Il y a des livres qui surprennent : vous pensiez ouvrir un chef-d’œuvre, vous refermez un cauchemar de platitude ; ou bien vous vous attendiez à un opuscule sans prétention et vous tombez sur une pépite oubliée. Autant le dire tout de suite : Ceux que la muse habite, sous-titré « Contrepets fortuits et involontaires des poètes », ne fait pas partie de ces livres.

On s’attend à un recueil de contrepèteries principalement grivoises, et c’est le cas – « Les mains quittent leur peine » (p. 123), c’est du Pierre Reverdy. Du reste, le lecteur paresseux et / ou stupide ne sera pas lésé, puisque les sons à décaler sont indiqués en italiques.

On compte sur des télescopages entre le caractère scabreux du vers manipulé et l’esthétique du poète qui en est l’auteur. C’est le cas : « Le vent geint, un glas sonne » (p. 86), c’est drôle, et c’est plus drôle encore sous la plume de Marie Noël.

On espère, s’agissant d’un volume de cent soixante pages, un texte liminaire qui propose quelques éléments de réflexion quant à l’art du contrepet, et justifie le choix exclusif de la poésie. C’est le cas : « Le choix des formes versifiées s’explique d’abord par le fait qu’elles sont particulièrement vulnérables au lapsus, puisqu’elles doivent être récitées. Et puis la Poésie est l’expression des plus hautes aspirations, à l’opposé du Contrepet » (p. 12). (Je ne m’étendrai pas ici sur l’équivalence posée entre vers et poésie…)

Par ailleurs, l’apport de l’anthologiste ne se limite pas à une collecte de matériel et à une préface : les citations sont organisées par mots-clés, et parfois commentées : « Et même les vipères / Y piqueront sans nuire » (p. 128), écrit Malherbe dans son Récit d’un berger. « Ainsi la bergère se laisser verser sur la berge », ajoute Jacques Antel.

Inutile de dire qu’une lecture en continu de cet ouvrage ne présente probablement pas grand intérêt : typiquement, le livre qu’on laisse traîner aux toilettes – en ce qui me concerne, il y a voisiné avec le Canard enchaîné et son autrement plus ardu « Album de la comtesse ».

Alcofribas
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le 10 août 2023

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