Le titre du livre et sa promotion médiatique furent d’éhontées demi-vérités. Ce n’est pas un livre sur son père mais sur son rapport au judaïsme vu à travers le prisme de son père.


Je me suis intéressé à Sfar et donc à ce livre par une accumulation d’interviews du susnommé visionnées au fil des années où j’ai été séduit par son caractère et son esprit, par une idiosyncrasie intrigante. A la fois transgressif et respectueux, désinvolte et sérieux. Une sorte de punk à la québécoise. Un oxymore sur pattes. Peut-être la voie de la sagesse par l’opération d’une synthèse qui mène à la tempérance.


Le livre, censé être centré sur la mémoire du paternel André Sfar, ne respecte aucune structure et c’est tant mieux ; ça part dans tous les sens. L’anecdote surgit après la réflexion, le souvenir après la déclaration. L’ensemble est signifié par un style parlé où l’on ressent que Sfar écrit comme il aurait l’habitude de s’exprimer, ce qui donne un ton direct, fleuri et percutant au texte, évidement sublimé par son « petit » talent.


On y apprend notamment qu’en ce temps là à Nice, une méta-police hébraïque défendait chèrement l’intégrité des pierres constituant la synagogue et qu’un jeune juif pouvait avoir un pote skinhead s’il répondait à l’injonction majeure de la sympathie, s’il en allait ainsi de sa nature cachée.


Pour conclure, une autobiographie fragmentaire, un alignement de réminiscences parcellaires autour du père et du judaïsme (c’est ici la même chose), de sa mère disparue trop tôt, de son ex-compagne et de tout un tas de petits sujets qui, glissés au milieu des thèmes tutélaires, font tout le sel du bouquin.


Sfar s’inscrit comme un touche-à-tout heureux et démontre que la pluridisciplinarité artistique reste légale pour peu qu’on en ait l’adresse et l’aisance, et réactive ce que je crois être une vieille tradition française dans la veine des Cocteau, Guitry ou autre Pagnol.


                        Samuel d’Halescourt 

Créée

le 21 févr. 2017

Critique lue 234 fois

Critique lue 234 fois

D'autres avis sur Comment tu parles de ton père

Comment tu parles de ton père
CharliePicart
7

Un exercice intéressant

Les critiques à la Rentrée ont parlé du "livre de la Rentrée" - je ne sais pas si j'irai jusque là mais l'exercice est intéressant. On n'a pas à faire à une biographie mais à une lettre, une...

le 29 oct. 2016

2 j'aime

Comment tu parles de ton père
François_CONSTANT
6

Critique de Comment tu parles de ton père par François CONSTANT

"Comment tu parles de ton père!" Rien que le titre est déjà une impertinence... Dans ce livre, Joann SFAR se donne les moyens de 'glorifier, sanctifier', le Nom de son père. Pour être correct, par...

le 27 nov. 2016

1 j'aime

Comment tu parles de ton père
zazy
8

umour, amour, digresions

================= Je n’ai pas encore lu le chat du Rabbin, ni les autres… C’est grave docteur ? Par contre, j’ai découvert Joann Sfar avec « L’éternel » qui m’a fait rire. J’ai aimé le style Sfar,...

Par

le 14 oct. 2016

1 j'aime

Du même critique

La Seule Exactitude
Samueld_Halescourt
8

Un flingue avec un nœud papillon

Autant annoncer la couleur, ce livre m’a régalé. Une accumulation de courts chapitres qui traitent de l’actualité de ces deux dernières années où Finky délivre ses sublimes exaspérations, son divin...

le 10 nov. 2015

11 j'aime

1

Interventions 2020
Samueld_Halescourt
8

Compilation pour l'histoire

Outre l'arnaque d'avoir reversé dans ce volume une grande partie des précédentes interventions, on prend plaisir a redécouvrir la plupart des textes qu'on avait passablement oubliée dans l'intervalle...

le 3 mars 2021

5 j'aime

Les Portes de la perception
Samueld_Halescourt
8

L’ignoble festif a remplacé l’expérimentation scientifico-chamanique

D’abord déçu de constater que « Les portes de la perception » à proprement parler n’était en fait qu’un court texte dans un recueil qui en compte beaucoup d’autres et sur lesquels nous...

le 26 sept. 2017

5 j'aime

2