Nouvelle traduction - édition annotée

"Je ne puis nommer aucun livre pour enfants, paru au cours des vingt-cinq dernières années, dont je pourrais dire avec plus d'assurance qu'il sera lu au vingt et unième siècle. "
Marcus S. Crouch, critique pour Junior Bookshelf, au début des années 50.


Il semble que ma dernière relecture de Bilbo le Hobbit remonte à 2003 ... en anglais (oui j'étais jeune et fringante en ce temps-là et surtout courageuse). La sortie du film approchant, Bilbo le Hobbit a été choisi comme lecture commune du mois de septembre sur le Cercle d'Atuan. La nouvelle édition des aventures de Bilbo arrivait donc à point nommé pour relire cette petite merveille de la littérature jeunesse, de celle qui plait autant aux petits qu'aux grands.


Cette nouvelle édition, en outre d'être un livre d'un certain cachet (ça aurait presque valu la peine d'en faire une édition de luxe avec couverture cartonnée et jolie reliure)(et en fait j'apprends que c'est le cas avec des illustrations d'Alan Lee : voir ici), propose : une nouvelle traduction, une introduction et des notes .. pleins de notes, deux appendices et des illustrations.


Comme j'aime bien lire les livres du début à la fin, j'ai commencé par l'introduction, conséquente puisqu'elle fait une quarantaine de pages. Elle raconte toute la genèse de Bilbo le Hobbit, des premiers jets écrits par Tolkien à la seconde publication dans les années 50. C'est là aussi que l'on trouvera les premières annotations. Elles sont fort instructives. Cela ne sera pas toujours le cas à la lecture de l'histoire où beaucoup d'annotations se contentent de décrire les petites modifications de texte entre les différentes éditions (et même les corrections de fautes de frappe). Mais parfois on a une petite explication sur le pourquoi de certaines modifications de texte et les changements qui ont été fait pour garder une certaine cohérence entre Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux.


"Ces annotations sont des petits bijoux qui raviront le fan de Tolkien."


Chez Tolkien, le précurseur de Gollum fut une petite créature visqueuse appelée Glip, qui apparaît dans le poème du même nom. Glip fait partie d'une série de poèmes appelée Chants et contes de la baie de Bimble, et bien que le poème ne soit pas daté, il a sans doute été composé vers 1928. [...]


Par contre je ne pense pas que cela soit une bonne idée de lire ce roman pour la première fois sous sa forme annotée. Si je ne peux que conseiller la nouvelle traduction par rapport à l'ancienne, les annotations pour un primo-lecteur ne vont que l'embrouiller, le ralentir et le perdre dans les méandres de l'histoire de l'oeuvre. Cela me parait inutile.


Le livre est également illustré, dans un assemblage joyeux d'illustrations de Tolkien lui-même, des différentes versions anglo-saxonnes mais aussi de partout dans le monde. Il y en a de très belles mais aussi très laides et puis des vraiment bizarres, et aussi des à côté de la plaque par rapport à l'histoire. C'est assez rigolo en plus d'aérer le texte. Au milieu du livre on a droit à un petit cahier d'illustrations en couleur.


"Au fond d'un trou vivait un hobbit. Non pas un trou immonde, sale et humide, rempli de bouts de vers et de moisissures, ni encore un trou sec, dénudé, sablonneux, sans rien pour s'asseoir ni se nourrir : c'était un trou de hobbit, d'où un certain confort."


Bilbo Bessac est donc un hobbit et comme tous les hobbits il aime sa petite vie tranquille, la bonne chère et ne manque jamais l'heure du thé. Mais cette tranquillité va être perturbée par la visite impromptue de Gandalf, magicien un peu mal vu dans la région mais dont on apprécie néanmoins les feux d'artifice, qui lui propose ... une aventure. Evidemment notre amateur de petit gâteaux ne se laissera pas convaincre aussi facilement, vous vous en doutez mais il finira par partir, en compagnie de Gandalf et de 13 nains, menés par Thorin Lécudechesne sur les traces d'un trésor gardé par un dragon.


"Nous sommes des gens simples et tranquilles et les aventures ne nous intéressent pas. Quel tracas, quel inconfort, quelle horreur ! De quoi vous mettre en retard pour le dîner ! Je ne vois pas ce qu'elles ont d'attirant [...]"


Comment comment les aventures ne nous intéressent pas ? Grand bien en a pris à Bilbo de se laisser entraîner dans celle-ci, j'aurais été fort marrie d'être privé de son récit. Voilà le genre de bouquin, bourré d'humour et de séquences formidables, dont on ne saurait se passer. A travers les années, les générations de lecteurs, les relectures, il reste inchangé continuant autant à plaire, et même si pas plus qu'au moment de sa sortie.


Sous couvert d'un conte pour enfants, Le Hobbit est très riche ; on sent poindre derrière les éléments qui feront la complexité du Seigneur des Anneaux et la mythologie inventée par Tolkien. Je ne sais pas ce qu'il avait déjà couché sur papier de la mythologie de la Terre du Milieu, tout ce qu'on peut trouver dans le Silmarillon ou dans les appendices du Seigneur des Anneaux. Forcément il devait y en avoir quelque chose, je ne peux pas croire qu'il ait sorti cette histoire de nulle part. Ce qui rend la chose encore plus extraordinaire.


"Mais qui sait comment Gollum était venu en possession de ce cadeau, il y avait des siècles, dans cet ancien temps où pareils anneaux étaient encore disponibles dans le monde ? Peut-être le Maître qui les régissait n'aurait-il pu, lui-même, le dire."


Ce qui est très appréciable aussi dans Bilbo le Hobbit, c'est l'absence de manichéisme de l'histoire. D'accord, le dragon est le méchant dans l'histoire mais les personnages qui gravitent autour de Bilbo, et Bilbo lui même, sont loin de manquer de défauts. Les nains sont égoïstes, les elfes orgueilleux les hommes cupides. Thorin est décevant lorsqu'il cède devant l'attrait du trésor ; les Nains ne sont au final pas bien efficaces et Gandalf les abandonne tous pour aller régler ses propres affaires après avoir mis tout ce petit monde sur les routes (et sans plus de culpabilité d'avoir lancé ce pauvre Bilbo dans une aventure qui au final ne le concerne nullement). Les elfes se montrent plaisantins, guère sympathiques au final par leurs moqueries et leur méfiance envers les Nains. Le tout est assaisonné d'une certaine cruauté. Tolkien va quand même trouver le moyen de laisser les poneys servant de montures au groupe se faire manger. Deux fois. Sans que le livre soit non plus une tuerie, il y a des gens qui meurent. Le ton reste assez léger, ce qui peut sans doute faire passer la chose plus facilement aux enfants mais les adultes ne manqueront pas de se demander s'il n'y a pas là une point de cynisme.


"Ce fût la dernière fois, j'en ai peur, qu'ils virent ces vaillants petits poneys (dont une joyeuse petite bête blanche, très robuste, prêtée à Gandalf par Elrond, parce que son cheval ne pouvait gravir les sentiers de montagne. Car les Gobelins mangent les chevaux, les poneys et les ânes (et bien d'autres choses moins appétissantes), et sont toujours affamés."


L'évolution du personnage de Bilbo est aussi très intéressante. De sa Comté natale à la grotte de Smaug, le petit personnage va nous surprendre plus d'une fois. Au final, il se révèle bien plus courageux et utile que 13 Nains mis ensemble. Cela pourrait paraître incohérent, mais en fait pas du tout car Bilbo use de moyens à sa mesure pour se dépatouiller des situations les plus difficiles ... Il usera plutôt de la ruse que de la force, de la dissimulation plutôt que du conflit direct. Et ce de façon très ingénieuse et en fait c'est bien plus rigolo de le voir libérer les Nains en les casant dans des tonneaux que par une scène de bataille grandiose.


Le Hobbit permet aussi de faire la connaissance de Gollum, qui a ici un rôle bien plus secondaire que dans Le Seigneur des Anneaux. D'ailleurs l'intrigue avec l'anneau ne permet pas du tout de se douter qu'il va avoir une importance capitale dans le SdA. A tel point que je doute vraiment que Tolkien savait déjà en écrivant Le Hobbit ce qu'il allait faire avec l'anneau de Bilbo par la suite.


"En fait, Bilbo comprit qu'il avait perdu non seulement ses cuillers, mais aussi sa réputation."


Rajoutons que la présente édition propose deux appendices, un qui explique les runes utilisées sur la fameuse carte et puis surtout un qui explique comment cette expédition a été lancée et pourquoi ... Le tout raconté du point de vue de Gandalf, ce qui n'est pas chose courante, le personnage ayant une propension non négligeable à cultiver le mystère.


Puisse la fourrure de vos pieds ne jamais tomber.


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le 5 déc. 2014

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