(tout est trop brillant rappelle-toi la douche oh maman je veux redescendre)
Roman type de Stephen King : personnages torturés, action se déroulant dans le Maine (état où King est né et où il vit, si je ne m'abuse), apartés entre parenthèses pour donner un rythme tout particulier à la narration.
Carrie est son premier bouquin et répond à tous ces codes. Pour la petite histoire, notre bien vieux Stephen King s'était, lors de la rédaction du bouquin, complètement découragé et avait décidé de laisser tomber. Merci à son épouse Tabitha d'avoir ressorti le script de la poubelle.
Carrie, n'en déplaise à Stephen King qui considère qu'il ne s'agit tout juste que d'un coup d'essai plutôt réussi, est son meilleur roman. Carrie dépeint avec une justesse effroyable la cruauté de l'adolescence, les mesquineries, les méchancetés gratuites, l'âge où l'on a toujours pas conscience du mal que l'on peut faire aux autres, comme un enfant, mais où on a aussi les armes pour faire très, très mal...
Aussi, je m'insurge contre le qualificatif de roman d'horreur. On n'est pas épouvanté par ce qui se passe ici. Ou, si on l'est, c'est par pitié pour les personnages. Le drame de l'incendie de Chamberlein (je ne vous spoile pas, c'est annoncé dès les premières pages) n'est ni de la faute de Carrie, ni de la faute de Susan, ni même de la faute de cette salope de Chris Hargensen. L'incendie a eu lieu du fait d'un catastrophique concours de circonstances et de l'action simultanée de ces trois jeunes filles. Comme l'a justement fait remarquer Bestiol dans sa critique, c'est un roman très féminin où les femmes sont au coeur de l'action (et délivre la grande majorité des points de vue si l'on inclue la prof de gym).
Rien ne fait peur. C'est juste triste. Carrie atteint enfin l'apothéose, elle brille, elle tombe amoureuse, Tommy Ross commence à l'aimer aussi, elle est reine de promo, tout étincelle, et puis elle commence à flipper, en repensant à son amour de maman qui l'a mise en garde, c'est trop beau pour être vrai.
Et ben oui.
Mais quand on balance l'ascenseur émotionnel le plus cruel de tous les temps à une fille télécinétique, ça a des conséquences.
Le drame, c'est que des "enfants" (cf. les propos de Susan) aient été les déclencheurs de cette catastrophe. A force de haine, de peur, de frustration, ils (enfin, elles, les garçons se contentant essentiellement de suivre leur nana) ont commis l'irréparable. A noter aussi le rôle non négligeable de la mère, siphonnée, caricaturale d'extrêmisme religieux, qui s'est adonnée à détruire progressivement sa fille pour n'en faire ni plus ni moins qu'un déchet à dix-sept ans.
Alors oui, en tant que lecteur, à force de voir Carrie s'en prendre plein la gueule, on ne peut s'empêcher de ressentir une certaine jouissance à la voir craquer et exécuter sa vengeance, pour des années de solitude, de peur, de haine de soi et de l'autre. On aime le passage où Chris se fait défoncer la gueule (SPOILER : littéralement, en plus.).
Oui mais et après ? Qu'elle ait crevé l'abcès, c'est bien, mais avec un peu de recul, on réalise que c'était pas leur faute, à ces pauvres ados. En foutant le feu à la ville, elle s'est pour autant dire fichue en l'air toute seule. Elle est tombée dans la spirale de l'enfer.
La dernière altercation avec la maman, c'est limite une formalité. SPOILER : parce qu'avec ce qu'elle venait de faire, elle était condamnée de toute manière. FIN SPOILER.
Donc, Carrie, le lire adolescent, c'est limite risqué. Parce que Stephen King a l'air de très bien se rappeler l'état d'esprit dans lequel on se trouve durant ce passage de notre vie. Carrie, c'est cruel, c'est impitoyable, c'est triste. C'est limite une tragédie : dès le début, on sait qu'aucune échappatoire n'est possible. Et pourtant, quand l'action atteint son paroxysme et que tout est perdu, l'émotion est tout de même présente.
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