Au pays des Cinq Trônes, il n'est pas question d'amour. Il est question d'alliances.


Les mäges ne peuvent exercer la mägerie qu'en binôme, a contrario leurs sorts sont corrompus, mauvais et dangereux. Pourtant Liutgarde a fui Ortaire, le mari qui lui avait été assigné pour exercer la mägerie. Exilée au coeur de la forêt de Sylverëe, elle a trouvé refuge auprès d'un groupe de caravaniers dont son véritable amour, Rollon, fait partie.


Rollon est un puissant mäge, mais il a autant de pouvoir que de mystères. Lui-même exilé au coeur de l'Hiver depuis de nombreuses années, il a noué avec la Sylverëe des liens que Liutgarde ne soupçonne pas.


Car la forêt a une âme. Sous les gigantesque arbres enneigés, les Faëes rôdent.




Anthelme Hauchecorne effectue ici un beau travail de jeux de mots : Faëes/fée, Alliances/Liances, Mägerie/magie. Il invente par la même occasion un langage nouveau, pratiqué par le Petit Peuple (les fées) : aussi "Moitié d'âme" signifie "Hälflügen".


L'idée de diviser un pays selon les cycles des saisons est assez classique mais fonctionne parfaitement avec l'histoire ici tissée. La fantasy a souvent le défaut d'être construite selon un même schéma, Anthelme Hauchecorne parvient à s'en éloigner sans pour autant faire preuve d'innovation totale. On retrouve notamment la thématique du rejet social de deux êtres : ils ont commis aux yeux de la société une faute impardonnable qui les pousse à l'exil. Et puis bien sûr il y a l'amour, mais on ne jettera pas la pierre à ce thème universel. Qui plus est, l'amour est une toile de fond omniprésente mais subtile (et sans cucutrie).


C'est ce qui m'amène à l'infinitésimale source de déception. Le lecteur sait que Rollon et Liutgarde sont amoureux, mais il n'en aura que des preuves (vous savez "il n'y a pas d'amour il n'y a que des preuves d'amour"). En effet le couple est peu réuni par la narration. Pas de chichi chez Anthelme Hauchecorne. C'est pourquoi il m'a été parfois difficile de croire en ce couple, j'avais besoin notamment de les voir dialoguer (un peu comme Ophélie et Thorn dont les instants ensembles sont très fugaces, c'était frustrant non ?). Et pourtant j'accepte avec joie de débattre avec le détracteur qui me dira que tout ce que fait Rollon, il le fait pour Liutgarde (même quand celle-ci se sent trahie).


Cette petite déception a été largement contrebalancée par la construction très progressive de chaque personnage dont le portrait le plus intéressant est celui de la Faëe, Dame Hölle. Progressive car l'auteur peut se targuer dans cette brique de 500 pages, d'une efficacité rare : pas de présentation infinie de l'univers et des personnages. Le lecteur entre directement dans le vif du sujet. Pas de longueurs, pas de descriptions à n'en plus finir.


Et il faut obligatoirement évoquer l'objet-livre qui ne fait pas regretter l'usage répandu du marque-pages. Un beau travail d'édition qui se démarque complètement de ses voisins : pas de photos (je déteste les photos des livres de fantasy), pas de tranche grise toute pas belle, ça fait du bien ! Même la tranche-gouttière est travaillée !




Pourquoi lire Moitiés d'âme ? 


Parce la thématique est classique mais n'en demeure pas moins creusée et complexe
C'est accessible aux lecteurs habitués à ce genre ou non
C'est le livre parfait à lire pendant l'hiver
Ça n'est pas une traduction et c'est bien écrit

Dadou-lit
7
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le 16 janv. 2020

Critique lue 50 fois

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