"J'ai rencontré un jour et je me suis vu. J'ai vu une tête et c'était moi."

Bibi est un livre inclassable. Etrange recueil de poésie en prose. Monologue atypique. Ou bien ramassis de pensées obsessionnelles. Bibi s’exprime comme cela vient. Ses mots s’enchaînent dans la précipitation, selon des phrases courtes, simples, haletantes. Bibi a des idées fixes, des préoccupations maniaques, des tourments constants. Qui est-il vraiment ? Qui sont les autres ? Les femmes, et son père, et sa mère, et les copains – qui sont-ils pour lui, en lui ? L’esprit de Bibi questionne et remue, l’air de rien, de grandes choses. Derrière son apparente naïveté se cache une sensibilité et une acuité frappantes. Les méandres de son cerveau et de sa langue nous happent. Bibi, c’est lui, c’est toi, c’est moi. C’est ce « on » qui revient sans cesse.
Charles Pennequin milite pour une poésie accessible et immédiate. En 2007, il fonde l’Armée Noire, groupe qui réunit divers artistes favorables à une expression directe et percutante (voir http://armee-noire.charles-pennequin.com/). L’accent est mis sur le son : le poète a l’habitude de réciter et de performer ses textes devant des publics variés, et dans des contextes multiples (voir http://www.charles-pennequin.com/sons). Ses lectures sont habitées par une urgence impérieuse, et donnent à ses écrits toute leur valeur.

Extrait :
Dans combien de temps on va pouvoir se reposer. Dans combien de temps je vais enfin pouvoir poser mon sac. Dans combien de temps je reviendrai là-dessus. Sur le sac. Ou sur moi. Dans combien de temps on sera proche. On se rapproche de soi. Dans quelque temps on se touchera. On touchera un bout de soi. Et on pourra l’emmener avec nous. Dans quelque temps on pourra nous ramener. On nous ramène à nous. Au bout de quelque temps. Mais je ne sais pas combien de temps je resterai avec moi. Je ne sais pas combien de temps ça me coûtera d’en être. D’être resté autant dedans. Comment on plante un être en soi. Je ne sais pas compter. Combien ça coûte un être. Un être qui reste en lui. Avec le lui de moi autant planté. Je ne sais pas si on y tient toujours. Si on tiendra toujours à soi. Je ne sais pas si je tiendrai toujours avec mon être. Avec le moi de l’être en nous. Et jusqu’où on en restera là avec le moi.
Alphonse
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le 25 mars 2015

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