L’ouvrage est un catalogue de l’exposition Balthus: Cats and Girls – Paintings and Provocations, présentée au Metropolitan Museum de New York du 25 septembre 2013 au 12 janvier 2014, mais il peut se lire simplement comme un livre sur le thème qui a rendu Balthus célèbre – enfin, toujours moins célèbre que les Anges de la télé-réalité, mais on parle d’un peintre –, notamment parce que les quarante premières pages constituent une mise en contexte de sa vie et de son œuvre. Le peintre y apparaît avant tout comme un produit de son époque et surtout de son milieu – ce milieu d’intellectuels de l’entre-deux-guerres, mi-mondains, mi-artistes d’avant-garde, pour lequel je n’éprouve pas de curiosité particulière. (Je crois que c’est de cette époque que date la fusion définitive entre avant-garde et milieu bourgeois, qui se manifestera après la guerre sous le nom de politique culturelle. Mais je m’éloigne du sujet.)
Avant de lire ce livre, par curiosité, je n’avais pas spécialement d’idée sur Balthus. Je savais que certains de ses tableaux, représentant de toutes jeunes adolescentes en compagnie de chats, avaient fait scandale. (J’adore les chats en vrai, je n’ai rien contre les chats en peinture, mais le corps des pré-adolescentes me laisse froid, en vrai comme en peinture.) Sans faire ses gorges chaudes de cet aspect scandaleux de l’œuvre, l’auteure ne le passe évidemment pas sous silence, mais ne donne pas son avis sur la question, – ce qui est peut-être une prouesse. (Du reste, ici, ne pas donner son avis revient probablement à en avoir un, mais c’est là aussi un autre sujet.)
Il y a quelques redondances dans les propos de Sabine Ewald. C’est sans doute le prix à payer, compte tenu de la structure du livre (essai biographique d’abord, catalogue d’exposition ensuite, je l’ai dit). Mais les analyses proposées, et c’est plus gênant, ne sont pas toujours très fouillées, même pour un ouvrage qui s’adresse aux amateurs plutôt qu’aux spécialistes. Une fois acquis que « Balthus confère à ses jeunes modèles la dignité et l’importance que percevrait chez elles une personne de leur âge » (p. 19), une fois admis « que sa quête est d’ordre esthétique autant qu’érotique » (p. 17), il ne reste plus grand-chose.
Je ne jette pas la pierre à Sabine Ewald : si ses analyses ne sont pas d’une grande richesse, c’est que l’œuvre elle-même est finalement assez pauvre. Oui, les poses de certains modèles sont empruntées à d’autres tableaux ; oui, on trouve souvent chez Balthus une austérité des décors qui renforce le poids du modèle ; oui encore, il y a dans ses tableaux une sorte d’illusion de la surface comme chez d’autres une illusion de la profondeur. (Il me fait penser à Hopper, qui me paraît tout aussi pauvre d’un point de vue pictural, mais dont j’admets que les tableaux racontent implicitement des histoires potentiellement excellentes.)
Mais ça me paraît vraiment trop peu.

Alcofribas
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le 29 janv. 2019

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