Colas Breugnon
7.2
Colas Breugnon

livre de Romain Rolland (1919)

Vous ne le savez sans doute pas, mais je creuse tous les jours un peu plus dans le riche vivier des écrivains Nivernais. Hier, le Jules Renard de Chitry et de Nevers, aujourd'hui, le Romain Rolland de Clamecy.


Romain Rolland, humaniste, pacifiste, prix Nobel de littérature en 1915 au cours d'une guerre dont il dénonçait les deux camps, celui qui dû refuser à Lénine de l'accompagner en 17 et qu'un certain Stefan Zweig admirait plus que tout autre...


Notre très sérieux écrivain, dont les 10 tomes de Jean-Christophe, pleins de romantisme allemand lui attribuèrent le Femina, le Nobel et la gloire, en eut un jour un peu marre de cette oeuvre qui s'étalait de 1904 à 1912. Se souvenant comme par enchantement qu'avant d'être écrivain barbant et vieux barbon bancal il était bourguignon bonhomme et bon vivant bavard, Romain se mit à songer à son peuple.


C'est la voix de ses ancêtres qui le pousse alors à écrire ce petit bout de roman léger et facétieux qui aurait dû sortir en 1914, mais qu'un léger contretemps enverra, à l'identique se faire éditer en 1918.


Colas Breugon est un brave homme de Bourguignon, un cinquantenaire vivant à Clamecy au dix-septième siècle, menuisier de plus en plus dilettante, marié à une femme de plus en plus acariâtre, et de plus en plus souvent tenté de passer ses journées auprès de ses deux bons compères : le curé Chamaille et le notaire Paillard, deux bien braves hommes qui n'aiment rien tant qu'un bon repas et dont la sainte-trinité se prononce ainsi : Chablis, Puilly et Irancy.


Petit roman charmant dont chaque chapitre est une histoire à part, quoique servant fort bien l'ensemble. Une année des mémoires d'un brave homme qui affronte la guerre, les seigneurs, les échevins corrompus, la peste, la mort, les pillards, les pleutres, la soif et cette satanée vieille épouse qui l'engueule jour après jour. Heureusement, le bourguignon est aussi débonnaire que philosophe, d'ailleurs, ça se voit dans son amour des maximes populaires les plus improbables, et ça ne gâche en rien sa digestion.


Particulièrement intéressant pour cette description si précise et si juste de cet animal fascinant, charmant, et un peu effrayant qu'on nomme le Bourguignon, le livre est aussi un des rares qui nous raconte le quotidien des petites gens du dix-septième, avec les guerres incessantes, les querelles religieuses, l'ost qui vit sur l'habitant, et la vie quotidienne qui ressemble à du Giono.


Revendiquant à bon droit l'étiquette rabelaisienne, le livre délivre aussi des moments plus émouvants, d'autres tout à fait charmants et nous offre dans l'ensemble un rare et précieux plaisir humain.


Dieu merci, la truculence domine, et c'est avant tout à un plaisir charnel que Rolland nous invite. Une sensualité du vin et de la cuisine qui n'est pas sans m'avoir laissé en tête une ou deux idées de recettes à faire damner l'âne d'un pape.


Je laisserai le dernier mot à Colas Breugnon, notre maître à tous :


 "C'est au manger que l'on apprend ce que vaut l'homme. Qui aime ce qui est bon, je l'aime : il est bon Bourguignon."

Créée

le 4 juin 2011

Modifiée

le 22 juil. 2012

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Torpenn

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