"Châteaux de la colère", au premier abord, est un titre qui ne résonne pas immédiatement avec l'histoire. Pourtant, à Quinnipak, chacun a un peu son château de la colère intérieur, un feu de joie et de frustration qui brûle lentement et qui finit par tout consummer. Pour faire simple, le livre de Barrico est habile, à la fois construit globalement et déconstruit dans ses parties, émouvant et iconoclaste.

J'avais lu Soie, Novecento Pianiste et Océan Mer avant de me faire prêter ce livre qui est en fait son premier roman. Je pensais y retrouver le style à la fois agaçant et en même temps tout à fait virtuose de Barrico, et je ne fus pas déçu. Comme dans Océan Mer, Barrico dresse une chronique de l'immobilité dans un lieu défini qui réunit des personnalités toutes plus étonnantes les unes que les autres. Il n'y a pas que le nom du village d'inventé, mais tout un monde en douce poésie qui rend possible l'impossible et parfois l'inverse. Tout ceci n'est pas réaliste pour un sou, et pourtant, comme d'habitude une incontrôlable envie d'y croire nous prend et nous mène à rêver. Le style est là, la narration est magique, et il y a certains passages qui sortent complétement du lot parce qu'ils sont magnifiquement bien écrits et tout à fait émouvant, au point que sans renier la nature de roman de son livre, Baricco glisse imperceptiblement vers une poésie en prose avec son lot de paradoxes, qui enrichit réellement l'ensemble.

Alors, je met 8. C'est pas mal, j'aurais mis moins avant les cent dernières pages qui terminent l'ensemble avec une grâce inexpliquée. Au deux tiers du livre, je commençais, j'avoue, à me sentir lassé de l'univers un peu trop rose et alléchant de Baricco, où tout le monde vit dans une allégresse impossible, et où tout se fait un peu trop facilement. Pourtant, en quelques coups de poignard, l'auteur démonte la belle façade de Quinnipak et fait basculer le livre vers "autre chose". Avec une fin terrible et suspendue, le monde de verre vole en éclat et nous ramène la face dans la terre, trop près des réalités. La façon dont il le fait est tout à fait sublime, en rupture avec la jovialité qui prédomine dans son roman. Le livre en devient bien plus émouvant et ne terrasse pas tout à fait la lecture des premières pages, qui nous laisse une bulle de rêve et un échappatoire: comme le dit le personnage de la fin, "Quinnipak était un rêve où nous pouvions nous réfugier".
Cachalot
8
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le 2 oct. 2013

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