Publié en 2000, Anne Nivat dit souvent de « Chienne de guerre » qu’il est son livre préféré. Récompensé par le prix Albert Londres, ce premier livre, récit de ses séjours en Tchétchénie entre septembre 1999 et février 2000, rend compte de la guerre vue du côté tchétchène. Seule sa méthode de terrain, son intelligence et son abnégation permettent de restituer les contradictions, les complexités et le désespoir de la guerre, avec une curiosité qui tire tous les fils, une volonté sans faille de rencontrer tous les protagonistes, politiques, militaires et civils, de les questionner toujours finement et de les écouter, et de témoigner fidèlement des paroles entendues.

Au fil de ses allers-retours entre Ingouchie et Tchétchénie, Anne Nivat témoigne ainsi des bombardements intenses, des massacres de civils par des russes qui pilonnent au hasard, de l’inaction des Russes envers les Wahhabites, de la condition de ces jeunes soldats russes qui s’ennuient à mourir, des bavures commises, de la superposition des pouvoirs officiels et des pouvoirs des clans.
Elle apporte déjà son témoignage unique sur la condition des femmes, sur la vie qui continue pour elles, vaille que vaille, sous le pilonnage russe, sur les dissensions politiques dans les familles tchétchènes, et les avis séparés des hommes et des femmes dans deux pièces différentes de la même maison.
Il y a les conditions de son travail qui sont celles des civils qu’elle côtoie, les passages de frontières interminables, imprévisibles, les marches dans la nuit, les bombardements, pour rendre compte du désastre de la guerre, des familles anéanties, de l’état terrifiant des blessés et des hôpitaux de fortune, de toutes les souffrances que la guerre engendre.

Respect et admiration pour Anne Nivat.

« Depuis ma couche, je pouvais entendre le grésillement de l’avion qui se rapprochait, ralentissait, volait en rase-mottes pour lâcher sa cargaison mortelle. "Ils larguent la où ça leur chante, ça leur est complètement indifférent", me murmurait Islam dans la pénombre. Je n’avais pas peur, mais c’est comme si, enserrée de toutes parts, j’avais subitement touchée les limites de ma vie. »

« À l’approche d’Ourous Martan, c’est un désastre absolu. Plus un kiosque ne tient debout, la plupart des maisons sont détruites, certaines brûlent encore. Elles n’ont plus de vitres, des rideaux déchiquetés pendent aux fenêtres, des impacts de balles dessinent de macabres figures sur toute la surface verticale. L’air est d’ailleurs vibrant de tirs, car tout près, à environ vingt kilomètres au nord, c’est Grozny. »
MarianneL
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le 11 mai 2013

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