailleurs brillamment par une dramatique et hallucinante scène de bataille dans les tranchées en novembre 1918, seulement quelques jours avant l'armistice. Albert et Édouard, deux simples soldats, après avoir longtemps combattu l'un à côté de l'autre sans se fréquenter, vont voir leurs destins se lier à jamais en l'espace de quelques minutes tragiques.
Une fois démobilisés, nos deux poilus, à la fois héros de la grande guerre et complets anti-héros, tentent de garder la tête hors de l'eau alors que les véritables vainqueurs, ceux qui ont souvent passé la guerre loin du front, exploitent sans vergogne le filon du deuil et de la commémoration sans se soucier le moins du monde de la piétaille. Albert et Édouard, chacun avec leurs propres motivations, vont tenter d'obtenir leur part du gâteau.
J'ai aimé ce roman pour le portrait d'une époque, l'évocation de sa guerre et de sa jeunesse sacrifiée sur l'autel de la patrie, ainsi que pour la description d'un Paris révolu. Tout cela vit de façon très crédible sous la plume piquante de l'auteur. En revanche, à mes yeux, le drame du début de l'histoire surpasse, et de loin, une seconde partie au surréalisme subliminal, plus légère et moins captivante.