Chanson douce
7.2
Chanson douce

livre de Leïla Slimani (2016)

S'il y avait un mot pour résumer mon sentiment face à ce roman, ce serait écœurement.
Et pourtant, dieu sait que les chroniques sociales sont normalement à mon goût, avec toute la charge émotionnelle qu'elles portent. De la terrible série des Rougon-Macquart jusqu'aux exotiques et superbes roman de Garcia Marquez, ou encore le terrible et splendide "Combat Ordinaire" de Manu Larcenet, ces récits d'hommes portant leur douleur et leur souffrance en filigrane m'ont accompagnés avec sollicitude dans ma compréhension du monde et des hommes.


Jusqu'à l'incroyable "L'Adversaire" d'Emmanuel Carrère, qui se livre à un exercice similaire, partant du fait divers pour le déconstruire peu à peu jusqu'à nous amener sur une piste, la sienne, d'interprétation d'un acte si difficile à comprendre.


Mais là... Là c'est insupportable. Cette impression glauque que l'auteur se roule avec délectation dans une fange morbide, l'absence totale de sentiments lumineux, la négation de toute distance prise avec le soi-disant fait divers dont le récit est censé s'inspirer... Je ne vois là qu'horreur glauque, presque l'oeuvre d'un esprit malade ayant désespérément besoin de vomir sa haine de toute relation humaine.


A dire vrai, je dois avouer que cela me fait presque peur : "chronique sociale des rapports d'amour, d'argent et de domination en 2016" nous vend la 4e de couverture... Y a-t-il vraiment consensus sur cette assertion au point de décerner un Goncourt à son auteur pour ce récit ? Gardez votre monde vicié, merci !


Il est évident qu'il y a beaucoup à dire pour déconstruire un acte comme celui de cette nounou, qu'il faut étudier avec circonspection son parcours, comprendre ses peurs et sa douleur pour arriver jusqu'à ce geste, à la manière d'Emmanuel Carrère qui a passé tant de temps dans les tribunaux et dans les archives d'affaires à la rudesse innommable. Je ne nie pas qu'il est fort possible que Leïla Slimani ait réalisé cet exercice, sans avoir pu trouver de doc à ce sujet.


Mais là, je n'ai pas ressenti la méthode de l'exercice. On nous parle de déconstruction "clinique" ? Moi je ne vois que des cauchemars personnels plaqués sur des existences imaginaires.
Je ne vois qu'un auteur incapable de prendre ses distances face à ce personnage tourmenté et malade. Je ne vois qu'un auteur qui plante un décor terrible, affreux, et absolument personnel, qu'il ne déconstruit pas et dont il ne tire que le pire.
Dès les premières lignes le couple lui-même s'enfonce dans une terrible haine, censé refléter les relations humaines de notre société contemporaine et qui ne sont que négativité extrême et faux-semblants, sans échappatoire.


Elle nous écrit ses peurs, la tourmente de l'esprit humain, le pire de l'imaginaire personnel. Chaque description de leur vie est d'une noirceur sans nom, toute l'atmosphère dépeinte est mise sous cloche, recouverte d'une chape de plomb et l'on a l'impression d'être coincés dans une horreur sans issue.
De l'air, par pitié !


"Regarder les choses en face", c'est ce que revendique Leïla Slimani avec ce roman.
Non. Non, les choses ne sont pas qu'horreur sans issue, non les relations ne sont pas qu’infamie sans sens.
Oui la vie est faite de hauts et de bas qui ne s'équilibrent pas toujours, pour finir par déboucher sur des drames qui dépassent l'entendement. Oui il y a de l'horreur dans l'humain, mais pas seulement.
Moi je retiens de ça l'impression d'un voyeurisme pervers, la délectation de se rouler dans l'indicible et l'infâme. Cela met mal à l'aise, mais absolument pas pour les bonnes raisons.
Je retiens de ça le plaisir malsain et masochiste de lecteurs qui aiment se faire mal en plongeant dans ce qu'il y a de pire en l'être humain, emballé dans quelques mot bien trouvés où je ne trouve personnellement rien de ce qui fait le charme de la poésie en tant qu'art et qui est vanté par tant de critiques.


Bref, un roman qui dépeint gratuitement une horreur imaginaire qui vous collera à la peau comme une maladie poisseuse venue tout droit de l'esprit humain.
Malsain à souhait.


Masochistes allez-y, mais pour moi non merci !
(Et moi qui lisais ce livre afin de découvrir Leïla Slimani et candidater au prix du roman France Inter, j'attendrai l'année suivante !)

Isequold
1
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le 28 févr. 2018

Critique lue 600 fois

1 j'aime

Isequold

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