Le handicap et la drogue évoqués avec brio

Avec ce roman, Jérôme Bourgine s’attaque à deux thèmes difficiles. En lisant le résumé, on pourrait croire que l’on a affaire à un roman sur le handicap. Et en effet, l’absence de bras de Julian est un fil rouge de l’histoire. Mais le vrai propos, celui qui est au centre du roman, c’est l’engrenage de la drogue et du manque. L’auteur en parle avec aisance, restituant toute la dureté et l’absence de scrupules qui sévissent dans le milieu de la drogue, qui sert de point d’ancrage des pratiques mafieuses et/ou perverses. Du fait de ce thème, certaines scènes du roman sont forcément assez glauques, le lecteur se trouve face à une véritable déchéance humaine. C'est donc un titre à réserver à un public averti.

Mais la réussite de ce roman réside dans le traitement de ces deux thèmes difficiles. En effet, le tour de force de l’auteur, c’est de faire en sorte que le roman ne soit jamais pesant pour le lecteur. Oppressant, oui. Pathétique, jamais. Drôle, souvent. L’humour est présent tout au long de l’histoire, avec un brin de cynisme. Il y a également dans ce roman de la sensibilité et de la tendresse, notamment au travers du couple formé par Julian et Leïla. Ainsi, le roman est très vif et se lit avec plaisir.

J’ai beaucoup aimé la manière dont l’auteur présente et fait agir ses personnages. On sent qu’il les aime, et de fait, le lecteur s’attache lui aussi aux protagonistes de l’histoire, même lorsqu’ils se montrent faillibles, même s’ils agissent mal. Ils sont en fait terriblement humains, voilà pourquoi j’ai cru, dur comme fer, à cette histoire.

Julian, éternel insatisfait, cherche par tous les moyens à oublier ses rêves qu’il juge inaccessible. Tout ce qu’il veut, c’est se sentir bien, quitte à renoncer à sa dignité, quitte à voler ses parents, à piétiner le cœur de la femme qu’il aime. Et pourtant, on est touché par son mal être, lui qui est gouverné par le manque.
Leïla, inébranlable, porte Julian à bout de bras et se détruit pour que lui s’en sorte. Ses intentions sont si bonnes que, quoi qu’elle fasse, il est impossible de la juger.
L'histoire est racontée d'après le point de vue de ces deux personnages, cette alternance est intéressante.

Je m’attendais à ce que le père de Julian soit plus présent, que leur relation soit davantage au centre du roman. Mais finalement, il est surtout présent par son silence, et par l’importance qu’il a pour Julian. C’est un personnage intéressant lorsqu’on lève un peu le voile sur sa propre histoire, qui mériterait peut-être d’être un peu plus mis en avant.
Il y a aussi des personnages secondaires intéressants, comme Véro, l'institutrice qui ne dit pas non à un petit pétard à ses heures perdues, ou Kurt, le voisin aveugle qui espionne tout l'immeuble.

J’avais aimé l’écriture de Jérôme Bourgine dans son précédent roman, c’est toujours le cas ici. Son écriture est vivante et assez imagée. Elle recèle également beaucoup d’humour, comme je l’ai déjà mentionné. L’auteur utilise également des références cinématographiques assez nombreuses. Je ne les ai pas toutes saisies, mais j’en en tout cas apprécié le clin d’œil à Star Wars !

Ainsi, c’est un roman qui attrape le lecteur dès les premières pages et le relâche, remué mais heureux, après le point final. Un roman dur, mais qui est aussi et surtout plein de vie, très humain. Un roman fort, qui ne vous laissera pas indifférent, à destiner aux grands ados à partir de 15 ans et aux adultes. Je serai bien en peine de vous expliquer pourquoi ma note ne va pas jusqu’au coup de cœur, peut-être à cause de la fin un peu abrupte, mais je vous le recommande chaudement.
Stellabloggeuse
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le 2 nov. 2014

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