Alors que l'extrême-droite monte en Europe et que mon pays, la Belgique, me couvre de honte par ses rafles anti-réfugiés, là où il devrait organiser la solidarité... alors que les policiers, qui se sont généralement engagés pour appliquer le dicton "Serve and protect", reçoivent l'ordre de fermer le poing au lieu d'ouvrir la main... alors qu'on nous parle économie, rentabilité, marché, là où on devrait nous parler solidarité, insertion, interculturalité... alors que certains gobent ces mensonges et ressortent les poncifs aussi abominables que vides de sens "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde", "charité bien ordonnée commence par soi-même" (voire même "et nos SDF ?", dans les cas les plus absurdes)... alors que l'on se perd en débats sémantiques sur les termes "réfugiés", "migrants", "immigrés", "immigrants", "exilés", etc., cherchant à établir une hiérarchie quelconque permettant d'accueillir les "méritants" et refouler les "profiteurs"... alors qu'on s'étonne de voir une majorité de jeunes hommes débarquer et que l'on postule que ce sont des terroristes infiltrés (là où, en fait, ces jeunes hommes viennent pour préparer une venue confortable et sécurisée pour leurs familles, amassant un capital; et évitant aussi par là-même toutes les horreurs qui arrivent malheureusement beaucoup trop souvent aux femmes, entre mille autres raisons totalement compréhensibles pour qui réfléchit au sujet plus de quelques secondes)... alors que tout ça nous empoisonne plus ou moins vite, les réfugiés (parce que c'est de ça qu'il s'agit, toujours, peu importe que leur région d'origine soit sinistrée par la guerre ou la pauvreté, ce sont des réfugiés en quête d'asile et de futur) continuent encore et toujours à affluer, à attendre une réaction, une aide, une main secourable. Attendent de pouvoir passer au Royaume-Uni, supposément terre idéale qui accorderait plus facilement l'asile aux exilés sur sont territoire. Attendent d'être régularisés. Sont méprisés par les politiques, surtout la droite, qui se durcit et lorgne vers l'extrême-droite, accusant ces gens de tous les maux de l'humanité, remettant en cause leur bonne foi (parce que oui, quand on n'a plus de famille, plus de pays, plus de possessions et qu'on a vécu l'enfer et côtoyé la mort sur les routes, oui, il est question de bonne foi). Les initiatives privées sont nombreuses et variées (par opposition aux initiatives gouvernementales, qui se ressemblent toutes et sont plutôt de l'ordre du confinement et de la déportation), et la littérature n'est pas en reste. Ce Bienvenue, à l'initiative des éditions Points, qui reverse les fonds de la vente au Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, en est un exemple très touchant. 34 auteurs ou dessinateurs, chacun avec sa sensibilité, y vont de leur contribution, avec une sincérité souvent désarçonnante.


Un collectif particulièrement intéressant, avec des points de vue très variés. Beaucoup d'immigrés ou descendants d'immigrés, mais pas seulement. Tantôt, il est question de donner une voix aux anonymes. Tantôt, c'est un constat d'impuissance. Tantôt, une dénonciation. C'est en tout cas toujours un cri du coeur. Dans ces textes et ces dessins se mêlent la colère, l'incompréhension, la culpabilité, la compassion. Témoignages de français de souche ou d'adoption (distinction que l'on ferait d'ailleurs bien d'enterrer hors des rares cadres où elle est pertinente) qui font part de leurs états d'âme, ou de leurs espoirs, ou de leur désaveu des politiques injustes de nos gouvernements. Qui généralement mettent à nu des émotions que d'autres voudraient taire, parce que "on ne vit pas au pays des Bisounours", et autres déclarations qui condamnent l'empathie et la solidarité par cynisme décomplexé, peur irrationnelle ou orgueil mal placé.


Bien sûr, l'écriture n'est pas suffisante pour changer les choses, mais je pense que la démarche de ces artistes a beaucoup de mérite, et en particulier celui de nous rappeler qu'on a le droit de voir le beau, le juste, et de dénoncer l'innommable. Qu'on a le droit de compatir, et qu'on a le devoir, eu égard aux principes de notre société, dont on abuse tous allègrement, de tendre une main secourable à ceux qui en ont besoin, en dehors de toutes considérations quant à leur vécu ou leurs intentions.


Le poème de Laurent Gaudé "Regardez-les" (disponible notamment ici ) illustre selon moi parfaitement la situation, et je me permets d'en retranscrire ici la fin :


Regardez-les,
Ils ne nous prennent rien.
Lorsqu’ils ouvrent les mains,
Ce n’est pas pour supplier,
C’est pour nous offrir
Le rêve d’Europe
Que nous avons oublié.

Antevre
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le 16 oct. 2017

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