En dernière page, parmi une tripotée de remerciements, on peut lire ceci : « Merci à Donald Ray Pollock pour son amitié, son soutien et ses conseils. » Sûr que Frank Bill doit beaucoup à Pollock. Même ambiance de fin du monde dans l’Amérique des paumés, au sud de l’Indiana. Mêmes trouduc alcooliques et violents, accros aux méthamphétamines et vivant dans des mobiles homes entourés de carcasses de bagnoles. Tous voleurs et escrocs à temps partiels, ivrognes à temps plein. Ils ont les cheveux sales, le « regard vide, comme dépouillé de toute étincelle de vie par un dieu qui ne [sait] dispenser que la souffrance. » Ici, on trouve « des couples où les hommes à l’haleine chargée de bière ne savent caresser leur femme qu’à coup de poing, leur offrant généreusement ecchymoses violettes, boursouflures rouge vif et os fracturés. » Ici, ce n’est qu’ « hommes et femmes d’un certain âge aux mains devenues calleuses à force de trimer pour survivre, et qui aspirent au carnage. »

Dix sept nouvelles en tout où l’on découvre des chasseurs de ratons laveur, des organisateurs de combats de chiens, des dealeurs à la petite semaine, des junkies prêts à tout pour se payer leur dose, des femmes aux mœurs foutrement dépravées. C’est l’Amérique profonde des rednecks où l’on n’hésite pas à enfermer dans un sac un nourrisson né dans l’adultère pour le balancer à la rivière comme un chaton dont on veut se débarrasser et où les rancœurs séculaires entre voisins se terminent dans un bain de sang. Certains personnages se retrouvent d’une nouvelle à l’autre et donnent un semblant de fil conducteur à l’ensemble. Il faut dire que ce monde est tout petit et aux mains de quelques clans. Autre point commun entre ces textes, ils se terminent systématiquement mal, l’espoir n’ayant aucune raison d’être ici-bas.

Âme sensible s’abstenir, un recueil aussi brutal vous secouera forcément. L’écriture est sèche comme un coup de trique, très visuelle. Frank Bill va à l’essentiel, il ne s’embarrasse pas de superflu et ne donne pas dans le gratuitement vulgaire. Chienne de vies s’est vu décerner le titre de meilleur polar de l’année par le magazine Lire du mois d’avril. Je ne vois pas bien en quoi c’est un polar mais on s’en fout un peu. Sachez juste que ça dépote sévère et qu’on en sort pas indemne. Autant dire que j’ai adoré.
jerome60
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le 1 août 2013

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jerome60

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