Je note large, je laisse parler mes sentiments.
La raison me dicte de passer d'un petit huit à un bon six – à cause de quelques défauts que j'aborderai d'abord – mais elle peut aller se faire voir chez les Mi-go.
Certes, on peut condamner la naïveté du personnage principal dans la dernière partie, qui conduit à la construction d'un suspense gâché par sa prévisibilité (en tout cas pour celui qui a déjà lu du H-P Lovecraft), le rythme pas toujours fluide, ou encore quelques détails dont la subtilité et l’intérêt s'amenuisent avec le temps (cf: le rapport Pluton/Yuggoth, qui reste quand même « sympathique ») mais malgré cela j'ai quand même adoré cette lecture, surtout dans les cinq premiers chapitres, et c'est ce qui l'emporte dans ma notation.


L'auteur parvient à rendre terrifiants des éléments qui rapportés autrement seraient d'un ridicule honteux, grâce à son style. J'admets que certaines choses passent mal et que pour le lecteur actuel le kitsch transpire en de rares occasions entre les lignes (lors de certaines descriptions, par exemple), mais la nouvelle réussit quand même à passer le test du temps, la preuve en est qu'elle fait encore occasionnellement trembler.
L'isolement d'Arkeley et sa lutte dans la montagne sont captivants, sa réticence à abandonner sa demeure d'une vie pour fuir un fléau mystérieux d'ampleur cosmique rappelle au passage le dédain de Lovecraft pour la modernité, qui apparaît ici comme une corruption camouflée par des promesses de grandeur.
Les révélations sont souvent horriblement intéressantes et chassent toute envie de poser le recueil ne serait-ce qu'un moment, en dépit de sa lenteur ponctuelle. Il y a une vraie tension, même si la conclusion n'est à mon sens pas satisfaisante, car elle repose sur une crédulité difficile à accepter.
Une bonne histoire d'épouvante néanmoins, qui rassemble beaucoup de thèmes récurrents en partie cités plus hauts.
On peut penser à « The thing » de Carpenter pour la supercherie finale qui donne son titre à l'ensemble et également pour la notion d'isolement, à « X-files » pour l'abominable complot universel entretenu même par quelques hommes inquiétants, à « L'invasion des profanateurs de sépultures » pour la corruption de tout ce qui est bon (les attaques répétées du foyer) ou à d'autres classiques de notre culture populaire postérieurs à la rédaction de « Celui qui chuchotait dans les ténèbres » qui m’apparaît notamment comme un pot-pourri de grands thèmes du genre, pas toujours parfaitement dosé, mais diablement savoureux et efficace.


Je donne peut-être l'impression de me justifier, mais en vérité je recommande chaudement cette histoire, qui contrairement à ce que je pensais avant de la lire n'est pas toujours listée parmi les meilleures de l'auteur – à juste titre ? – mais qui est un petit régal pour les amateurs d'épouvante qui savent prendre du recul et jouer le jeu - faire abstraction de certaines choses. Ou peut-être que je me trompe et que rien n'est à jeter ? Ça vaudra sans doute une relecture. Le principal reste que j'ai envie de relire, pour le plaisir. Je pense que même sans la surprise une partie de l'histoire reste savoureuse.

Nhoj
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le 10 juin 2013

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Nhoj

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