Rassemblant des chroniques et articles écrits entre 2010 et 2012, «Autrement et encore» (Actes Sud, 2013), poursuit «Au hasard et souvent» publié en 2008.

Cri de colère envers notre époque, ce livre au sous-titre parlant, «contre-journal», s’élève contre : contre l’effondrement intellectuel dans une société où la communication remplace la pensée, contre une société nécrosée par l’argent, contre la rapacité et l’indécence des riches, des inégalités économiques devenues insoutenables, contre la démolition d’un Etat délégitimé par le dogme libéral, contre les manœuvres de ceux qui nous gouvernent, contre une société qui passe les rêves au presse-purée.

«Il faut aujourd’hui de l’or, beaucoup d’or pour jouir du droit de parler ; nous ne sommes pas assez riche : silence au pauvre !» Félicité de Lamennais, Le Peuple constituant, 10 juillet 1848

Prenant appui contre sa bibliothèque, objet bien vivant, ce déchiffrage du monde alterne et entremêle analyses politiques et sociales, rêverie poétique, promenade érudite, avec un regard en colère mais amoureux du monde, fort de couleurs et d’images, de sève et de sel, de rencontres et d’expériences vécues, nourri des voyages, en Amérique du Sud, en Chine, ou en Algérie, qui tisse des liens et qui donne envie de lire et relire de nombreux autres livres.

«Excusez cette abondance de citations ; il ne s’agit pas là d’une pédanterie ; simplement, il se fait que, ces quinze dernières années, j’ai fréquenté les livres plutôt que les gens ; et puis, à quoi bon réinventer maladroitement ce que de bons écrivains ont mieux dit avant nous ?» (Simon Leys, Discours de réception à l’Académie royale de langue et littérature française de Belgique, 1992)

Amoureux des images sépia et aimant prolonger le goût des belles choses disparues, Sébastien Lapaque guette aussi partout les signes de la beauté et de la renaissance, autant dans la culture érudite que dans la culture et les rites populaires. Il rend hommage aux beaux gestes, en art ou en sport, ceux de l’artisan et du vigneron, leur amour du métier et leur expérience singulière du passage du temps.

Et même si l’on ne partage pas toutes ses convictions et ses admirations de gaulliste chrétien, loin de là, cette peinture distanciée et intime de notre époque est un livre où l’on trouve, comme chez les Anciens, «de la beauté en rafales et des munitions théoriques en quantité».
MarianneL
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le 29 mai 2014

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